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La mégalomanie et la persécution dans les TOC : résistance à la thérapie

Publié le 23 janvier 2016 par Darouich

Après 2 ans de suivi, et des efforts incontestables de sa part, un patient me disait il y a un mois ne pas comprendre pourquoi il n’avance pas. Il a tout compris au fonctionnement du cerveau, les mécanismes de sa maladie, qu’il faut s’exposer, ne pas éviter, se bombarder volontairement avec les images interdites, mais rien ne marche.On tourne et retourne dans tous les sens son scénario catastrophe et on ne trouve rien. Pourquoi cette peur d’être agressé sexuellement ? "Peur que l’on m’embrasse malgré moi, peur de provoquer le désir chez l’autre et que je ne puisse pas me protéger de l’attaque". Le patient me raconte avoir été en voiture la veille à côté d’une amie à lui et avoir été noyé dans l’angoisse. "Pourtant je pèse 30 kilos de plus qu’elle, elle est inoffensive, mais je ne pouvais me sortir de l’esprit qu’elle pourrait tenter de m’embrasser, de m’agresser sexuellement".Et puis subitement, le patient dit : "Par contre, j’ai vraiment honte de vous le dire, vous allez trouver cela bizarre mais je reconnais moi-même que c’est idiot voire prétentieux, ne rigolez pas, mais je me dis que je vais faire de grandes choses, que je suis un peu le nouveau De Gaulle et que le pays a besoin de moi. Alors, çà n’a aucun rapport avec mes TOC, mais parfois je me dis qu’un type comme moi pourrait être kidnappé à cause de ce qu’il va faire, de la façon dont il va bouleverser la France".Je lui demande en quoi il va bouleverser la France et en quoi il est assez puissant et célèbre pour être kidnappé. Il reconnaît que c’est un sentiment et qu’il n’y a en effet rien de concret car il n’a rien construit de bien palpitant. Je lui dis que ce sentiment est sûrement ce qui explique ses obsessions.En effet, ce patient est soigné pour TOC et troubles bipolaires (cyclothymie). Il a donc des antidépresseurs et du Lithium depuis le début de sa prise en charge. Suite à cette déclaration surprise, notre hypothèse avec le Docteur Hantouche a été que son hypomanie n’était pas complètement stabilisée par le traitement et que même à minima elle alimentait son scénario catastrophe d’agression. L’hypomanie provoque une augmentation de l’estime de soi, donc du sentiment de grandeur, de mégalomanie. Couplée à un TOC, l’hypomanie devient anxieuse : c’est une idée de grandeur avec une sensation de catastrophe, donc agression et enlèvement. On retrouve aussi ces thèmes d’obsessions chez les enfants et adolescents bipolaires : sentiment de grandeur, qu’on leur en veut, qu’ils sont importants, ou que s’ils ne font pas leurs rituels c’est la Terre entière qui va disparaître (dans les TOC classiques, les obsessions et rituels concernent généralement le patient et son entourage direct).Nous avions le choix entre augmenter le Lithium ou baisser les antidépresseurs. Chez les bipolaires, les antidépresseurs induisent très souvent de l’hypomanie. Il a donc été décidé de baisser au maximum les antidépresseurs.15 jours après la baisse des antidépresseurs, le patient note une disparition des obsessions "même dans des situations de conversations en face à face". Après un mois de tranquillité, les obsessions ont remonté récemment. Nous partons sur un nouvel ajustement du traitement.Dans la mesure où la cyclothymie est une maladie instable et perpétuellement en mouvement entre dépression et excitation, c’est toujours un jeu de patience de constamment adapter le traitement au rythme des zigzag de sa maladie, et trouver enfin un juste milieu avec un traitement qui protège de la dépression sans provoquer l’excitation et donc les obsessions.La question que l’on pourrait poser en lisant ce texte est "mais pourquoi est ce une mégalomanie bipolaire et non pas un délire paranoïaque ?". Le bipolaire reconnaît que c’est une sensation de pouvoir, de forte confiance en soi, mais c’est intermittent (le bipolaire oscille avec des phases de dépression), et il en reconnaît l’absurdité ou le côté étrange. Le paranoïaque est dans un système clos, qui exclut la possibilité que cela soit faux. Ses idées ne sont pas critiquées ni critiquables.Notre patient reconnaît que cela ne tient pas la route et a même honte d’en parler. Un patient paranoïaque partirait du principe que c’est une évidence non contestable et se mettrait même en colère que l’on dise que cela ne tient pas la route.

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