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Requalification d'autoentrepreneurs en salariés

Publié le 13 janvier 2016 par Rozennlefeuvre @aladom
Requalification d'autoentrepreneurs en salariés

La Cour d'appel a requalifié plusieurs auto-entrepreneurs en salariés

La cour d'appel vient de requalifier en salariés plusieurs autoentrepreneurs qui travaillaient pour une société. La seule qualification d'auto-entrepreneur n'est pas une condition suffisante pour écarter le statut de salarié dans une relation de travail.

Requalification des auto-entrepreneurs 

La qualification d'auto-entrepreneur ne suffit pas à éviter la mise en place du statut de salarié dans une relation de travail. C'est la décision que viennent de rendre les juges aux torts d'une société en collaboration avec plusieurs autoentrepreneurs. 

L'entreprise en question qui croyait que de travailler en auto-entrepreneuriat suffisait pour ne pas avoir à emboucher les intervenants apprend à ses dépens que la relation qu'elle entretenait avec ces derniers était du salariat. Pour aboutir à une telle conclusion dans le règlement de ce litige, les juges saisis n'ont pas seulement pris en compte dans leur analyse l'unique qualification du contrat liant le prestataire et  le donneur d'ordre. Ils ont basé leur analyse sur des éléments de fait pour procéder à la requalification du contrat conclu entre les parties. Dans un contexte où les réflexions relatives à  l'évolution du salariat et des nouvelles formes d'emploi sont d'actualité, cette décision revêt une importance capitale. 

L'absence d'autonomie : un critère déterminant pour requalifier en salariés des autoentrepreneurs 

Dans cette affaire en cause où des supposés auto-entrepreneurs avaient saisi la justice pour que celle-ci leur reconnaisse le statut de salariés, les juges se basent sur un certain nombre d'éléments dans le cadre de leur analyse. Parmi les indices sur lesquels ces derniers se sont fondés pour analyser les faits et procéder à une requalification du statut juridique de ces travailleurs, figurent en très bonne place l'autonomie des travailleurs. Pour les juges de la Cour d'Appel, les plaignants étaient sous la dépendance totale de la société alors que ceux-ci devaient être autonomes dans l'organisation du travail qui est leur confié. Pour le tribunal, l'absence d'autonomie est établie dès l'instant où l'entreprise pouvait demander à ces derniers d'accomplir certains travaux sans lien avec l'objet du contrat. Les prétendus autoentrepreneurs travaillaient de façon exclusive pour la structure condamnée selon des conditions imposées par elle, à savoir l'obligation pour eux de respecter des horaires de travail et des dates de congés, un mode rémunération similaire et imposé par l'entreprise et bien plus encore. Pour les juges, un tel caractère exclusif a eu pour conséquence de les placer de façon manifeste dans une situation de précarité et de dépendance économique qui exclut toute idée d'autonomie de ces travailleurs. D'autres indices tels que la parfaite concordance entre la date de début du travail effectué pour le compte de la société et la date de création de l'auto-entreprise ont été en outre relevés  par la Cour d'Appel pour confirmer le fait que ces auto-entrepreneurs à l'origine de cette action judiciaire n'étaient pas autonomes comme voulait laisser penser la société avec laquelle ils collaboraient. 

Tous les éléments du délit du travail dissimilé réunis 

La Cour de Cassation qui a été saisie en dernier ressort a confirmé la solution rendue par les juges en appel. Pour cette haute juridiction, le délit de travail dissimilé est constitué en tous ces éléments dès lors que la société a sous prétexte d'un contrat de mandat avec des auto-entrepreneurs recouru à des salariés sans procéder préalablement à une déclaration d'embauche de ces derniers. Pour les juges de cassation,  l'entreprise a pu réaliser des économies intéressantes de charges sociales grâce à un tel montage. Une situation qui a conduit selon eux à l'appauvrissement de ses salariés ayant subi une réduction de leur rémunération, tandis que leur durée de travail faisait l'objet d'une augmentation. Dans l'analyse des faits, la Cour de Cassation a tenu a rappelé qu'une présomption simple d'absence de contrat de travail est prévue par le Code du Travail quand une entité est régulièrement déclarée ou immatriculée comme c'est le cas de l'auto-entrepreneur. Cependant, les juges soulignent que l'existence d'un contrat de travail est sans aucun ni avec la qualification donnée ni avec la volonté des parties. Seules doivent être prises en compte les conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur selon eux. C'est pourquoi toute personne accomplissant un travail pour un employeur dans un lien de subordination permanent, résultant du pouvoir de donner des directives et des ordres, d'assurer le contrôle de l'exécution et de sanctionner les manquements relève du régime du salariat.  

Une décision dans la droite ligne des annonces récentes de la ministre du Travail concernant le statut des travailleurs indépendants 

Cette décision rendue par les juges concernant cette affaire de requalification en salariés de travailleurs autoentrepreneurs n'est pas sans rapport avec les annonces faites récemment par Myriam El Kohmry relativement aux travailleurs indépendant sur les plateformes internet. 

Pour la ministre du travail qui prépare activement un projet de loi pour mars, il s'agit de proposer des reformes sérieuses pour un meilleur encadrement juridique des travailleurs indépendants des plateformes internet. L'idée est de renforcer les mesures de protection afin de faire payer ses entreprises qui collaborent avec de plus en plus de personnes qu'elles maintiennent dans un lien de dépendance économique  avec le dispositif actuellement en vigueur. Sur la question, Bercy et le Ministère du Travail ne semblent pas être sur la même longueur d'onde. Si pour le Ministère de l'économie qui travaille activement sur la loi Macron 2 baptisée noé, il n'est pas question de raisonner en termes de relations de travail, pour Myriam El Kohmry il est indispensable d'encadrer juridiquement les travailleurs indépendants des différentes plateformes en ligne. 

Concernant le débat actuel sur la question de la requalification de ces autoentrepreneurs en salariés, elle affirme ne pas mener un combat pour que ces derniers soient requalifiés en salariés. Le projet de loi pour mars qu'elle prépare avec ses services devrait permettre uniquement un renforcement de l'encadrement juridique des travailleurs indépendants. Quoiqu'il en soit, le débat sur la question de la requalification des autoentrepreneurs en salariés est très loin d'être épuisé. Les mois à venir permettront de savoir si Bercy parviendra a éviter de faire payer de nouvelles cotisations à la charge des plateformes internet.

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