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Le laminoir et les 8 de Goodyear

Publié le 12 janvier 2016 par Jean-Emmanuel Ducoin
Ces hommes, ces syndicalistes, ces militants de la CGT ont été condamnés à deux ans de prison, dont neuf mois ferme. Cette sanction n’en est plus une, mais témoigne d’un acharnement.
Le laminoir et les 8 de GoodyearAinsi donc, la voici cette France des puissants, dans son aveuglement et son arrogance même à nier jusqu’à l’absurde ses enfants en lutte et à les enfoncer à la moindre occasion, à les passer au laminoir, comme s’il convenait d’intimider tous les salariés palpitants et criants qui se battent pour leur droit et leurs emplois. La peine infligée, hier, à huit anciens salariés de Goodyear d’Amiens, jugés pour avoir «séquestré» deux cadres, en 2014, dépasse l’entendement et devrait, en toute logique, révolter tous les citoyens encore un peu sensés. Ces hommes, ces syndicalistes, ces militants de la CGT ont été condamnés à deux ans de prison, dont neuf mois ferme. À ce stade d’exagération, d’injustice et de manquement grave à l’idée que nous nous faisons de la justice, cette sanction n’en est plus une, mais témoigne d’un acharnement qui, en aucun cas, ne peut rester sans réponse.
L’affaire est pour le moins surréaliste. Et honteuse. Primo: deux salariés seulement étaient poursuivis pour «violences en réunion», seule la qualification de «séquestration» était commune. Secundo: le procès s’est déroulé sans plaignant, puisque Goodyear avait retiré sa plainte, tout comme les deux cadres séquestrés d’ailleurs! C’est donc le parquet qui a décidé de poursuivre les salariés. Or le parquet dépend du ministère de la Justice. En l’espèce, comment ne pas s’étonner du silence de Christiane Taubira, alors qu’une de ses collègues, Pascale Boistard, secrétaire d’État aux Droits des femmes et élue d’Amiens, a exprimé son «émotion fraternelle» devant «une si lourde condamnation»? Elle ne croit pas si bien dire, d’autant que le projet de loi constitutionnelle qui se prépare risque d’introduire la notion de «crime constituant une atteinte grave à la vie de la nation», ce qui laisserait au législateur la liberté de définir lesdits crimes. La volonté de criminaliser un peu plus l’activité syndicale est bien réelle, la preuve. 
Dès maintenant, une chaîne de solidarité, politique et sociale, et au-delà, doit se mettre en place pour rétablir dans leur honneur et leur dignité les salariés condamnés de Goodyear. L’Humanité y prendra toute sa place. 
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 13 janvier 2016.] 

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