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Le foot en Palestine, au risque de l’intifada

Publié le 20 octobre 2015 par Gonzo
Les tribunes du Beitar lors d'un match récent...Les tribunes du Beitar lors d’un match récent…

Il y a quelques jours, on annonçait en Israël l’annulation des matchs sensibles, « là où des Juifs et Arabes israéliens vivent ensemble ». La mesure a pour but d’éviter les heurts entre les spectateurs, précise le Times of Israel, oubliant de signaler que les heurts en question viennent systématiquement d’un seul et même côté. Car cela fait des mois et même des années que les autorités s’efforcent de mettre une limite aux débordements des ultras nationalistes, à commencer par les plus fanatiques, ceux de La Familia, qui font régulièrement parler d’eux, y compris à l’étranger, à l’occasion des matchs du Beitar Jerusalem. Né dans la mouvance de l’extrême-droite sioniste en 1939, le Beitar est le seul club israélien qui se refuse obstinément à recruter un certain type de joueurs « étrangers », « vrais » étrangers ou Palestiniens de 48, peu importe du moment qu’ils soient musulmans. Les « supporters » ne le supportent pas justement ! Lors du recrutement de deux joueurs tchétchènes (musulmans) en 2013, ils n’avaient pas hésité, en plus des crachats, insultes et autres menaces, à quitter le stade lorsque l’un des joueurs en question avait marqué un but, tandis que le siège du club était incendié en guise d’avertissement.

Depuis, il paraît que la police israélienne traque sans relâche ceux qu’on qualifie désormais de « criminels », tandis qu’on s’efforce de former la jeunesse en diffusant des petits clips destinés à lutter contre le racisme dans les stades. On ne peut pas dire que ces efforts soient couronnés de succès puisqu’on déplorait encore une nouvelle victime en octobre dernier, un supporter d’une autre équipe attaqué à coups de hache. Un drame de plus qui, peut-être parce qu’il touchait un Israélien juif après une litanie d’autres violences perpétrées, elles, à l’encontre d’Arabes, poussait le Haaretz à sonner l’alarme dans un éditorial associant les fanatiques du Beitar à des terroristes. Pour autant, on ne s’attend pas à ce que la police les liquide à bout portant comme elle le fait avec les manifestants palestiniens…

Si le foot est un bon indicateur de la grande violence de la société israélienne, il est à craindre que les circonstances actuelles contribuent à aggraver la situation. À l’heure où de plus en plus de citoyens (juifs) s’arment, il est certainement prudent de limiter les matchs à risques ! Pour éviter une tuerie de plus sans doute, bien que la politique des autorités israéliennes ne donne pas toujours l’impression de privilégier cette solution, mais aussi, comme le souligne James Dorsey, un spécialiste de la question, pour éviter que la célèbre FIFA devienne la première instance internationale à exclure de ses rangs l’État d’Israël. On en avait parlé lors d’une chronique de l’été passé, la fédération israélienne a évité de peu un carton rouge, synonyme d’exclusion, de la part de la FIFA, une organisation où il est patent que l’argent (du Golfe) joue un certain rôle. Depuis, il y a eu quelques gestes d’apaisement de la part des Israéliens mais, toujours selon James Dorsey, un joueur de l’équipe nationale palestinienne s’est vu il y a quelques temps refuser ce que l’on pourrait appeler son « droit au retour » après être parti disputer un match au Qatar avec la sélection nationale. Autant d’arguments pour que la FIFA, en dépit de ses soucis (ou bien à cause d’eux), se propose d’examiner une nouvelle fois la plainte déposée contre les Israéliens par la Fédération de football palestinienne.

Toutefois, si cette dernière obtient ce qu’elle demande, à savoir des sanctions pouvant aller jusqu’à l’éviction de la Fédération israélienne, on ne peut pas dire que ce sera vraiment grâce au soutien des « frères arabes » qui ont l’art de saboter les luttes des Palestiniens tout en affirmant qu’ils les soutiennent. Dans le cadre des éliminations pour la prochaine Coupe du monde, il est ainsi prévu que l’équipe du royaume saoudien rencontre la sélection nationale palestinienne. A Riyad et donc aussi, pour le match retour, à Ramallah, ce qui signifie que les joueurs saoudiens devront nécessairement passer un contrôle israélien. Situation inacceptable pour les « gardiens des Lieux saints », qui veulent bien prendre langue avec l’ennemi sioniste au plus haut sommet de l’État, mais qui pour rien au monde n’accepteraient l’humiliation d’un contrôle de police, quand bien même les Palestiniens leur expliquent que rendre visite à des prisonniers – ce qui est plus ou moins leur statut – ne signifie pas qu’on adore leurs geôliers !

Récemment encore, les Saoudiens pensaient s’être tirés d’affaire grâce à une décision de la FIFA qui avait accepté, fin septembre, leur demande de déplacer la rencontre en un autre lieu pour des « raisons de force majeure », lesquelles n’étaient pas précisées. Malheureusement pour eux, au lendemain d’un match organisé à Ramallah avec les Émirats (match nul, une très bonne performance pour les Palestiniens), la même FIFA est rapidement revenue sur sa décision, probablement à l’instigation de Jibril Rajoub, le très politique président de la Fédération palestinienne. Simple coïncidence ? Depuis, les Jordaniens ont relancé leur campagne contre Jibril Rajoub, coupable de n’avoir pas soutenu leur candidat à la succession de Blatter (voir le billet déjà cité). Et pour faire bonne mesure, ils proposent même de le remplacer par… le fils de Mahmoud Abbas, sans nul doute la personne la mieux placée pour « arranger » un match entre amis !

On voudrait en rire mais, franchement, le cœur n’y est pas…


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