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Le coût du réchauffement, une bombe financière pour la planète

Publié le 14 octobre 2015 par Blanchemanche
#rechauffementclimatique
Anne Feitz / Journaliste | Le 09/10/2015

Le rapport Stern de 2006 tablait sur un impact sur le PIB mondial compris entre 5 % et 20 %. Les économistes ne se risquent plus à donner des chiffres mais jugent le coût potentiellement infini.

Le coût réchauffement, bombe financière planèteLe coût du réchauffement, une bombe financière pour la planèteImaginez un monde où 30 % de l'humanité aurait succombé par maladie d'ici à 2089. Un monde où la moitié du globe serait devenue un désert en 2080. Un monde où le Gulf Stream aurait disparu en 2120. Tous ces événements sont possibles dans le cadre du réchauffement en cours, note Jean-Marc Jancovici, associé du cabinet Carbone 4, sur son site Internet Manicore. Mais aucun modèle économique au monde n'est capable de chiffrer leur coût.Autant le dire, calculer l'impact économique du réchauffement climatique relève de l'exercice impossible. « Les accidents extraordinaires sont impossibles à chiffrer à l'avance », renchérit Pascal Canfin, ancien ministre du Développement et auteur du livre « 30 Questions pour comprendre la conférence de Paris ». « Mais ce qui est sûr, c'est que lorsque la communauté scientifique se penche sur le sujet, c'est pour réviser les chiffres à la hausse ! »Des économistes de renom s'y sont pourtant essayés. Le plus connu, celui dont le rapport a eu un impact retentissant sur l'opinion mondiale, s'appelle Nicholas Stern. Le Britannique, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, a estimé dans son rapport de 2006 que l'inaction face aux dérèglements climatiques pourrait coûter jusqu'à 6.800 milliards de dollars (5.500 milliards d'euros). Soit entre 5 % et 20 % du PIB mondial, un impact « comparable aux effets dévastateurs des deux guerres mondiales et de la dépression des années 1930. »Les travaux du Britannique sont toutefois controversés, notamment parce qu'il a utilisé un faible taux d'actualisation : ses détracteurs lui ont reproché d'avoir sous-estimé la croissance - donc le PIB dans plusieurs décennies - et surestimé les coûts du réchauffement. « C'est un débat sans fin », reconnaît Alain Grandjean, économiste cofondateur de Carbone 4. « Mais Nicholas Stern a été le premier à essayer de relativiser le coût des dépenses nécessaires pour rester dans la limite des 2 °C. C'est très important. »Depuis ce fameux rapport, les économistes ont surtout travaillé sur des analyses partielles, par secteurs. Le cinquième rapport du GIEC, publié l'an dernier, consacre un chapitre à la question, sans toutefois avancer de chiffres. Seront affectées les industries de l'énergie, de l'eau, des infrastructures de transport, du tourisme, de la santé, des assurances… « On voit bien que la fonte des neiges affectera les stations de ski, ou que les déplacements des moustiques provoqueront des maladies », avance Franck Lecocq, directeur du Cired (Centre international de recherche sur l'environnement et le développement), qui a contribué au rapport du GIEC. « Mais on ne sait pas en calculer le coût pour les professionnels ou la Sécurité sociale. »

Scepticisme

Henri de Castries, le président d'Axa, ne dit pas autre chose. « Un monde à + 2 °C pourrait encore être assurable, un monde à + 4 °C ne le serait certainement plus », a-t-il déclaré en mai dernier, lors du Business Summit for Climate. D'ores et déjà, selon un rapport de la Banque mondiale de 2013, les pertes et dommages annuels liés à des événements climatiques sont passés de 50 milliards dans les années 1980, à près de 200 milliards au cours de la dernière décennie. En face du coût de l'inaction, potentiellement infini, celui de la lutte contre le réchauffement peut paraître dérisoire. Il est, lui, largement documenté. « Une vingtaine d'équipes dans le monde travaillent sur cette évaluation », explique Franck Lecocq. Selon le GIEC, qui recense ces travaux, les différents scénarios aboutissent à des fourchettes de perte de consommation de 1 à 4 % en 2030, de 2 à 6 % en 2050, et de 3 à 12 % en 2100. « Cela correspond à un ou deux ans de retard dans la croissance du PIB », poursuit l'économiste.Un impact limité, qui repose toutefois sur des hypothèses lourdes. La plupart de ces travaux supposent que les frictions économiques n'existent pas et que les actions correspondantes sont mises en oeuvre rapidement. Surtout, ils imaginent que les émissions nettes de gaz à effet de serre seront nulles, voire négatives après 2060. Pour cela, ils s'appuient sur deux grands types de technologie, la biomasse associée à la séquestration du carbone, ou la reforestation massive. Des hypothèses qui provoquent déjà le scepticisme des chercheurs, sur leur compatibilité avec le maintien de la biodiversité ou de la sécurité alimentaire. Les débats sont loin d'être achevés. 
Anne Feitz, Les Echos

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/021338376522-le-cout-du-rechauffement-une-bombe-financiere-pour-la-planete-1163913.php?TG2rF1GdftYmCMFP.99

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