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Perturbateurs endocriniens : comment l'Europe a cédé face aux lobbys

Publié le 09 octobre 2015 par Blanchemanche
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Publié le 08/10/2015  par Vincent Romain

Un livre publié cette semaine raconte comment l'industrie pétrochimique a réussi à faire enterrer un projet de règlementation sur ces agents hormonaux dangereux pour notre santé

Perturbateurs endocriniens : comment l'Europe a cédé face aux lobbys
Le siège de la Commission européenne, à Bruxelles© 
AFP DOMINIQUE FAGET
C'est l'histoire d'une lointaine mécanique européenne, qui n'a rien de reluisant et dont les rouages échappent à la plupart d'entre nous. Elle a pourtant des conséquences parfois énormes sur notre quotidien et notre santé.Le lobbying pratiqué à Bruxelles, auprès de la Commission, par l'industrie pétrochimique pour enterrer la règlementation sur les perturbateurs endocriniens (les "PE") fait l'objet d'un livre particulièrement détaillé, "Intoxication", écrit par la journaliste Stéphane Horel et publié ce jeudi.

Perturbateurs endocriniens : comment l'Europe a cédé face aux lobbys
Elle y décrit toutes les forces mobilisées par les lobbyistes de ce secteur depuis des années dans la capitale belge, et raconte les coulisses d'un processus réglementaire aussi long que perméable face aux luttes d'influence.Dès 2006, en effet, la Commission souhaite revoir sa réglementation sur les pesticides et y intégrer une définition des perturbateurs endocriniens, dont l'impact sur notre santé au quotidien est désormais établi (voir par ailleurs). Les enjeux économiques sont colossaux : si l'Union européenne instaure des normes, ses principaux partenaires commerciaux (États-Unis et Chine en tête) vont devoir s'aligner pour poursuivre leurs importations et exportations.

"Un système institutionnalisé d'infusion d'idées"

De quoi alarmer les grandes entreprises pétrochimiques, qui devinent déjà des contraintes et donc des coûts supplémentaires. Au premier rang d'entre elles, les Allemands Bayer et BASF. Les organisation comme le Cefic (pour l'industrie chimique) et l'ECPA (pour les pesticides) se mettent aussi en ordre de marche.Leurs méthodes ? "Financer des études qui s'intéressent à des questions à côté de la plaque ou qui manipulent les protocoles scientifiques pour parvenir à des conclusions qui les arrangent. Attaquer des rapports par des articles publiés dans la littératures scientifiques avec des chercheurs qu'ils emploient ou qu'ils rémunèrent pour rédiger ces papiers", illustre Stéphane Horel.
"Dans le quartier européen de Bruxelles, on est comme dans une bulle, c'est un entre-soi. Les décideurs sont en contact permanent avec les lobbyistes. Ils participent à des déjeuners, à des événements organisés par les grandes industries et calqués, évidemment, sur l'agenda réglementaire. Donc si un fonctionnaire européen, un de ceux chargés de rédiger les brouillons des lois, répond à toutes les sollicitations, il passe 95% de son temps avec des gens d'influence. On est dans un système institutionnalisé d'infusion d'idées".
La lutte d'intérêts s'invite clairement au sein même de la Commission. Entre 2012 et 2013, la direction de l'Environnement et celle de la Santé s'affrontent en coulisse et en silence. La première fait figure de "village gaulois" à Bruxelles, la seconde est "une porte grande ouverte aux lobbyistes", glisse Stéphane Horel. En décembre 2013, la Commission décide de ne rien décider et demande une étude d'impact sur les PE.

Une règlementation en 2017 ?

"Alors que l'objectif initial était de définir ce qu'était un perturbateur endocrinien, Bruxelles décide de mesurer les conséquences économiques d'une réglementation sur une industrie. C'est comme si on préférait voir les conséquences d'un retrait du Mediator pour les laboratoires Servier plutôt que d'interdire ce médicament", avance la journaliste.Résultat, neuf ans après le début de la procédure réglementaire, le dossier est au point mort. "Les lobbyistes ont gagné une première bataille", constate, amère, Stéphane Horel. En janvier dernier, Jean-Charles Bocquet, directeur général d'ECPA, avait pourtant nié que les tergiversations de la Commission étaient dus au lobby de l'industrie des pesticides. "Il est dans notre intérêt d'avoir des critères scientifiques claires servant de base à une réglementation le plus rapidement possible", renchérissait Hubert Mandery, son homologue de CEFIC.N'empêche : d'après Stéphane Horel, il faudra attendre 2017 voire 2018 pour voir les perturbateurs endocriniens faire, peut-être, l'objet d'une réelle règlementation.Qu'est-ce qu'un perturbateur endocrinien ?Les perturbateurs endocriniens (PE) sont, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), "des substances chimiques d’'origine naturelle ou artificielle étrangères à l'’organisme" qui "peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants". En clair, un PE est un risque pour le fonctionnement normal d'un organisme et peut favoriser l'apparition de maladies.On parle par exemple du bisphénol A dans les tickets de caisse, des phtalates dans les jouets. Les PE se retrouvent régulièrement dans lesemballages alimentaires ou encore les produits cosmétiques. Bref, dans les objets du quotidiens comme dans l'environnement.Début octobre, une étude publiée dans la revue spécialisée Endrocrine Reviews affirme que "l’accroissement des données examinées enlève tout doute sur le fait que les perturbateurs endocriniens contribuent à l'augmentation de la prévalence de maladies chroniques liées à l'obésité, le diabète sucré, la reproduction, la thyroïde, les cancers". D'après une autre étude, les PE coûteraient au moins 157 milliards d'euros par an de dépenses sanitaires dans l'UE.http://www.sudouest.fr/2015/10/08/perturbateurs-endocriniens-comment-l-union-europeenne-a-cede-face-aux-lobbys-2148491-4696.php

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