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TGV : une gabegie sans fin. Les TGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax cumulent les oppositions

Publié le 06 octobre 2015 par Blanchemanche
#TGVBordeauxToulouse #Sauternais

Les deux nouvelles lignes de TGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax cumulent les oppositions, les suspicions et les risques de destruction du patrimoine.




TGV : une gabegie sans fin. Les TGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax cumulent les oppositions
La plupart des habitants du sud de Bordeaux sont restés pétrifiés à l'annonce de la création de ces deux nouvelles lignes TGV. D'autant plus que la Cour des comptess'y était opposée – le déficit global de la SNCF est déjà de 44 milliards d'euros –, ainsi que la consultation citoyenne qui a réuni 14 000 contributions, négatives à 90 % ; sans compter l'avis négatif, ce qui est très rare, donné par la Commission d'enquête publique. Cette dernière avait noté que les « impacts environnementaux » n'avaient pas été assez pris en compte, et c'est peu de le dire : la construction de ces deux lignes risque de modifier en profondeur un écosystème d'une extrême sensibilité qui permet aux vignerons de cette région du sud de Bordeaux de produire et d'élever les fameux grands vins de Sauternes.Le projet de la SNCF consiste en effet à installer un monstrueux aiguillage géant, un triangle ferroviaire avec d'énormes remblais, en plein cœur du Sauternais, et à y construire trois viaducs enjambant le Ciron, le ruisseau central de cet écosystème, massacrant au passage près de trente de ses affluents. Or c'est grâce aux eaux froides du Ciron, qui vient se jeter dans les eaux plus chaudes de la Garonne, que se développe dès l'aube un brouillard qui vient humidifier les raisins sur lesquels des champignons microscopiques peuvent se développer, permettant ainsi la production de l'un des plus grands vins liquoreux du monde. Yquem n'existerait pas sans le Ciron et sans ce champignon magique, le botrytis.

Affaire de basse cuisine électorale

Xavier Planty, qui préside l'ODG (Organisme de défense et de gestion) de Sauternes et Barsac, est écœuré : « L'avenir de notre vignoble historique est en jeu ainsi que celui du patrimoine que nos ancêtres nous ont légué. Sans compter la disparition prévisible d'une magnifique forêt de hêtres vieille de 40 000 ans qui a résisté aux réchauffements après la période des grandes glaciations, grâce au microclimat de cette zone unique au monde. » Bérénice Lurton, ancienne présidente du Conseil des crus classés du vignoble, est très claire : « Nos vignes ne sont pas délocalisables. Ce sont des jardins délicats et périssables. Pourquoi prendre le risque de les détruire en saccageant la vallée du Ciron avec cette tranchée sauvage qu'on veut nous imposer ? »Comment des ingénieurs français ont-ils pu dessiner un tel tracé, aussi insensé que de vouloir créer une bretelle d'autoroute en Bourgogne entre les vignes de La Romanée Conti et celles de Grands Échezeaux ? Qu'a-t-il bien pu se passer pour qu'un tel projet, en plus d'un budget de 9,1 milliards d'euros, cumulant toutes les critiques et tous les risques, puisse être adopté par le gouvernement ? Réponse : des élections !Alors qu'il restait encore huit mois pour décider, on a préféré prendre position juste avant les élections régionales, à l'initiative de l'Élysée, espérant ainsi avoir plus de chances de conserver l'Aquitaine et le Midi-Pyrénées, deux des rares régions qui ne semblent pas perdues d'avance pour la gauche, sachant que la droite allait être obligée d'applaudir à ce coup bien tordu. Il s'agit donc simplement d'une affaire de basse cuisine électorale, laquelle implique cinq élus repus et fatigués, sans vision et sans ressort.

Trois socialistes et deux Républicains

En premier, un secrétaire d'État aux Transports, Alain Vidalies, 64 ans. Cet homme fait de la politique depuis plus de trente-cinq ans dans le département des Landes, tenu d'une main de fer depuis toujours par Henri Emmanuelli, 70 ans, confortablement assis à la gauche du PS. Or, dans les Landes, on est très intéressé par la LGV Bordeaux-Dax et c'est Vidalies qui a trouvé le moyen d'annoncer lui-même la grande nouvelle, le 26 septembre dernier, lors d'une Fête de la rose à Soustons.En second et en troisième, Alain Rousset et Martin Malvy, les actuels présidents PS des conseils régionaux d'Aquitaine et de Midi-Pyrénées. Rousset, 64 ans, est devenu célèbre pour avoir été l'un des personnages les plus désopilants du pamphlet de Zoé Shepard paru en 2010 sous le titre Absolument dé-bor-dée !, avec le bandeau suivant : « Comment faire 35 heures en un mois. » Quant à Malvy, 80 ans dans quelques semaines, c'est un très vieux socialiste du Lot, basé à Figeac, qui se trouve avoir, dit-on, des relations amicales avec François Hollande lui-même.Après ces deux socialistes, voici deux Républicains, Jean-Luc Moudenc et Alain Juppé, qui contrôlent les deux capitales régionales, Toulouse et Bordeaux. Moudenc, 64 ans, vient d'augmenter de 13,3 % la taxe foncière dans sa ville et il trouve cela normal : c'est la faute selon lui de ses prédécesseurs socialistes qui ont mis Toulouse au bord de la faillite. Faire des économies dans sa ville ? Hors de question. Il préfère augmenter les impôts. Alain Juppé, 70 ans, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, n'a pas non plus l'intention de réduire ses dépenses municipales et vient, lui aussi, d'augmenter les taxes foncières, mais de 5 % : c'est moins que 13,3 %, mais c'est beaucoup plus que l'inflation. En outre, Juppé a pris la peine de dire merci : « Bonne nouvelle pour Bordeaux et l'Aquitaine. Le gouvernement a entendu nos collectivités », a-t-il tweeté, au grand dam de ses supporteurs vignerons du Bordelais.

« Un crime patrimonial »

Dans l'histoire de ce dossier à peine croyable d'une éventuelle destruction de civilisation envisagée de sang-froid par ces cinq élus du Sud-Ouest dénommés abusivement « grands élus », associés pour l'occasion à des technocrates psychorigides de la SNCF et des courtisans élyséens en mal de combats d'arrière-garde, il y a heureusement un sixième personnage pour sauver l'honneur de la caste politicienne locale, Gilles Savary, député PS de la Gironde. Spécialiste reconnu de l'aménagement du territoire en général et de la SNCF en particulier, il lève, mais très seul, l'étendard de la révolte et dénonce haut et fort « un crime patrimonial ».Le vignoble de Sauternes et Barsac appartient au patrimoine de l'humanité, même s'il n'y est pas inscrit officiellement comme le sont déjà les vignobles de Saint-Émilion, de Bourgogne et de Champagne. Il s'agit bien là de la vraie question : dépenser des milliards que nous n'avons pas, pour gagner une minute entre Bordeaux et Dax et une demi-heure entre Bordeaux et Toulouse en saccageant le Sauternais qui fait partie d'un patrimoine historique, cela est-il justifié ?Est-il possible qu'une telle folie soit commise dans un pays civilisé comme le nôtre ? Messieurs les politiciens, les technocrates et les courtisans élyséens, vous qui vous élevez bruyamment, et à juste titre, contre l'anéantissement sauvage des reliques millénaires de Palmyre par les barbares de Daesh, avez-vous pensé aux réponses que vous devrez donner à vos enfants et petits-enfants lorsqu'ils vous reprocheront la destruction du vignoble de Sauternes, lui aussi millénaire, et qu'ils vous traiteront de barbares ?http://www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-nouailhac/nouailhac-tgv-une-gabegie-sans-fin-06-10-2015-1970963_2428.php#xtor=CS1-31

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