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Bitcoin : le grand fork

Publié le 27 août 2015 par H16

Et pendant que le monde de la finance se dirige, tranquillement mais sûrement, vers de nouvelles aventures agitées, que le monde politique français continue de bricoler des trucs et des machins sans rapports même lointain avec les problèmes réels des Français qui payent pour ça, le monde du Bitcoin passe dans son développement une nouvelle étape quelque peu rocailleuse.

La monnaie cryptographique est en effet en pleine évolution actuellement, évolution qui tient à la fois à son gain progressif de notoriété, et à l’augmentation logique du nombre de transactions effectuées avec cette monnaie. Il faut dire qu’avec les événements récents sur les marchés et notamment en Grèce, avec le blocage des capitaux et la possibilité toujours plus grande d’un chyprage sauvage (confiscation unilatérale, citoyenne et festive) des comptes des particuliers, certains ont compris l’intérêt de la monnaie numérique, et ce, malgré les poncifs débiles toujours d’application dans une presse qui n’y comprend rien, et la guerre froide encore en vigueur avec les banques centrales qui n’entendent pas se faire déposséder de leur pouvoir monétaire sans combattre.

bitcoin coins and bars

Et cette notoriété accroît naturellement le nombre de transactions que la monnaie supporte tous les jours. Ainsi, on a observé des pics à plus de 200.000 transactions par jour en mi-juillet, ce qui montre bien l’intérêt croissant de la monnaie numérique, mais entraîne un effet de bord indésirable, rançon du succès : on arrive, doucement mais sûrement, aux limites permises par l’actuel protocole Bitcoin.

Sans rentrer dans les détails techniques, il faut en effet savoir que dans le réseau Bitcoin, les transactions sont regroupées en bloc dont la taille ne peut, pour le moment, dépasser 1 million d’octets. Ceci limite intrinsèquement le nombre de transactions que le réseau est capable de traiter par unité de temps ; il est communément admis qu’avec la taille actuelle d’un bloc, on ne pourra pas dépasser 7 transactions à la seconde, la réalité observée étant qu’on plafonne actuellement, dans le meilleur des cas, plutôt autour de 3. En somme, si l’on veut dépasser cette limite, il va falloir agrandir les blocs – notez qu’il y a d’autres discussions sur l’avenir du protocole, résumées ici, mais le point principal tourne bien autour de cette taille de bloc.

Concrètement, cela signifie un changement de protocole, ce qui veut dire une mise à jour, à plus ou moins court terme, de tous les clients Bitcoin, ainsi que de tous les « nœuds » du réseau pair-à-pair, ces nœuds étant ces ordinateurs qui aident à propager l’ensemble des transactions enregistrées publiquement. Par sa nature décentralisée, tout changement dans le protocole Bitcoin introduit donc un état intermédiaire où certains nœuds disposent du nouveau protocole, et d’autres qui fonctionnent toujours avec l’ancien. Si on peut assez facilement s’assurer que les nouveaux nœuds sont capables de traiter l’ancien protocole (par « compatibilité ascendante »), les anciens ne sont pas, par construction, capables de lire le nouveau protocole.

Un risque existe donc de voir arriver sur le réseau des blocs de transactions de protocoles différents. Or, par nature, pour faire partie du livre des transactions, les blocs doivent être validés. On peut donc se retrouver dans la situation où deux séries de blocs concurrents sont validés l’une par des nœuds utilisant un protocole traditionnel, l’autre par les nœuds du nouveau protocole, ce qui s’appelle un fork (embranchement, ici).

Et si ce n’est pas la première fois qu’on peut noter l’apparition d’un bloc validé par un petit nombre de nœuds avant le rejet par la majorité du reste du réseau bitcoin (de telles occurrences arrivent, pour un bloc unique, plusieurs fois par mois), c’est la première fois qu’il est demandé à chaque nœud (et chaque individu derrière) de choisir explicitement entre le protocole courant (Bitcoin Core) et le nouveau protocole (Bitcoin XT), le consensus n’ayant pu être atteint au sein de la communauté des développeurs.

Autrement dit, et comme le résume fort bien l’article de Brice Rothschild sur le sujet, nous assistons à une phase de « démocratie numérique » en grandeur réelle, dans laquelle les acteurs mêmes du protocole et du réseau décideront de son avenir, en fonction directe de leur propre implication.

Cependant, si, comme l’indique Brice, la communauté Bitcoin montre ici qu’on peut avoir des prises de décisions dans un projet majeur sans l’encombrement néfaste d’élus et des connivences, cette nouvelle étape dans la vie de la monnaie numérique n’est pas sans écueils non plus.

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En effet, de Bitcoin XT ou de Bitcoin Core, on ne sait actuellement pas lequel des deux protocoles va l’emporter. Même si l’impact d’un choix sur l’autre est, pour l’usager lambda, parfaitement neutre, il n’en reste pas moins une incertitude qui, le temps qu’elle durera, n’est pas bon commercialement. Du reste, ceci explique peut-être une partie de la baisse du cours de Bitcoin observée actuellement.

En outre, on peut parier que ce « fork » sera étudié avec une grande attention par ceux qui, dans le monde bancaire, ont compris l’enjeu réel derrière Bitcoin et sa blockchain (le grand livre public des transactions). Du point de vue des établissements traditionnels, Bitcoin constitue en effet un redoutable concurrent qui, s’il est encore de taille modeste actuellement, peut fort bien se muer en menace profonde pour eux tant il introduit de changement dans le concept même de la monnaie et de la gestion bancaire. Dans cette optique, la façon dont sera géré un changement structurel important, sa réussite ou son échec seront des indications utiles pour les tenants des institutions installées, ainsi que sur la solidité (ou la fragilité) du réseau bitcoin.

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Enfin, l’apparition d’un nouveau protocole sur la monnaie numérique de référence attire naturellement les médias qui s’empressent déjà d’essayer d’expliquer les tenants et les aboutissants d’un débat particulièrement technique, débat qui s’accommode très mal des habituels raccourcis journalistiques à la truelle. On peut donc aussi parier sur un paquet d’articles consternants de la part de journalistes complètement à la ramasse tant sur le plan économique (et théorie monétaire) que sur le plan technique (cryptographie, peer-to-peer et décentralisation).

De ce point de vue, on ne peut que constater l’important chemin que Bitcoin doit encore parcourir pour devenir une technologie comprise par tous, et ce « fork » ne va probablement pas améliorer la lisibilité de la monnaie numérique auprès du grand public.

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