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[anthologie permanente] Lucie Taïeb

Par Florence Trocmé

Lucie Taïeb publie La Retenue aux éditions Lanskine.  
 
soustraire 
au temps, au regard, à la lumière 
au jour déjà commencé, 
qui devra prendre date 
aux mots écrits pour ce jour-là.  
à la lumière 
soustraire au cours du fleuve, au temps, 
ce qu’il charrie,  
ne pas le regarder couler, 
s’enfouir sous le vert gazon qui borde ses rêves. 
soustraire au sens ma propre voix, le monde à mes yeux 
ce matin. 
au temps, au regard, à la lumière.  
il n’y aura pas de libération glorieuse, 
puisque la contrainte est lâche. 
un refuge n’est pas le mot qui convient, mais 
« gangue » 
 
• 
 
soustraire au feu des rêves 
à l’eau des aubes 
au poids du monde 
celui de mon corps 
léviter ou se recouvrir. 
si je ferme les yeux 
mon corps se perd 
au noir du monde 
en son point le plus creux 
où être, enfin, ignoré, 
et je retiens un.  
 
 
se cacher sous les mots 
non comme une métaphore mais comme un mouvement 
une danse, jouer la mort, 
f.w. sous le papier peint d’une chambre romaine –  
sous le papier écrit, dissimulant un corps, une chair,  
soudain surface et non volume. ou :  
se recouvrir de mots, s’écrire la peau de mots 
et devenir indécelable,  
mot parmi les autres, 
papier à peine bombé, ici saillant, point sur le i, ou point d’un 
sein 
sous le papier.  
Il n’y a naturellement aucune raison, 
existant, 
de vouloir s’annuler.  
aussi n’est-ce pas de cela qu’il est question, mais s’extraire :  
du corps des choses, 
de la matière : 
soustraire. 
 
Lucie Taïeb, La Retenue, éditions Lanskine, 2015, pp. 47 à 49. 
 
Lucie Taïeb dans Poezibao :  
bio-bibliographie, ext. 1, "Tout aura brûlé", par Katrine Dupérou


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