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Vers un Quantitative Easing Européen

Publié le 22 janvier 2015 par Sia Conseil

Vers un Quantitative Easing Européen La Banque Centrale Européenne (BCE) envisage de lancer ce premier trimestre 2015 un programme d’assouplissement quantitatif, ou Quantitative Easing (« QE ») en anglais.

Ce programme de « QE » européen est un élément de politique monétaire non conventionnel, puisqu’ilne repose pas sur une réduction du taux (généralement utilisé dans un contexte de taux bas) mais sur le rachat d’actifs, principalement des crédits titrisés et de la dette souveraine. Il aura pour objectif à moyen et long terme d’injecter de la liquidité dans le système financier afin notamment de sortir d’unepériode de baisse constante de l’inflation.

L’annonce sera certainement faite ce jour (22 janvier) à Francfort lors de la commission de politique monétaire. En effet, en décembre 2014, le président de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi annonçait la mise en place d’un programme d’achat de dette en 2015 si les mesures monétaires déjà entreprises demeuraient sans effet sur la stabilité des prix. Alors que les chiffres de l’indice des prix à la consommation (IPC) de ce 14 janvier confirment la tendance et la croissance continue des prix et la chute drastique de l’inflation (graphique 1 ci-dessous), l’inflation devrait même toucher son point le plus bas au 1er trimestre 2015 depuis 2009 (graphique 2 ci-dessous).

Graphique 1 : Evolution de l’IPC de 2008 à 2014

Vers un Quantitative Easing Européen

Graphique 2 : Evolution de l’inflation de 2000 à 2014

 

Vers un Quantitative Easing Européen

Source : INSEE au 14/01/ 2015

De la nécessité de proposer un « QE »

Ce « QE » souverain vient en complément d’une série d’actions menées au cours de l’année 2014 restée sans impact majeur sur la tendance baissière de l’inflation. En effet, alors que  l’inflation moyenne en 2014 est estimée à +0,5 %, loin de l’objectif de maintien de +2% prévu par la BCE, elle était négative (-0,2%) pour le mois de décembre 2014. L’urgence pour la BCE est de rapprocher les chiffres de ses prévisions afin d’éviter le risque de déflation imminent au sein de la zone euro. Trois principales actions sont en cours :

  • La baisse du taux directeur de la BCE : au 4 septembre 2014, la BCE a abaissé le taux d’intérêt appliqué aux opérations principales de refinancement (OPR) de 10 points de base, soit 0,05 % pour le taux directeur et -20% pour le taux de dépôt (devenu négatif depuis juin 2014).
  • L’injection de liquidités via les opérations de refinancement : des liquidités ont été accordées aux banques via des prêts à long terme (LTRO[1] ) en vue d’augmenter les crédits aux entreprises et aux ménages. Au 18 septembre, la BCE a conduit sa première opération de refinancement à plus long terme ciblée (TLTRO[2] ) pour une allocation de 82,6 milliards d’euros. Ces opérations de refinancement ont une maturité de 4 ans, un an de plus que les précédents LTRO de 2011 et 2012. Une seconde opération TLTRO a eu lieu en décembre 2014 avec une allocation de 129,8 milliards d’euros. Cette opération est considérée comme un échec car les deux opérations n’ont alloué que 212,4 milliards, soit la moitié des 400 milliards d’euros initialement proposés pour les deux opérations.
  • L’injection de liquidités via des opérations de rachat d’obligations sécurisées (covered bonds) et de titres adossés à des créances (Asset-Backet Security : ABS) : au 9 janvier 2015, les trois programmes de rachat de covered bonds (programme CBPP[3]) étaient valorisés à 72,9[4] milliards d’euros tandis que le programme de rachat de crédits titrisés (ABS) était estimé à 1,8 milliards d’euros.

La BCE s’est engagée pour juin 2016 à porter la taille de son bilan au même niveau que celui de 2002 soit 3000 milliards. Cela représente 900 milliards de plus que les 2100[5] milliards actuels. Il est donc important pour la BCE d’augmenter la taille, le rythme des mesures déjà entreprises et de lancer d’autres mesures monétaires complémentaires. Selon Bloomberg, le programme de rachat de dette pourrait aller au-delà de 500 milliards en rachat d’actifs.

Principe du « QE »

De façon simpliste, la BCE créera de l’argent en rachetant aux établissements bancaires des obligations et des actifs financiers généralement non performants de type obligations d’Etat et/ou obligations d’entreprises. Comme spécifié dans le schéma 1, les liquidités mises à la disposition des banques via le rachat d’actif devraient inciter les banques à octroyer plus de crédits aux entreprises et aux ménages. Ce qui boosterait l’économie réelle en augmentant le pouvoir d’achat et la valeur des biens mobiliers et immobiliers.

Schéma 1 : Schéma simplifié de l’injection de liquidités dans l’économie réelle via un programme d’achat d’actifs

Quelles modalités de souscription ?

Le conseil des gouverneurs de la Banque Centrale Européenne devra s’accorder sur des modalités de « QE » susceptibles de forger le consensus et de rétablir durablement la confiance des marchés. Ci-dessous quelques sujets qui seront évoqués :

Timing : un programme d’achat de dette souveraine ne doit pas être poursuivi trop longtemps. Il confirmerait l’urgence de soutenir une économie décadente et ne ferait qu’augmenter la crainte des agents économiques en l’avenir, ce qui rendrait le risque de déflation inévitable.

Titres éligibles : le « QE » adressera un mélange de titres privés (crédits et obligations d’entreprises) et de titres publics (obligations d’Etat) avec une très forte proportion de titres publics.

Participation : les dettes souveraines de l’ensemble des pays de la zone euro seront éligibles. Le QE pourra éventuellement être soumis à des conditions selon la notation des obligations rachetées « Investment grade[6]» exclusif, partiel ou « non investment grade[7]».

Statut de créancier : pour cette opération, la BCE devra renoncer à son statut de créancier senior et être traitée comme un créancier pari passu. En cas de restructuration, les créanciers majoritaires seront au centre de toutes les décisions. La BCE ne saurait risquer de s’ingérer dans la gestion budgétaire des Etats en cas de défaillance.

Quantité. Afin de ne pas submerger le marché de la dette obligataire, le « QE » devra adresser une quantité limitée de titres. La demande de dette souveraine dans les zones monétaires euro, dollar, yen et sterling a explosé en 2015. Ce phénomène est imputable aux politiques monétaires accommodantes et aux anticipations du marché sur d’éventuels « QE » souverains.

Clé de répartition. Les obligations souveraines pourront être rachetées selon une clé de répartition définie en fonction du poids de chaque Etat dans le capital de la BCE. L’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne seraient alors les principaux bénéficiaires (Schéma 2 ci-dessous).

Schéma 2 : Répartition du capital de la BCE entre les pays de la zone euro

Source : BCE

Gestion centralisée ou décentralisée : il est important que l’achat et la gestion du « QE » souverain soient réalisés par la BCE à Francfort et non décentralisés au sein des Banques Centrales Nationales. La décentralisation au niveau national poserait la problématique de transfert de responsabilité de la politique monétaire dans la zone euro.

Outre les modalités techniques, de nombreuses interrogations demeurent. Notamment comment sera absorbé le risque de crédit ? Faut-il intégrer le risque politique lié aux pays de l’Europe du Sud ?Quel est le retour d’expérience des autres banques centrales ayant eu recours à des « QE » ? Quels seront les principaux impacts pour le secteur bancaires ? Un second article à paraître en février tentera de répondre à ces questions.

Sia Partners


[1] : LTRO : Longer-Term Refinancing Operations

[2] : TLTRO : Targeted Longer-Term Refinancing Operations

[3] : Le programme de rachat de covered Bonds CBPP (Covered Bonds Purchase Program) fut initié en 2009.

[4] : Selon la BCE au 9 janvier 2015, les CBPP1, CBPP2 et CBPP3 sont respectivement valorisés à 28.8 milliards â‚Ź, 12.8 milliards â‚Ź et 31.3 milliards â‚Ź.

[5] : La taille du bilan de la BCE au 9/01/2015 est de 2 168 milliards â‚Ź.

[6] : Obligations notées de AAA à BBB- selon Standard & Poor’s

[7] : Obligations notées de BB+ à D selon Standard & Poor’s


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