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Riad Sattouf – L’Arabe du futur

Par Yvantilleuil

Riad Sattouf - L'Arabe du futurNormalement, je ne suis pas trop friand des bandes dessinées de Riad Sattouf (Pascal Brutal), mais comme celle-ci était conseillée par Brunschwig, je me suis laissé tenter.

Ce récit autobiographique s’avère immédiatement plus intime et plus sérieux que les autres récits que j’ai pu lire de l’auteur. À l’instar de Marjane Satrapi dans « Persepolis », Riad retrace une partie de son enfance et de l’histoire de sa famille, tout en posant son regard d’enfant sur les régimes dictatoriaux et les différentes cultures qu’il croise. Né en France, puis trimbalé dans la Libye du colonel Kadhafi, avant d’atterrir dans le bled familial paumé dans la Syrie d’Hafez Al-Assad, Riad Sattouf propose un premier volet qui revient sur ses souvenirs datant de 1978 à 1984.

Si sa mère bretonne demeure assez discrète au sein de ce premier volet où elle se contente de partager ses silences, tout en suivant les pas de son mari de manière plutôt résignée, le père de Sattouf est par contre dépeint avec un mélange de précision, de cruauté et de tendresse au fil des pages. Musulman non pratiquant et seul intellectuel d’une famille d’imbéciles, Abdel-Razak Sattouf est un fervent partisan du pan-arabisme. Naïf et maladroit, il parvient à séduire une jeune Bretonne, mais est persuadé que l’avenir de sa famille se trouve en Syrie. Le problème est qu’il demeure aveugle aux véritables problèmes de son pays d’origine et aux difficultés d’intégration de sa famille.

Mais la véritable vedette de cet album est bien évidemment le petit Riad Sattouf. Ce joli petit blondinet aux cheveux bouclés se retrouve balloté entre les idéaux naïfs de son père et un environnement où il a bien du mal à trouver ses repères. Outre le choc des cultures et une langue qu’il ne maîtrise pas du tout, le petit doit également faire face à des cousins antisémites qui le brutalisent constamment.

À l’instar de Guy Delisle (Pyongyang, Shenzen, Chroniques Birmanes, Chroniques de Jérusalem), Riad Sattouf pose également un regard amusant, mais pas forcément positif, sur les pays qu’il visite. L’auteur ne raconte pas seulement son enfance, tout en dressant le portrait de son père, il relate également avec beaucoup d’humour et de lucidité les absurdités qu’il a observées. Des trous dans le plancher des véhicules à ce couscous partagé en famille (où les femmes n’ont droit qu’aux restes et aux os rongés par les hommes), en passant par cette maison qu’il faut constamment garder occupée (Khadafi ayant décrété que les maisons ne pouvaient pas être verrouillées de l’extérieur et qu’une maison inoccupée appartient à celui qui la veut), la capacité du petit Riad à observer et à relater la bêtise humaine fait souvent mouche.

Visuellement, le dessin en bichromie accompagne le récit avec grande efficacité et l’alternance des couleurs au fil des pays permet d’accentuer les changements d’univers qui accompagnent les déménagements de la famille.

Vivement la suite de cette saga prévue en trois tomes, qui ne fera probablement pas du petit Riad l’Arabe du futur rêvé par son père, mais juste un auteur BD reconnu… ce qui n’est déjà pas mal du tout !


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