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L’horizon, Patrick Modiano. » Des souvenirs en forme de nuages flottants. » (p. 156)

Par Mango

modiano l'horizon  Modiano  et les livres

Depuis quelque temps, Bosmans pensait à certains épisodes de sa jeunesse, des épisodes sans suite, coupés net, des visages sans noms, des rencontres fugitives. Tout cela appartenait à un passé lointain, mais comme ces courtes séquences n’étaient pas liées au reste de sa vie, elles demeuraient en suspens, dans un présent éternel. Il ne cesserait de se poser des questions là-dessus, et il n’aurait jamais de réponses. Ces bribes seraient toujours pour lui énigmatiques. 

Ce début du roman pourrait être celui de tous les récits du nouveau Prix Nobel, lui aussi  « à la recherche du temps perdu »: celui du Paris d’après guerre aux noms évocateurs servant de repères  illusoires à des héros  attentifs à tout signe susceptible de ressusciter leur passé

C’est ainsi que Bosmans, grâce à son carnet de moleskine toujours dans la poche intérieure de sa veste,  retrouve, trente ans après, la trace de Marguerite Le Coz, un ancien amour de jeunesse, disparue précipitamment pour de sombres histoires demeurées floues, sans plus jamais lui donner de nouvelles. Il décide d’aller la rejoindre en Suisse où elle tiendrait désormais une librairie.

« Il était fatigué d’avoir marché si longtemps. Mais il éprouvait pour une fois un sentiment de sérénité, avec la certitude d’être revenu à l’endroit exact d’où il était parti un jour, à la même place, à la même heure et à la même saison, comme deux aiguilles se rejoignent sur le cadran quand il est midi. »  (p. 171)

 Auparavant c’est à une véritable enquête que se livre le héros  pour reconstituer  l’histoire de leur rencontre si discrète : deux personnes solitaires et traquées, l’un par sa propre mère, la terrifiante femme en rouge, l’autre par un ancien compagnon devenu menaçant.

«Il aurait voulu  …renouer un à un les fils brisés, oui, revenir en arrière pour retenir les ombres et en savoir plus long sur elles. Impossible. Alors il ne restait plus qu’à retrouver les noms. Ou même les prénoms. Ils servaient d’aimants. Ils faisaient ressurgir des impressions confuses que vous aviez du mal à éclaircir. Appartenaient-elles au rêve ou à la réalité?» (p. 13)

«Est-on vraiment sûr que les paroles que deux personnes ont échangées lors de leur première rencontre se soient dissipées dans le néant, comme si elles n’avaient jamais été prononcées?  …Et si toutes ces paroles restaient en suspens dans l’air jusqu’à la fin des temps et qu’il suffisait d’un peu de silence et d’attention pour en capter les échos?» (p.23)

«Il avait toujours imaginé qu’il pourrait retrouver au fond de certains quartiers les personnes qu’il avait rencontrées dans sa jeunesse, avec leur âge et leur allure d’autrefois. Ils y menaient une vie parallèle, à l’abri du temps.» (p.54)

«Il lui semblait atteindre un carrefour de sa vie, ou plutôt une lisière d’où il pourrait s’élancer vers l’avenir. Pour la première fois, il avait dans la tête le mot avenir, et un autre mot: l’horizon. Ces soirs-là, les rues désertes et silencieuses du quartier étaient des lignes de fuite, qui débouchaient toutes sur l’avenir et l’horizon. (p.85)

J’ai aimé ce roman autant que: Du plus loin de l’oubli  et que : L’herbe des nuits.

J’aimais et j’aime Modiano. Il fait partie de mes romanciers préférés dont la liste est longue mais d’où émergent parmi les auteurs qui publient en ce moment: Irving, Oates, Murakami, Yu Hua, Hornby, J. Mc Inerney, J. Coe, J. Barnes  mais j’en oublie tellement…

Lu par Hélène

L’horizon, Patrick Modiano, 

(Gallimard, roman, 2010, 176 p)


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