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« C’est cela le Grand Art, une façon d’impliquer sa vie tout entière pour arriver à l’excellence. »
Ce que j’ai aimé :
Un roman d’aventures foisonnant et passionnant !
Aux côtés de Canterel, riche opiomane, Grimod son majordome, Lady MacRae et sa fille Verity qui converse avec les baleines, Miss Sherrington gouvernante de Martial Canterel, Reutlinger, Holmes, nous partons sur la piste du diamant Anankè, convoité également par l’enjambeur Nô prêt à tout pour doubler ses rivaux. L'inspecteur Litterbag, personnage trouble est aussi du voyage.
Ainsi la joyeuse bande, lancée dans une course folle ponctuée d'énigmes digne de Conan Doyle, use de tous les moyens de transports possibles et imaginables pour avancer vers leur but. Tels les héros de Jules Verne, ils montent à bord du transsibérien, d’un ptéronave puis d’un dirigeable, le Médiator qui part faire son premier tour du monde. Ils reviendront ensuite à des transports plus classiques comme le bateau pour arriver au point Némo : « pôle maritime d’inaccessibilité » endroit de l’océan les plus éloigné de toute terre émergée » situé dans le Pacifique.
Parallèlement toute une arborescence d'intrigues secondaires voient le jour : Carmen qui s'ingénue à trouver des solutions pour combattre l'impuissance de son mari, Charlotte et sa voisine envahissante, secrètement attirée par Fabrice, à la recherche de sa mère.
Il sera ausi question d'une fabrique de cigares dans le Périgord noir qui perpétue la tradition de la lecture à voix haute comme à Cuba, fabrique qui sera rachetée par Monsieur Wang, gérant d’une entreprise de liseuses électroniques, et amoureux des pigeons voyageurs.
"L'important ce n'était pas même pas qu'ils achètent des livres numériques récemment parus, mais qu'ils achètent encore et encore la possibilité de les acheter. Le même système que partout ailleurs, et qui fonctionnait à vide, comme le reste de l'économie. La bibliothèque numérique n'était qu'une variation moderne du péché d'orgueil, celui de parvenus pressés d'exhiber leur prospérité, s'entourant de livres tape-à-l'oeil -voire de simples reliures vides - qu'ils n'avaient jamais lus et ne liraient jamais."
L'auteur entremêle savamment personnages réels comme le musée Barnum et son fondateur Phineas Taylor Barnum et personnages imaginaires hauts en couleurs. Ainsi dans ce roman hybride nous pourrons trouver aussi bien des considérations sur les fonds marins que des réflexions plus politiques ou philosophiques.
« Peut-être ne comprendrons-nous quelque chose à l’ordre secret du monde qu’après une sincère et patiente mansuétude pour ses incohérences ? »
Sous l’égide de Jules Verne et de son capitaine du Nautilus, Roblès nous invite à réfléchir aux liens ténus unissant réalité et littérature :
« Toute phrase écrite est un présage. Si les évènements sont des répliques, des recompositions plus ou moins fidèles d’histoires déjà rêvées par d’autres, de quel livre oublié, de quel papyrus, de quelle tablette d’argile nos propres vies sont-elles le calque grimaçant ? » p332
La littérature permet incidemment de changer le monde et la conception que nous en avons et « Le jour où vous comprendrez qu’il vaut mieux mourir en essayant de changer le monde, plutôt que de vieillir en le regardant agoniser, vous me rejoindrez. » p ; 178
Il imagine ainsi une cité utopique dans laquelle chacun userait de ses compétences pour agir pour le bien de la cité et pour une amélioration de la société et du genre humain. Chaque petite geste compterait « Il n’y a aucun complot, aucune conspiration, juste des hommes et des femmes qui essayent de reconquérir leur espace, leur énergie, leur alimentation… Leur existence. » p ; 416 Il crée également une île de déchets aux accents futuristes.
Des inidividus luttent contre l'inertie contre les règles absurdes d'un monde régi par des concepts liés au rendement, à l'argent, règles qui aliènent l'être irrémédiablement..
« Mille et une révoltes se bousculent derrière ses yeux en brouillards changeants. Il voudrait (…) Vivre sans le souci d’avoir à payer le simple fait de vivre, se chauffer avec le bois de sa forêt, manger les légumes et les fruits de son jardin, brancher son ordi aux forces du vent, de l’eau ou du soleil. Vivre dans les bois, s’il le faut, pour ne plus avoir à trembler devant une enveloppe frappée au sceau du Trésor Public. Respirer. Gonfler ses poumons de la beauté du monde, être prêt, tendu, héroïque. (…) Redonner du sens à chacun de ses gestes. Sortir de la sidération. » p. 346
Des touches d’humour noir dans des chapitres intitulés « Derniers télégrammes de la nuit » entrecoupent les aventures des protagonistes :
« Choses qui militent contre l’usage du biberon
Lorsque l’enfant a fini de téter, il faut le dévisser et e mettre dans un endroit frais, cave ou réfrigérateur.
Choses qui troublent un instant le calme de la campagne
Il éternue, son tracteur explose. »
Un roman protéiforme extraordinaire qui marquera durablement les esprits !
Ce que j’ai moins aimé :
Les scènes érotiques auxquelles je ne vois pas d’intérêt pour le roman.
Présentation de l’éditeur :
Zulma
Premières phrases :
« Le Tigre à droite, désormais invisible, à gauche les hauteurs pelées des monts Gordiens ; entre les deux, la plaine ressemblait à un désert fourmillant de carabes à reflets d’or. C’était à Gaugamèles, moins de trois ans après la cent douzième Olympiade. »
Vous aimerez aussi :
Du même auteur : Là où les tigres sont chez eux
D’autres avis :
L’île du Point Némo, Jean-Marie Roblès, Zulma, août 2014, 464 pages, 22.50 euros
Merci à l'éditeur pour cette incroyable découverte !