On parle beaucoup d'entreprise numérique, de "digital"... J'ai consacré plusieurs billets à cette question qui me surprend. En effet, sur le fond il n'y a rien de neuf. Ce discours a au moins 15 ans, et la preuve est faite qu'il ne mène nulle part. Je ne le prenais pas au sérieux. Et, en même temps, d'une certaine façon, il mettait ce blog en échec. Puisque je n'arrivais pas à lui trouver une explication. En voici peut-être une.
J'ai rencontré quelqu'un qui fréquente le meilleur monde, qui m'a dit que cette offensive numérique venait de ce que les entreprises étaient en panne de performance. Elles penseraient qu'il y aurait un traître. Les structures intermédiaires, syndicats mais aussi managers, seraient la source du blocage. (Sous la révolution, ces gens étaient appelés des "privilégiés".) Le numérique leur permettrait de s'en passer. Le dirigeant serait en ligne directe avec les opérationnels. Un ami m'a dit que Google avait effectivement tenté de monter une organisation sans management intermédiaire. Et y avait renoncé après un mois.
Cette utopie est fascinante. C'est celle de la Révolution française, qui rejoint celle du marché. Plus de lien social (mon interlocuteur craint une nouvelle vague de suicides), que des électrons libres. Mais cela pourrait expliquer aussi le fameux "modèle du sablier", la disparition de la classe moyenne que l'on constate dans le monde anglo-saxon, au moins. Et si la classe moyenne était aussi la structure intermédiaire de la société, l'ossature de la "société civile" ?