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De la catharsis dans Game of thrones et Vikings

Publié le 18 juin 2014 par Jessica Staffe @danmabullecultu

La catharsis consiste à purifier l’homme de ses passions. Cette purgation  vise à divertir l’homme et à le domestiquer. Ce principe est souvent rattaché aux représentations théâtrales dans la Grèce antique. Les tragédies grecques sont souvent construites sur l’affrontement des pulsions de vie (Eros) et de mort (Thanatos). Dans ces pièces l’Homme est tiraillé par ses sentiments contradictoires. Déchiré, il doit faire un choix déterminant pour son destin. A travers le récit dramatique, les différentes péripéties vécues par les personnages, la catharsis apparaît comme un exutoire, une échappatoire.

De l ‘art de la catharsis : mettre en scène pour canaliser nos vils instincts

Cette mise en scène fait ressentir aux spectateurs des émotions contradictoires : il passe de la compassion, à un désir de violence, à de la peine et parfois au rire quand les scènes s’y prêtent. Il vit au rythme des répliques. Entre identification et distanciation, il se prend à réfléchir comme si il faisait partie intégrante de l’histoire. Cette appropriation soudaine du destin d’un autre lui permet de canaliser ses pulsions les plus violentes, dérangeantes voire criminelles. Face à ce déferlement, il s’apaise et se détend. Pour Aristote, cette catharsis possède un effet thérapeutique.

La violence ici n’est pas contagieuse bien au contraire, elle a une vertu curative reconnue. Les mauvais sentiments ne disparaîtront pas forcément mais seront mis de côté. Tout comme la médecine, le théâtre peut guérir de bien des maux. Il est souvent comparé à un médicament homéopathique. Pour qu’il en soit ainsi, il faut que la société prenne ses responsabilités civiques. Aristote, philosophe réaliste avait bien compris les enjeux de l’art. Si le théâtre s’appuie sur la catharsis, en va-t-il de même de tous les arts ?

dans game of Thrones et Vikings,  Les légendes et les créatures fantastiques ou fantasmagoriques côtoient des guerres fratricides où des combats épiques  ont lieu pour savoir qui héritera de tel ou tel royaume. Ses querelles politiques tirent leurs inspirations du monde réel. Elles montrent bien souvent, la cupidité, l’égocentrisme et le désir de dominer à n’importe quel prix. Les ennemis ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Des trahisons, des alliances se forment au moins à court terme. Ces différents enjeux de pouvoirs révèlent que l’homme est faible et avide de nouvelles possessions quitte à éliminer une personne qui lui est chère ou de trahir son chef ou son roi pour s’orienter vers le plus offrant. La littérature, le cinéma, les séries regorgent d’intrigues épiques et tumultueuses où la fiction s’empare de la réalité pour construire des récits complexes riches où le suspense représente un élément essentiel pour nous tenir en haleine et créer en nous une dépendance affective aux héros. Ces ingrédients mis bout à bout font de ces créations des œuvres incontournables dont tout le monde parle. C’est le cas de certaines séries. Elles deviennent petit à petit des phénomènes d’abord générationnelles puis sociales. Game of Thrones et Viking  en est l’exemple parfait.

La catharsis en marche dans Game of Thrones et vikings

 La série Game of Thrones adaptée de la saga de JRR Martin répond parfaitement à la catharsis. Son succès repose sur un univers passionnant dans lequel sont illustrés des guerres de clans pour accéder au pouvoir et pour conquérir le trône de fer. Ces préoccupations se nourrissent du monde réel. Si on regarde avec intérêt la vie politique française ou internationale, on se rend compte que la plupart des partis se sont construits sur des divisions idéologiques. Dans une même famille politique, il existe des courants variés qui parfois peuvent engendrer des dissensions internes voire une scission. Aujourd’hui la plupart des grands partis politiques mondiaux connaissent cette situation. Si on s’intéresse à la France, L’UMP est aujourd’hui parcouru par une guerre d’égo. Chacun prépare son destin personnel plus que l’avenir de sa famille politique. Dans cet état d’esprit, l’intérêt particulier prime sur l’intérêt général. Quant au PS au pouvoir en France, il paraît également sclérosé. Des lignes différentes voire divergentes s’opposent et donnent un message brouillé et parfois d’un gouvernement complètement désuni. Si on transpose maintenant ces querelles au monde du Trône de Fer, plusieurs grandes familles (les Stark, les Targaryen, les Lannister, les Greyjoy, les Tyrell, les Arryn, les Tully, les Barathéon) s’affrontent, se divisent, s’allient pour accéder au trône suprêmes et pour se venger de leurs ennemis jurés.

Dans la série Vikings, les scénaristes et les réalisateurs ont utilisés les mêmes procédés. Les vikings  cherchent d’autres terres pour augmenter leur sphère d’influence. Leur but est de conquérir pour pouvoir s’implanter dans des contrées inconnues. Leurs raids sont  violents. Ils ne font pas de canaux à leurs adversaires. Ils livrent de nombreux combats épiques. Ils utilisent la violence, leurs haches pour décapite rou blesser mortellement leurs opposants. En dehors de cette démonstration de force, les différentes tribus de Vikings sont parfois divisés. Ragnar Lothbrok  s’illustre en tant que fin stratège. Hormis la violence il sait aussi trouver des compromis et chercher des accords alors que certains de ces alliés comme le roi Rorik sont du genre à se battre sans parlementer et à répondre à de la violence par de la violence. Cette approche prouve que l’exercice que l’on fait  du pouvoir dépend des buts que l’on se fixe. On peut avoir les mêmes objectifs mais manoeuvrer différemment. La force n’appartient pas forcément à celui qui en use bêtement. Savoir régner c’est aussi apprendre à faire des concessions sans trahir les siens. Les divisions intestines existaient déjà chez les vikings. Les ennemis proviennent parfois de  notre propre camp.

Des personnages que l’on aime détester et hair

Une haine viscérale nous pousse à détester certains personnages quand l’humanité ou l’intégrité d’autres personnes nous les font adorer. La construction de l’intrigue et de certains personnages contribuent à nous faire changer d’avis. Game of Thrones flatte nos plus bas instincts. Un exemple qui reflète parfaitement cet état d’esprit. Qui ne s’est pas réjoui de voir mourir Geoffrey ? Avide de pouvoir, complètement machiavélique et sanguinaire, c’est le personnage que tout le monde aime détester. Le détester ne fait pourtant pas de nous ni des êtres sadiques, ni tortionnaires. Cette attitude rejoint simplement le principe de la catharsis. Face à un spectacle tragique et violent, l’homme se divertit grâce à la souffrance des autres. Pour autant dans sa vie quotidienne cela ne l’empêche pas de suivre une trajectoire humaniste, d’aider son prochain et de vivre son existence sans jamais commettre de crimes. Cette série consacre aussi des héros atypique. Tyrion Lannister respire l’humanité. C’est presque le seul membre de sa famille à nous inspirer de la sympathie et de la compassion. Ce comportement est dû au fait que Tyrion ne soit pas normal, il fait partie de ses êtres que l’on considère comme différent. Du fait de son nanisme, il a été rejeté par sa famille. Il ne rentre pas dans les canons de beauté traditionnelle. Cette particularité le rend humain. Outre cette qualité humaine c’est un fin stratège et il  défend aussi Sansa en défiant l’autorité royale de Joffrey. Toutes ces vertus dans ce monde violent nous le fait apprécier.

Bran handicapé est aussi un enfant à part. Son don de Zomen lui confère un certain pouvoir et l’aide à vaincre son handicap. Encore une fois Bran n’a rien d’un héros classique pourtant il faut compter sur lui. Dans cette saga aussi les enfants bâtards ont toute leur place. Jon Snow devient au fur et à mesure des épisodes un personnage central et important. Traditionnellement, il n’aurait pas cette place dans le récit. Cette richesse humaine et humaniste conduit le spectateur à s’identifier. Cette force d’attachement fait de ces héros des héros de notre quotidien. Quant à Jaime Lannister, il suit une trajectoire inverse. Au départ, il nous apparaît détestable mais peu à peu son destin le transforme en un  homme quasiment aimable.

Ragnar Lothbrok est le héros auquel on s’accroche dans la saga Vikings. Il incarne unguerrir déterminé, intelligent, vengeur,il n’hésite pas à aller à contre courant de l’opinion générale. Cette obstination lui donnera raison. Il a toujours su qu’il tenait son destin des dieux. Ambitieux, il sait aussi se remettre en question, sa famille compte plus que tout. On ne partage pas forcément ses choix mais on les comprend facilement. D’autres personnages attachants sont plus obscurs. Sans les détester cordialement, leurs attitudes ambivalentes nous fait les apprécier mais aussi les trouver vils, perfides voire dangereux. Floki correspond tout à fait à ce type de personnage.  il est  à la fois stratège et manipulateur. Il sait jouer un double jeu pour tromper l’ennemi. Son comportement envers Ragnar et Rorik est ambigu. Va-t-il trahir son ami et saisir une opportunité qui lui conférera plus de pouvoir? Avec ce personnage on oscille entre le rire, la méfiance, le rejet et l’admiration. Il nous met mal à l’aise mais sait nous tenir en haleine quitte à nous surprendre. Cette personnalité noire se rapproche de Rollo Lothbrock. Frère de Ragnar, il vit dans son ombre. Il souffre d’un certain manque de reconnaissance. Pourtant Ragnar l’aime profondément. A la fois grand combattant, ambitieux, il admire son frère autant qu’il le jalouse. Il use de tous les stratagèmes pour parvenir au même niveau que son frère. Entre amour et trahison, la frontière s’avère poreuse. Tous ces personnages sont attachants dans leurs complexités. La haine viscérale  exprimée pour un personnage est beaucoup  moins claire que dans Game of Thrones.  Dans les deux cas la catharsis opère avec brio. Ces deux créations nous rendent dépendants. Finalement les scénaristes ont réussi à rendre  leur série indispensable. Chaque nouvelle saison est attendue avec impatience et fait naître de nombreuses spéculations dans la tête des spectateurs.

Lagartha est une femme à qui on peut s’identifier. Insoumise, elle se sentira parfois trahie mais deviendra tout de même puissante. A l’instar de Ragnar, lagartha dispose d’un fort tempérament, elle s’assume, sait se battre et se défendre et ne laisse pas humilier. Certains diront qu’elle a un rôle d’homme. C’est peut-être le seul personnage récurrent de la série qui soit féministe. On peut rapprocher ce personnage de Daeneryw Targaryen. Toutes deux inspirent respectent. Elles se battent envers et parfois contre tous pour s’imposer et régner.

Ces opinions bien tranchées déchaînent les passions et a conduit les médias à s’emparer de  Game of Thrones  pour en faire un véritable phénomène de société.  Cette passion soudaine a fleuri surtout avec la saison 4. Elle existait déjà avant mais s’est renforcée à ce moment là. Tout le monde trouve son mot à dire. Cet engouement général rapporte aux médias. Grâce à ce sujet, il récolte de nouvelles audiences et touchent un public plus diversifié. Chacun y va de son grain de sel.  Les Unes traduisent l’aspect mercantile. Si un consommateur  est  attiré par une une présentant ses héros favoris , il achètera peut-être le magazine ou en tut cas en parlera à ses amis. Finalement Game of Thrones profite à tous!

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courrier intrenational

Ces deux séries  ont su fidéliser leur public. Pour Game of Thrones la renommée a dépassé tout ce qu’on a pu imaginé.C’est la sérié la plus téléchargée au monde. Elle brasse donc des spectateurs variés qui pour certains étaient déjà passionnés par l’univers de JRR Martin pour d’autres l’on découvert et ne s’en lassent pas. Rarement une série  aura déclenché autant de passions. En tout cas  cette adaptation a su se différencier des livres quitte à décevoir les fans de cette saga littéraire. Pour Vikings les scénaristes et réalisateurs étaient partis sur deux saisons. Vu l’engouement  pour leur création, ils ont décidé d’en tourner une troisième. Ces deux phénomènes sont à l’image d’une époque tourmentée. On cherche de nouveaux repères dans la fiction pour se divertir et voyager dans un univers finalement pas si différent du notre.

Jessica Staffe



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