Ces décideurs qui ouvrent leur cœur

En dehors de la chirurgie, l’expression « ouverture du cœur » semble n’être qu’une métaphore. Cependant, elle illustre aussi littéralement ce qui se passe dans le corps avec la pratique de la méditation. Focus sur un processus utilisé, aussi, dans l’entreprise.

« L’amour se déploie d’autant plus librement que nous sommes en rapport avec la racine de notre propre humanité. »
Fabrice Midal

Le processus d’ouverture du cœur est décrit avec précision dans différentes traditions spirituelles, telles que l’hindouisme qui accorde beaucoup d’attention à l’ouverture des chakras, ces centres énergétiques situés dans différentes parties du corps.

Certains maîtres spirituels semblent ainsi capables d’offrir la même qualité et la même intensité d’amour à n’importe quelle personne. C’est une expérience émouvante de les observer car ils sont des témoignages vivants qu’une ouverture du cœur est possible au-delà de ce que nous pouvons imaginer.

Pour beaucoup de décideurs, ce thème de l’ouverture du cœur n’est pas familier. Mais c’est justement ici que la fonction du pont entre sagesse et business prend toute sa valeur.

Lors d’une émission de radio, un chef d’entreprise répondant à la question de la journaliste « Peut-on parler d’amour quand on est décideur ? », affirmait : « L’amour est un mot trop beau, trop fort pour pouvoir être associé à la réalité du travail en entreprise. » Il y a en effet dans l’amour une dimension sacrée, mais en même temps, c’est précisément parce que l’amour est un mot beau et fort qu’il faut tout mettre en œuvre pour essayer de l’adapter à la réalité de l’entreprise. Quelques mois plus tard, lors d’une conférence intitulée « Sagesse et Management », le chef Thierry Marx décrivait l’essence de sa démarche pour l’ouverture du Mandarin Oriental de Paris (avec 400 personnes sous sa responsabilité), comme un effort conscient de « mettre l’amour et l’amitié au cœur de son management. » Ainsi, le turnover dans les équipes, qui se situe normalement autour de 80 % dans l’année suivant l’ouverture d’un établissement similaire, n’avait atteint que 30 % (un chiffre toujours considérable dans d’autres secteurs, mais qui selon lui faisait la preuve que sa démarche avait porté ses fruits).

Veiller spécialement aux moments où le coeur se ferme

De même que le cœur en tant qu’organe, le cœur comme fonction spirituelle suit un cycle d’expansion et de contraction. Le stress et l’agitation sont des facteurs qui le contractent. L’enjeu pour les décideurs est donc de veiller à l’ouverture du cœur à travers leur pratique, jour après jour, en faisant spécialement attention aux moments où il se ferme.

Christophe André cite dans Se changer, changer le monde une étude conduite par une équipe de psychologues sur la façon dont le stress contribue à la fermeture du cœur. Les chercheurs ont demandé à des étudiants en théologie de préparer un discours sur la parabole du Bon Samaritain puis d’aller l’enregistrer dans un studio à proximité. Le premier groupe devait s’y rendre sans traîner, mais disposait du temps nécessaire. Au contraire, le second devait s’y rendre le plus rapidement possible, au risque de ne pas pouvoir enregistrer le discours. Sur le chemin du studio, un complice des chercheurs était allongé sur le sol. Seuls 10 % des étudiants du deuxième groupe (ceux qui se dépêchaient) se sont arrêtés pour lui prêter assistance, contre 60 % dans le premier groupe.

Comme le souligne Christophe André, il est triste de constater avec quelle rapidité les bonnes intentions se perdent. Il note que cette étude a un côté « déprimant, humiliant, déconcertant », qui appelle à une grande modestie, et il conclut :

« il faut débusquer inlassablement les façons dont, dans nos vies, l’impression d’être bousculé par le temps, par la masse des choses à faire, peut progressivement dénaturer nos capacités à être de bons humains. »