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Lee Bae à la Fondation Fernet Branca

Publié le 25 avril 2014 par Elisabeth1

Dix ans après Lee Ufan, la Fondation Fernet-Branca à Saint Louis accueille l’oeuvre de l'artiste coréen Lee Bae, sous le commissariat de Jean-Michel Wilmotte, architecte de renommée internationale et grand connaisseur de la culture coréenne.

« Ma façon de peindre relève d’une sorte de performance… » Lee BAE

Lee Bae, Paysage M, charbon de bois sur toile 1992

Lee Bae, Paysage M, charbon de bois sur toile 1992

Proposant une lecture inédite d e l’oeuvre  de l’ artiste, l’exposition présente plus de 80 peintures, dessins, sculptures et vidéos réalisées de 1997 à aujourd’hui. Quatre installations monumentales et des séries anciennes comme les graphites, les agrafes, les tableaux en charbons de bois sont pensés autant, comme une performance que, comme des oeuvres in situ toujours liées à l’espace. Elle aspire ainsi à rendre sensible à la fois un travail construit autour de la forme et de la diversité des matériaux et une quête spirituelle où l’artiste cherche à révéler un paysage intérieur.

Des matériaux pour l’expression du mouvement, du temps et de la vie. Entre formes et matériaux, temporalité et attitude, corps et nature, son geste est synonyme de vitalité, de force et d’énergie. C’est un savant mélange entre la diversité des matériaux qu’ il emploie et le monde tel qu’ il le perçoit.
« Lorsque je travaille avec un pinceau et avec mon corps, je travaille avec le temps. Le geste, c ’est le temps…comme je fais un seul passage à chaque étape de la réalisation, c’est une manière de garder le temps, de suspendre un moment dans l’espace de la toile ».

Un lien ténu avec le temps transcrit à la fois l’ impossibilité de réécrire ce qui a été fait et le souci d’ immortaliser le geste. Un travail sur le noir et le blanc. Une alchimie où la forme devient une attitude. Depuis 2000, l’artiste utilise majoritairement l’acrylique sur ses toiles. Sur une peinture blanche posée avec de larges coups de brosse, il trace de larges et grands traits noirs, fixés avec de la résine. Cette forme crée une impression visuelle très pure, dépouillée, qui invite à la méditation et la contemplation. Lee BAE ne se préoccupe pas de savoir si sa représentation est figurative ou non. Elle est juste le résultat de la confrontation de ce qui fait qu’ il est un homme ; d’où il vient, où il vit, ce qu’ il construit, de son passé et de son présent. La forme nait de cette attitude, de l’ instant, et fait oeuvre dans son intention d’universalité.

Lee Bae, Acrylique et charbon de bois noir sur toile

Lee Bae, Acrylique et charbon de bois noir sur toile

Artiste majeur de la scène contemporaine coréenne, LEE BAE est né en 1956. Il vit et travaille à Paris. Il est représenté par la galerie RX en France et par la galerie Hakgojae en Corée du Sud . Arrivé en France en 1990, il devient l’assistant de Lee Ufan, considéré aujourd’hui comme le plus grand artiste international coréen. Il en est d’une certaine manière un véritable successeur, notamment dans leur approche semblable de la performance et de l’engagement de l’artiste.
Le 10 décembre 2013, Lee Bae reçoit le prix de l’Association nationale des critiques d’art de Corée du Sud.
Lorsque Lee Bae est arrivé à Paris, dans les années 1990, l’artiste a choisi de se servir de morceaux de charbon de bois comme médium principal de création, certes pour des raisons économiques, mais pas seulement. En lisant un journal, il découvre une publicité d’un magasin général qui vendait des sacs de charbon de 10kg pour 5 francs :

« J’aurais pu travailler avec du plâtre ou du métal. Mais le charbon de bois était lié à ma propre culture et à ce moment-là, j’avais besoin de garder un lien fort avec mes propres origines. J’étais parti de Corée pour quitter mes racines, mais arrivé ici, je me sentais étranger, très loin de chez moi, et le charbon de bois me permettait de retrouver l’univers de l’encre de Chine, de la calligraphie, l’ambiance de la construction des maisons que j’avais connue enfant. Dans la tradition coréenne, en effet, lorsqu’on creuse les fondations, le charbon de bois est la première chose qu’on dispose. De même lorsqu’un enfant nait, on le signale à la porte en accrochant du charbon de bois à une corde. Donc ce charbon de bois, symboliquement fort m’était familier. Il m’a permis de replonger dans ma propre culture ».

Lee Bae, Masse de charbon de bois, élastique noir tendu,

Lee Bae, Masse de charbon de bois, élastique noir
tendu

Son rapport au charbon est ainsi plus complexe et existentiel qu’il n’ y paraît, et se trouve implicitement lié au thème du feu. Le feu est plein d’énergie, le charbon permet de transcender cette énergie. C’est la valeur symbolique qui intéresse ici l’artiste et sa capacité à transmettre une énergie, une vibration. Il manifeste la recherche non seulement d’un dialogue sensible entre matière et forme mais aussi d’une quête spirituelle où l’artiste cherche à révéler un paysage intérieur.
Cette exposition se nourrit de ces deux composantes – matérielle et immatérielle, et tend à révéler la dimension philosophique et spirituelle de l’oeuvre de Lee Bae. L’artiste aime à rappeler que le charbon nait de la main de l’homme et de sa capacité à transformer cette matière naturelle. Pour les Coréens, l’arbre, et en particulier le pin (base du charbon qu’ il utilise) est symboliquement l’image de l’âme coréenne. Pour se faire, le parcours de l’exposition montre l’évolution de l’oeuvre de Lee Bae, au cours des deux dernières décennies, qui procède d’un subtil équilibre entre des pratiques artistiques ancestrales et contemporaines et la recherche d’expressions formelles, conceptuelles, symboliques et culturelles.

Lee bae

Lee bae

Le visiteur découvre les différentes étapes en comparant des oeuvres anciennes marquées par l’emploi du charbon de bois à des oeuvres plus récentes utilisant des nouveaux matériaux industriels – chimiques ou technologiques – tels que le carbone ou le médium acrylique. Il découvre aussi la cohérence de son travail élaboré à la fois sur des thèmes éternels – le temps, le souffle, le feu, l’ eau, la terre, et sur des concepts de mouvement, d’énergie, de pureté et de vitalité, et animé par ce désir d’expression pure.

« En 2000, je me suis aperçu que le matériau en lui-même, sa présence physique ne m’étaient plus nécessaires et que j’avais dorénavant uniquement besoin de son image ».

L’ artiste opère un changement lent, mais irrémédiable, d e transformation d’une matière concrète à une image de cette matière, libère le champ pictural, isole les formes pour mieux les imposer dans l’espace, introduit de subtils nuances dans les blancs pour renforcer le noir. Nourri par les notions traditionnelles de la culture coréenne, l’oeuvre de Lee Bae procède de la volonté de donner une certaine vision extérieure du monde qui laisse place petit à petit à la révélation d’ un paysage intérieur – point commun avec les oeuvres des artistes du « Dansa ekhwa »,  mouvement peu connu en France
qui regroupe quatre générations d’artistes coréens. Né au début des années 70’, ce mouvement regroupe des grandes figures de l’art contemporain coréen tels que
Lee Ufan, Parc Seo-bo, Kwon Young-woo, Yun Hyong- Keun Ha et Chong-hyun.
Il a ainsi développé une recherche fondamentale et expérimentale, sorte d’espace de réflexion, fondée sur le rapport harmonieux de l’homme avec la nature, à l’égal des mouvements « Monoha » japonais et de « l’Arte Povera » italien, dans une dimension méditative,  qui sollicite le corps :

Lee Bae

« Ses créations se situent dans une perspective écologique, cosmologique et terrestre diamétralement opposée, à celle, formaliste, des Occidentaux », souligne le professeur Yoon, spécia liste de c e mouvement coréen. Sans y être enfermé , Lee Bae appartient à la seconde génération, celle des années 80’ s, aux côtés d’artistes comme Park Ki-Won, Lee In-Hyeon ou Jang Seung-Taik. Chacun avec son propre style a développé une abstraction non-occidentale qui s’exprime sous la forme d’une peinture monochrome. Il revendique ainsi cette capacité à la fois de s’affranchir des influences japonaises et oc cidentales et de mettre l’oeuvre d’art au coeur de la relation de l’homme à la nature.

Lee Bae, Cheongdo, 2000 Crayon sur papier, 51 x54 cm

Lee Bae, Cheongdo, 2000
Crayon sur papier, 51 x54
cm

Un cabinet de dessins dont la sublime oeuvre « Cheongdo » réalisée en 2000, et composée d’une 100e de dessins juxtaposés les uns à côté des autres. Le sujet principal est un
« kaki », fruit tombé naturellement au sol que l’artiste a ramassé et a dessiné sous toutes ses formes et sous tous les angles possibles. C’était pour l’artiste un magnifique exercice de style, qui lui a permis à l’époque de montrer sa capacité à dessiner de manière classique. Lee Bae fut professeur de dessin en Corée. Pour lui donner un peu plus d e profondeur, l’artiste a l’idée d ’ajouter sur le dessin une résine de type fixateur. L’ effet a été spectaculaire. Le rendu graphique associé au médium acrylique qui accentue l’effet réaliste donne l’illusion, à s’y méprendre, d’une prise de vue photographique hyperréaliste. D’autres dessins, ceux-ci inédits, sont également présentés.

Lee Bae, Insectes collectés, 1998. Agrafes sur panneau, 50 x 40 x 5cm c haque

Lee Bae, Insectes collectés, 1998.
Agrafes sur panneau, 50 x 40 x
5cm chaque

Parallèlement sa ns abandonner le charbon de bois, l’ artiste développe une pratique innovante autour de l’agrafe. De 1996 à l’an 2000, l’artiste réalise des tableaux avec des agrafes. Pour créer la forme, l’artiste utilise deux méthodes originales. Pour certains, les agrafes sont placées derrière le bois. Pour d’autres, l’artiste les pose directement sur le bois. Ce travail autour de l’agrafe est né alors que l’artiste était l’assistant de Lee Ufan. Son travail consistait à l’époque à tendre les toiles du maître avec les agrafes sur le châssis. « En les fixant,je m’ étais aperçu qu’elle formait un trait métallique comme un trait de crayon à la mine de plomb. Dans ses Insectes collectés, l’artiste s’amuse à faire dialoguer deux mondes, l’ un naturel par l’ image du bestiaire et l’autre industriel par l’utilisation de l’agrafe.

Lee Bae

La présentation d’une installation vidéo et sonore sur le thème du feu, en sous-sol, est un autre moyen utilisé par l’artiste pour aborder la notion de transformation du matériau. C’est une nouvelle manière d’affirmer son engagement, de montrer son attitude, et de rappeler le positionnement de l’homme par rapport à la nature. Pour lui, le feu est essentiel. Ce n’est pas un matériau. C’est une p artie intégrante de la culture humaine, c’est la nature par excellence. Avec cette installation vidéo, l’artiste entame une nouvelle exploration symbolique de la matière.

Fondation Fernet Branca
2, rue du Ballon 68300 Saint-Louis
tel : +33 3 89 69 10 77 fax: +33 3 89 67 63 77
email : [email protected]

Directeur: Pierre-Jean Sugier
03 89 69 52 37
Ouverture
Tous les jours, de 14h00 à 18h00 sauf lundi et mardi

Catalogue : Lee Bae
Fondation Fernet Branca
Editions de St Louis


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