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Steve Tesich : Karoo

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Karoo  de Steve Tesich  3,5/5 (02-04-2014)

Karoo (608 pages) est paru le 23 février 2012 chez Monsieur Toussaint Louveret est disponible en version poche depuis le 13 février 2014 aux Editions Points (592 pages).

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L’histoire (éditeur) :

Ce roman est l'odyssée d'un riche consultant en scénario dans la cinquantaine, Saul « Doc » Karoo, gros fumeur et alcoolique, écrivaillon sans talent séparé de sa femme et traînant plusieurs tares émotionnelles. En tant que script doctor pour Hollywood, Saul Karoo mutile et « sauve » le travail des autres. En tant qu'homme, il applique le même genre de contrôle sournois à sa vie privée et se délecte de nombreuses névroses très particulières : son incapacité à se saouler quelle que soit la quantité d'alcool absorbée, sa fuite désespérée devant toute forme d'intimité, ou encore son inaptitude à maintenir à flot sa propre subjectivité. Même s'il le voulait, il ne pourrait pas faire les choses correctement, et la plupart du temps, il ne le veut pas. Jusqu'à ce qu'une occasion unique se présente à lui : en visionnant un film, il fait une découverte qui l'incite à prendre des mesures extravagantes pour essayer, une fois pour toutes, de se racheter. Si Karoo est bien l'ambitieux portrait d'un homme sans coeur et à l'esprit tordu, c'est aussi un pur joyau qui raconte une chute vertigineuse avec un humour corrosif. C'est cynique. C'est sans pitié. C'est terriblement remuant. C'est à la fois Roth et Easton Ellis, Richard Russo et Saul Bellow.

Mon avis :

Paru en 1998, deux ans après la mort de son auteur (et achevé quelques jours avant), Karoo fait partie de ces romans transcendés pat la presse et la critique, et même catalogué « Chef-d’œuvre littéraire ». Mon avis de simple lectrice (loin des professionnels) sera sans aucun doute plus humble et moins tendancieux. Reste alors à vous de vous faire votre avis en découvrant ce livre.

Karoo est un roman très dense. Pas vraiment difficile, mais long et parfois un peu longuet. Néanmoins, j’ai passé un bon moment entre les mots du narrateur Saul Karoo, cinquantenaire New Yorkais, riche, fumeur (même s’il vous dira le contraire), porté sur la boisson (sans jamais réussir à être saoul) et travaillant dans le milieu du cinéma. Son travail consiste à réécrire les scénarios des autres, retravaillé ce qui est déjà parfois très bon, pour le rendre plus digeste, plus typiquement industriel et aseptisé (pour un plus large public). C’est dans le cadre de son boulot qu’il tombe sur les images d’un film où il croit reconnaître le rire d’une actrice. Ce rire, c’est celui qu’il a entendu il y a des années au téléphone, celui de Leila, la mère naturelle de son fils adoptif, le jour de sa naissance. Ce rire, c’est le déclic. Pour une fois dans sa vie, il s’intéresse enfin à quelqu’un et décide de prendre contact avec elle pour peut-être faire quelque chose de bien ? Mais les conséquences sont loin d’être ce qu’il pensait.

Saul Karoo est à l’image de son récit : cynique, sarcastique et totalement critique (à tout point de vue). C’est un personnage aux multiples défauts : menteur, débauché, égocentrique et surtout grand grand névrosé. Il est atteint de la maladie de l’ivresse (qui l’empêche de ressentir la moindre ébriété, même avec des litres d’alcool, ce qui l’entraîne vers une profonde monotonie), de la maladie de l’objectivité (qui lui retire toute émotion et subjectivité, le rendant hyper hermétique à tout) et de la maladie de l’observateur (incapable d’intimité, il a constamment besoin de se sentir observé par un public pour être vraiment à l’aise). Ses relations avec son ex-femme et son fils Billy (en première année à Harvard) sont catastrophiques, voire inexistantes avec ce dernier. Tout cela le rend pathétique, incapable de faire quoi que ce soit de bien (sauf dans son boulot où il excelle presque), et antipathique. Et pourtant, il en est aussi un poil touchant. Et oui, la compassion prend le dessus et on finit par prendre en pitié cet homme sans bonheur et tellement médiocre. C’est typiquement un anti-héros que l’on suit vers une perpétuelle chute, tellement prévisible.

Karoo est un sacré pavé. On sourit (jaune souvent), on grince des dents, on savoure l’écriture de Steve Tesich, qui est précise et assez addictive, mais je vous avoue aussi que l’on avance très doucement. C’est parfois un peu mou, et l’envie de sauter quelques pages se présente de temps en temps, tellement le récit est foisonné et semble s’éterniser. Mais à part ça, j’ai beaucoup de difficulté à en dire du mal car je trouve que l’auteur a beaucoup de talent. Il arrive à faire réfléchir (sur la société  américaine, les rapports humains et le monde du cinéma) autant que sourire. Certains me dirons que beaucoup d’auteurs y arrivent aussi très bien sans pour autant y mettre des longueurs, oui mais bon j’ai aimé l’univers du désenchantement et du désastre proposé par Karoo. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il s’approche de la perfection (comme j’ai pu le lire dans certains articles) mais je reconnais qu’il m’a déroutée, tantôt fantaisiste, tantôt critique, tantôt absurde, tantôt tragique (tragi-comique !).

En deux mots : à la fois fastidieux et prenant, Karooest un roman minutieux aussi drôle que pathétique.  Pour vous faire une petite idée, vous pouvez écouter un extrait ici.

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Petite bio rapido : Steve Tesich est né en septembre 1942 (en Yougoslavie) et décédé en  juillet 1996. A 14 ans, il émigre avec sa famille aux Etats-Unis, où il intègre l’université de l’Indiana. Diplômé d’un master littérature russe, il préfère abandonner son doctorat pour se consacrer à l’écriture en devant dramaturge, scénariste (du Monde selon Garp, l’adaptation du roman de John Irving entre autres), auteur de plusieurs pièces de théâtre et de deux romans : Karoo et Summer Crossing, publié en 1982 aux Etats Unis et traduit en plusieurs  langues (à paraître en français en 2014, sous le titre de Price).

Concours :

A vous de jouer maintenant, grâce aux éditions Points qui vous proposent 3 exemplaires de l’œuvre de Steve Tesich.

Pour tenter votre chance de remporter l'un d'eux, envoyez-moi vos coordonnées postales avec votre pseudo via le formulaire de contact, et laissez un petit commentaire en bas (histoire de confirmer votre participation).

Le concours prendra fin le 17 avril. Bonne chance !


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