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"Pas son genre" : un film Proustien?

Par Vierasouto


13 - 02
2014
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PITCH.
Un prof de philo parisien est muté à Arras pour un an. Un véritable pensum pour cet intellectuel mondain, bourreau des coeurs malgré lui. A Arras, il rencontre une coiffeuse solaire qui lui apprend la joie de vivre.

NOTES.
Le titre en soi fait référence à Proust", Pas son genre", d'Odette de Crécy, sa maîtresse adulée, Swann faisait remarquer que, de surcroît, elle n'était pas "son type de femme"... D'ailleurs, au fil du film, si besoin était de le préciser, on entendra le personnage principal lire un passage de "Le Recherche" à sa petite amie... Dans le film, le thème est (au premier degré) simplifié dans une démonstration socio-culturelle binaire. Peut-on surmonter le tabou social et culturel même de nos jours?
Clément, sorte de clone de Raphaël Enthoven, philosophe chic et mondain, auteur de livres sophistiqués et prise de tête, habité par un doute philosophique de la possibilité d'aimer et la volonté d'être libre, qui lui sert de prétexte à ne pas s'engager avec les femmes de sa vie, est soudain muté dans un lycée d'Arras pour un an. Pour Clément qui prend son petit déjeuner tous les matins aux "Deux Magots" à Saint Germain, le choc est rude : déjà l'idée de passer le périph lui est insupportable mais Arras! Accueilli par une collègue dans son genre qui ne supporte pas la province, Clément obtient que ses cours soient regroupés sur trois jours, ainsi, il peut rentrer à Paris toutes les fins de semaine.
Mais Clément va recontrer Jennifer, coiffeuse dans un salon en ville, d'une bonne humeur solaire tranchant avec la mine blasée, compassée, de ses relations parisiennes. Habillée comme une bimbo, elle adore Jennifer Aniston, le Karaoké et la lecture des magazines people, faisant le show en boite de nuit le samedi soir, en mini-robe lamée, avec deux copines du salon de coiffure, Katie de Nolwenn. Si Clément a l'intelligence intello, Jenifer possède celle du coeur. Sa vie de jeune divorcée, vivant seule avec son fils, dans la banlieue de Arras, non seulement elle l'assume mais elle s'y sent bien. Mais, elle n'est pas dupe, elle connaît son pouvoir de séduction physique sur les hommes et son absence de culture. Par ailleurs, Jennifer n'est pas influençable, lucide qu'elle a 35 ans, un enfant, et des aventures sans lendemain, elle n'en veut plus. Elle va tâter longtemps le terrain avant de se donner corps et âme à Clément mais quand elle comprendra que Clément a honte d'elle, ce sera un coup de poignard.
TWITTER.
@Cine_maniac
(sortie de projection du 12 février 2014)
"
Beaucoup aimé "Pas son genre", le dernier Lucas Belvaux, film habilement Proustien, avec Émilie Dequenne tellement juste (sortie 30 avril)"

photos Diaphana
ET AUSSI...
Jennifer a construit sa relation avec Clément avec une honnêteté, un sens des réalités et une simplicité qui le désarme, lui aprenant le bon sens et la joie de vivre (dont il ignore tout) quand il tente de lui faire lire Kant ou Dostoïesvki. Tout serait possible pour ce couple heureux, de fait, si le fantôme du regard des autres ne paralysait Clément (la terrible scène de la rencontre avec sa collègue intello et son mari avocat où il ne présente même pas Jennifer...), sa fameuse quête de liberté de penser est alors en échec. Ses sentiments sincères partagés réussiront-ils à renverser les barrières sociales et culturelles? Peut-on être un homme et une femme qui s'aiment, seuls au monde, déconnectés de l'insertion sociale et du conditionnement culturel?
Que dire de la magistrale création d'Emilie Dequenne dans le rôle de Jennifer? Cette actrice, parmi les plus grandes, est, comme d'habitude, à son meilleur. Face à elle, un acteur de la Comédie Française, Loïc Corbery au jeu très sobre, presque passif, par moments, comme le veut le rôle. Le film est tiré d'un roman de Philippe Villain. Personnellement, j'ai adoré ce film, touchant, intelligent, si bien interprété, si juste et lucide, sans jugement de valeur sur les personnages, comme s'y contraint toujours Lucas Belvaux. Un film d'une apparente simplicité qui en dit long sur la barrière culturelle et sociale qui a perduré, mine de rien, de Proust à nos jours.

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Mots-clés : avant-Premières, cinéactuel, cinéma belge, , Lucas Belvaux

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