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La science-fiction est-elle en crise ? (1/2)

Publié le 09 février 2014 par Thibaultdelavaud @t_delavaud

Le titre de l'article peut paraître surprenant. En effet, aujourd'hui, de nombreux films, séries télévisées et livres sont des œuvres de science-fiction. Les succès de livres récents tels Hunger Games et et la pléthore de films de SF sortis l'année dernière (citons en vrac : Star Trek into Darkness, Oblivion, Pacific Rim, La Stratégie Ender, After Earth...) semblent confirmer la grande vitalité de ce genre littéraire (et cinématographique).

Pourtant, j'ai le sentiment qu'un très grand nombre, pour ne pas dire la totalité, des histoires de science-fiction proposées se détournent des fondements originels de ce genre littéraire pour se consacrer sur le superflu et le superficiel.

La science-fiction est-elle en crise ? (1/2)

La science-fiction a pour vocation de proposer au lecteur une réflexion sur les avancées scientifiques et technologiques de notre temps pour déterminer quel avenir se dessinera à l'aune de ces avancées. L'auteur peut ainsi aborder de multiples problématiques : sur la science et la technologie bien sûr, mais également sur la religion, la politique, la société... La nature de cette réflexion peut donc varier, selon la sensibilité de l'auteur et elle peut également être plus ou moins directe : le traitement de ses enjeux peut être parfois très présent, au cœur du récit et du message de l'auteur ou parfois plus marginal, voire anecdotique.

Or, force est de constater qu'aujourd'hui, la science-fiction ne propose plus de réflexion au lecteur et se contente d'être un décor, un cadre futuriste dans lequel s'articule une histoire plus ou moins originale.

Le genre littéraire qui a le vent en poupe depuis quelque temps est la dystopie (contre-utopie), ou encore le " post-apocalyptique ", bien que les deux termes ne soient pas égaux mais tendent à se confondre pour beaucoup de personnes. On pourrait arguer que la dystopie n'est pas nécessairement de la science-fiction au sens littéral mais elle s'y apparente très fortement.

Les dystopies les plus célèbres sont , Le Meilleur des Mondes et Fahrenheit 451 et elles proposaient chacune une réflexion scientifique, politique et philosophique qui ont connu une portée retentissante. Les dystopies d'aujourd'hui : et Hunger Games , sont (très) loin d'égaler leurs " ancêtres " et je ne parle ici que de la teneur du message contenu dans ces romans, pas de leur forme ou de leur qualité littéraire (car et Hunger Games ne sont pas de mauvais livres).

La science-fiction est-elle en crise ? (1/2)

" La science-fiction [...] se contente d'être un décor, un cadre futuriste dans lequel s'articule une histoire plus ou moins originale. "

La dystopie tend à se confondre dans le post-apocalyptique : l'intrigue est situé dans un univers lointain où l'humanité aurait " mal tourné " (guerre nucléaire, désastre écologique...). Cependant, l'auteur ne prend généralement plus la peine de questionner les aspects contre-utopiques de son univers : pourquoi l'humanité en est arrivée là ? En quoi ce monde nouveau est-il pire ? Un autre futur est-il possible ? Non, la dystopie est désormais le point de départ d'une intrigue, le cadre général d'un univers, pas une réflexion en tant que telle.

Cet appauvrissement est encore plus frappant dans le domaine du space opera. Considéré comme étant le sous-genre le moins noble de la SF, le space opera proposait auparavant des œuvres qui avaient certes pour but premier de divertir mais l'auteur prenait soin de développer un univers qui incitait le lecteur à la réflexion en abordant des thématiques très variées comme le clonage, le voyage spatial, la vie extra-terrestre... Isaac Asimov, Frank Herbert, Robert Heinlein ou encore Lois McMaster Bujold ont ainsi contribué à faire du space opera un genre qui nourrissait une réflexion scientifique, politique et philosophique complexe. Aujourd'hui, le space opera se résume hélas à de vastes guerres interstellaires, le plus souvent avec des extra-terrestres, sans chercher à questionner les enjeux relatifs à l'univers créé. Cette dérive est encore plus frappante au cinéma, où l'on cherche surtout à épater le spectateur avec des effets spéciaux ( de James Cameron étant le meilleur exemple de cette dérive).

La science-fiction est-elle en crise ? (1/2)

On a vu que la dystopie se confond avec le post-apocalyptique. Je pense que le space opera a quant à lui tendance à se confondre avec la fantasy. Les Nains, les Elfes et les Orques sont remplacés par des races extra-terrestres et la magie est substituée par des prouesses technologiques dont la vraisemblance scientifique est très discutable. Il en résulte un dévoiement de la science-fiction, associée désormais aux genres de " l'imaginaire ", sous le sigle SFFF (science-fiction, fantasy, fantastique).

Oubliées, dès lors, les réflexions scientifiques, politiques et philosophiques ? La science-fiction est-elle condamnée à n'être qu'un sous-genre de " l'imaginaire " ? Une simple " machine à rêves " et divertissement ? Rien n'est moins sûr. J'exprimerai dans la deuxième partie de cet article pourquoi la science-fiction peut rebondir et acquérir de nouvelles lettres de noblesse.


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LES COMMENTAIRES (1)

Par Yoda
posté le 16 février à 15:18
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Il y a quand même des réflexions qui essayent de prendre la science-fiction autrement que sur le versant catastrophique et dystopique (par exemple : http://yannickrumpala.wordpress.com/2014/02/14/la-science-fiction-au-secours-de-lecologie/ qui reprend une contribution parue dans la revue Sciences humaines). Certes, Iain Banks est mort et c'est une grande perte pour une SF plus proche d'une inspiration utopique.