Par Alexandre C.
Dimanche était un grand jour pour deux musiciens français, les Daft Punk. Nommés dans cinq catégories aux Grammy Awards – l’équivalent des Oscars de la musique – pour leur dernier album Random Access Memories, ils on raflé tous les prix, couronnant ainsi une carrière lancée voici une vingtaine d’années. Le lendemain matin, au réveil, un concert de louanges accueillait les deux membres du groupe, Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter, tous deux membres actifs du mouvement de la French Touch, la branche française de la house music. Désormais mondialement connus, adulés par des fans toujours plus nombreux, séduits par leurs créativité musicale, les Daft Punk se sont aussi lancés dans la production et ont révélé voici quelques années Kavinsky dont la musique a été popularisée par le film de Nicolas Winding Refn, Drive en 20111.
Dès lors, parmi les hommages rendus dans la foulée de ce triomphe aux Grammy Awards, on note celui de la ministre de la culture Aurélie Filippetti, qui vante le mérite des deux hommes. Après les félicitations d’usage, elle a ajouté le commentaire : « Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo sont les fers de lance de la French touch appréciée du monde entier. Daft Punk incarne l’essor de la musique électronique à la française. »
Oui mais voilà. Pour le public et les observateurs attentifs, Daft Punk constitue l’antithèse de la culture prônée par la gardienne de l’exception culturelle française. Je m’explique. Produits à leurs débuts par des petits labels, Daft Punk reste aussi un symbole de la musique indépendante, bien loin de la culture subventionné dont on cherche à nous abreuver en permanence. Le label et les producteurs qui ont lancé le groupe ont pris un risque qui aurait très bien pu s’avérer perdant. Au lieu de cela, le public, les critiques, qui ont jugé l’œuvre, ont décidé – sans pression aucune – que cette musique devait exister. On appelle cela la loi du marché, parfois cruelle.
Il est d’ailleurs étrange que Mme Filippetti se réjouisse de ce succès tant elle essaie de contrecarrer la propagation de nouvelles œuvres que ce soit en prolongeant l’existence de l’HADOPI2, cette agence qui est supposée luter contre le piratage de contenus à caractère culturel, ou en restreignant l’offre proposée par le site de vente en ligne Amazon, accusé de faire de la concurrence déloyale aux libraires traditionnels. Il serait utile de rappeler au ministère que les subventions au cinéma3, à la presse4 ou encore au spectacle vivant sont loin de favoriser l’émergence de talents nouveaux : au contraire, ils maintiennent sous perfusion des secteurs moribonds, les empêchant de produire une mutation nécessaire.
Au-delà de l’aspect financier, nos ministres de la culture successifs devraient finir par comprendre, que par le passé, sans leur aide et leurs lois compliquées, la France a abrité – et continue à le faire d’ailleurs – une culture riche et diversifiée, reconnue partout dans le monde. Une preuve s’il en est besoin que la culture par l’État n’aura jamais l’éclat et la renommée de celle promue par des milliers d’individus libres.
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Sur le web.
- Sorte de film noir inspiré d’œuvres de série-B. Il met en scène l’acteur canadien Ryan Gosling. ↩
- Acronyme pour « Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet ». ↩
- Se rappeler que récemment, une étude de BFMTV a révélé que 90% des films français n’étaient pas rentables. ↩
- Subventions dont on voit l’efficacité puisque la vente des quotidiens ne cesse de chuter. Deux nouvelles lois sont en préparation pour l’année qui vient. ↩