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Chronique: Jackson And His Computer Band – Glow

Publié le 31 août 2013 par Wtfru @romain_wtfru

Huit ans. Huit ans que le dénommé Jackson Fourgeaud ne nous avait pas mis un revers en pleine gueule. Huit ans que le franco-américain n’avait pas illuminé la scène de l’Intelligent Dance Music, comme on l’appelle justement, de ses sons transgenres.

 

glow

Un nom, Smash, celui de son premier album, avait retenu l’attention de nombreux fanzines considérés à l’époque comme des porte-voix de merdes sonores. Puis de tous les médias. « A l’époque », c’était en 2005. Deux ans avant l’extraordinaire Cross de Justice, consacré « duo emblème de la French Touch » par ces mêmes médias, album qui révolutionna et continuera de semer des étoiles dans les oreilles de millions de fans à travers le monde. Une année avant l’incroyable Ross Ross Ross de SebastiAn. Trois pleines années avant la sortie du retentissant Lambs Anger de Mr Oizo, ou si vous préférez de Positif. Coïncidence ou non, en 2005 sortait la daube Daftpunkienne Human After All. En 2013 est sorti Random Access Memories. En 2013 sort Glow.

[Radio Caca/Ghost Track – Smash]

Retournons à nos moutons. Retournons en 2005. En 2005, Ed Banger Records était en plein éveil, à peine sorti du ventre tout chaud de Sir Pierre Winter. Jackson and his Computer Band (avec un espace, oui) n’a jamais signé chez le label parisien, et pourtant, au simple survol de Smash, on croirait entendre un Mr Flash alcoolisé ou un SebastiAn sobre. Le jeune Fourgeaud sort son premier album sur le légendaire/mythique/magnifique label britannique Warp Records. Presque une décennie plus tard, le contrat outre-manche est renouvelé.

[Rock On – Smash]

Et alors ? Pourquoi venir nous faire chier avec cette remise en contexte très frenchy-française, nous direz-vous ? Le seul fait que Jackson est né à Paris, d’un père français et d’une mère américaine (dont on peut percevoir la voix sur « Radio Caca », d’ailleurs), ne constitue pas une réponse à tant de bruit et de lumière. Au fond, il s’agit de quelque chose de beaucoup plus simpliste : Jackson Fourgeaud rassemble tout ce qui a construit la fameuse « révolution française électronique ».

[D.A.N.C.E (Jackson And His Computerband Remix) - Justice] 

Ambitieux ? Pas vraiment. Les vrais savent que les produits d’une telle révolution ne sont pas uniquement concentrés chez Ed Banger Records. Si l’on veut quand même jeter une oreille chez Busy P & Cie, et en outre de ce qu’on a déjà décortiqué, on citera son remix (de 11 minutes) du tube de Justice, D.A.N.C.E, quémandé par le duo parisien lui-même ; ou encore le très sebastianesque remix de Kavinsky, « Pacific Coast Highway ». Plus récemment, chez les bourrus de chez Bromance, notre « blond par intermittence », comme il se décrit lui-même, s’est acoquiné avec Surkin pour son dernier album, USA Club Remixes. Le tonitruant « Blood Bust », pièce maîtresse de Glow, tire facilement vers un Gesaffelstein qui se serait levé du mauvais pied. Si l’on remonte dans les entrailles de Smash, on s’aperçoit que le détonant « Tv Dogs », titre mi-parlé mi-rappé, dont l’aspect lourdingue rappelle les sons sauvages de Surkin ou de Teki Latex de chez Sound Pellegrino, autre label parisien enfant né de la French Revolution, aurait pu en inspirer plus d’un.

 [TV Dogs (Cathodica's Letter) - Smash]

Au-delà de l’aspect purement musical, la mise en scène, qui a forgé dans la roche la réputation des Daft Punk, Justice et autres SebastiAn, est omniprésente chez Jackson. C’est lui qui, du temps de Smash, a forgé sa mise en scène dans la roche. Avec Glow, monsieur Fourgeaud joue avec des miroirs et un instrument bizarroïde, dont l’intéressé décrit le procédé pour Glamour Paris comme ceci : « L’idée c’est que le cerveau soit un ordinateur, mais que tu n’aies pas besoin de le regarder et que tout ce qui se passe pour interagir soit manuel, mécanique, et qu’il y ait une gestuelle qui aille avec. » Tout un programme, donc, qui rappelle singulièrement la pyramide du duo masqué lors de sa tournée « Alive » de 2007, devenue plus que mythique, ou encore la célèbre croix lumineuse entourée des deux murailles de Marshall chez Justice. Après, qui de la poule ou de l’œuf est apparu le premier, cela ressemble plus à une chicane de préau qu’à un véritable débat existentiel.

[Jackson Live @ Sonar 2013]

Jackson Fourgeaud, en faisant table rase sur sa scénographie, a-t-il fait table rase sur son style musical ? Oui, définitivement. Smash et Glow n’ont en commun que leur auteur. Et peut-être la claque qu’ils amènent à chaque écoute. Harmonique, dissonant, symphonique, « Glow est un jeu d’obsessions musicales et de plaisirs charnels », quelque chose de « vicieux », d’après son géniteur. Toujours en proie à des égarements philosophiques à la limite de l’absurde, Jackson devrait les douze morceaux de Glow à des « moments de révélation ». Qu’importe que cela soit vrai ou faux, la fin justifie les moyens. Et inversement.

[Seal – Glow]

On retrouve, au coin d’un Seal ou d’un Pump bien frais, cette réverbération lunaire, légendaire qui colle à la peau de l’américano-parigot. A ne plus savoir qu’en faire ? L’album serait enregistré dans une cave qu’on n’en serait guère dérangé. Jackson ne vous laisse pas le soin de juger si ça vous plait ou non, il s’en contrefous. Il est au-dessus de la masse. Il ne surfe pas sur la vague électronique, il est l’océan qui la contient. L’accessibilité ne le préoccupe que bien peu, et si vous êtes arrivés jusqu’à ses lignes, vous non plus.

 [Pump -- Glow]

Inutile de préciser que le travail avec les synthés est plus que brillant. La preuve par trois avec Arp #1, bombe dissonante qui était parue le 15 juillet dernier en guise de (beau) teasing à l’album ; Vista, ode métallo-symphonique lancée elle aussi dans l’arène de l’aguichage auditif quelques semaines en arrière ; Orgysteria, foutoir auditif qui caractérise à la perfection le trou noir à styles musicaux que constitue Jackson Fourgeaud. Autre point essentiel de l’album : la pop. L’artiste a déclaré à la très pompeuse Red Bull Music Academy qu’il s’était coupé du monde pendant ces huit années de silence. Isolé à Berlin, le trentenaire ne voulait « pas être au courant de ce qui était cool » dans la musique. Drôle d’endroit pour dire ça, certes, mais quoiqu’il en soit, Billy, à l’âme très Franz Ferdinand, sort dix ans trop tard, ou trente trop tôt. De même pour G.I. Jane, ainsi que pour la très planante Memory.

[G.I. Jane (Fill Me Up) -- Glow

En définitive, vous l’aurez compris, Glow ne se décrit pas, Glow ne se critique pas. Glow fait beaucoup de bruit, c’est certain. Ce qui l’est moins, c’est qu’il le fait pour rien.

4 wtfru

L’album Glow s’écoute en entier et gratuitement ici.


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