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La prostitution chinoise à Belleville

Par Plumesolidaire

 

Elles arpentent les trottoirs et l'esplanade centrale du boulevard de la Villette, et constituent un marqueur de l'identité de mon quartier.

A les croiser plusieurs fois par jour, je croyais les connaître toutes. De vue seulement.

Mais à y regarder de plus près, je découvre chaque semaine de nouvelles silhouettes.

Il y a quelques mois, en sortant d'une boutique chinoise qui voisine leurs petits commerces, j'avais estimé à plus d'une cinquantaine, celles qui faisaient la queue au cul du camion de Médecins du Monde.

Certaines d'entre elles n'ont pa vu de gynécologue depuis cinq ans et ne bénéficient d'aucune couverture maladie.

Selon leurs témoignages, le montant de l'emprunt pour venir s'installer sur 1m² de bitume devant ou au coin de la façade du siège social de la CFDT pa r tous les temps, s'élève à 15 000 euros auxquels s'ajoutent les intérêts. Crédit remboursable avec un revenu non déclaré pouvant atteindre 1 000 € par mois.

Les habitué(e)s de Plumeacide se souviennent peut-être que je suis marié avec une asiatique (Lire la série : En remontant le fleuve à sa source : 8 mois pour un passeport - 10), et que cette union sacrée dans sa durée est bien plus éloignée de la date médiane du siècle qui nous précède que celle qui ne manquera pas de venir dans le siècle présent.

Notre coutume depuis cet jour médian, veut que nous marchions main dans la main dans l'espace public.

Ce que je ressens des regards que certains passants nous jettent n'est pas sans susciter un frisson de malaise, quant à l'image qui pourrait s'imposer à leur esprit sur la nature la relation que peut avoir un babtou avec une niakoué, même dans nos âges.

Pour confirmer cette ambiguïté interlope, notre fille, majeure et vaccinée, s'est trouvée très heureuse de quitter enfin notre domicile pour s'installer dans ses propres appartements dans un autre quartier. Tant elle se sentait lasse, indisposée et humiliée, de se voir épisodiquement demander quels sont ces tarifs.

Je comprends mieux chaque jour pourquoi ma Digne Epouse désire si ardemment s'éloigner de cette si prospère activité grise de la pègre parisienne; qu'au moins une partie des asiatiques ressent encore comme un déshonneur jeté la face de l'Extrême Orient.

Je viens de relire rapidement le livre réaliste et polémique de Thierry Jonquet "Jours tranquilles à Belleville" paru en 1999, qui dresse un tableau apocalyptique de mon cadre de vie.

Disposant de son appartement à l'époque, d'une vue surplombante sur ce centre d'affaires sexuel en plein air, il n'en fait pas mention. Ni dans sa postface de 2003. Cette industrie qui jouit d'une croissance fulgurante se serait-elle développée à une date postérieure à mon arrivée en 2004 ?

A cette question j'ai trouvé une réponse plausible dans cet article antérieur : Les rétifs et les errants : fin de l'aventure du commerçant chinois - 2

"Tous originaires du Dongbei, la région sinistrée regroupant les trois provinces du nord-est de la Chine. Une population exclue du système clanique de Wenzhou qui se débrouille pour survivre. Les femmes deviennent des "marcheuses" comme on surnomme les prostitutées qui arpentent depuis 2003 le boulevard de la Villette (...)

Les plus entreprenantes se marrient à des retraités français qui servent de prête-nom pour ouvrir des salons de massage".

Je comprends à présent la signification du regard de certains passants.

Oui, je le reconnais, je pratique parfois des massages lombaires à ma femme à sa demande.

Mais j'en fais le serment sur la tête de nos enfants : je n'ai pas prêté mon nom à ma femme. Pas plus que je ne lui ai vendu à prix d'or.

Je le lui ai donné. 

Plume Solidaire


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