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Cahuzac condamné avant son procès

Publié le 20 mars 2013 par Juan
Le ministre du Budget a démissionné de ses fonctions mardi 19 mars 2013. L'information est tombée vers 17h. Il est remplacé par Bernard Cazeneuve, ancien ministre chargé des Relations européennes.
Assez rapidement, on pouvait lire ceci sur le compte twitter de Jean-Luc Mélenchon, un propos assez méprisable:
Le ministre de l'Europe est chargé du budget. La laisse est plus courte...
— Jean-Luc Mélenchon ! (@JLMelenchon) 19 mars 2013
Pouvions-nous, si tôt, quelques premières leçons ?
Sans doute.
1. Jérôme Cahuzac a démissionné sans attendre d'être mis en examen. Il a été démissionné à l'Elysée, trois heures après sa mise en cause par un communiqué du Parquet. Sarkozy avait mis 6 mois pour démissionner son ministre Woerth accusé de faits plus étayés. Qui dit mieux ? Il suit aussi une jurisprudence inaugurée sous le gouvernement de Lionel Jospin entre 1997 et 2002: un ministre mis en cause par la justice démissionne sans attendre le résultat des courses ni même sa mise en examen. Une jurisprudence qui avait été oubliée pendant la décennie suivante: certains ministres furent condamnés par la justice (Brice Hortefeux), ou accusés de la même sorte (Eric Woerth) sans démissionner avant de longs mois (Woerth, Tron, Joyandet, Blanc), voire jamais (Hortefeux).
2. A ceux qui braillaient contre une justice aux ordres, ou d'un étouffement de l'affaire, le parquet a fait la preuve de son indépendance. Le procureur François Molins, ancien directeur de cabinet de l'ex-Garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie, a déclenché cette démission. Il a requis, mardi 19 mars, l’ouverture d’une information judiciaire contre X, notamment pour blanchiment de fraude fiscale dans l’affaire concernant l'ancien ministre du budget. Aussitôt le communiqué du Parquet publié, le ministre a été démissionné par l'Elysée.
3. La confusion entre le rôle politique de Cahuzac et sa mise en accusation privée était une autre évidence de cette affaire. Quelque part à gauche, on sabrait le champagne. Pourquoi ? Parce que l'affaire était jugée comme une victoire politique. La confusion des genres était totale. Fallait-il rapprocher la chose de l'affaire Woerth ? Pour ceux-là sans conteste. Car Hollande était un ennemi politique aussi important et détestable que Sarkozy. Il fallait, mardi 19 mars, s'avouer mutuellement la chose.
4. Bizarrement, l'élégance vint de la droite. « Je ne suis pas là pour jeter la pierre. Je n'en dirais pas davantage» déclarait Christian Jacob, le président du groupe UMP à l'Assemblée. On a même pleuré parfois doublement. Les hommages à l'ancien ministre étaient attendus. Ils firent florès. Il y eut quelques blogueurs de droite pour expliquer, comme le Figaro, que c'était inévitable (et oui), ou pour regretter que d'autres ministres restaient encore en place: « Quand je vois que Cahuzac n'est plus ministre, mais qu'on garde Montebourg, Duflot, et surtout les consternants Arif et Lurel, il y a de quoi être écœuré » écrit ainsi Falconhill. Il ne fallait pas être dupe. A droite, les casseroles sont si nombreuses qu'on comprenait la prudence de ses supporteurs.
5. Mediapart n'a pas la victoire modeste: « Au terme d'une enquête préliminaire ouverte le 8 janvier, le parquet valide l'ensemble des informations publiées par Mediapart.» L'affirmation est juridiquement fausse mais Mediapart a médiatiquement raison. La formulation est ambigüe. Mais ne gâchons pas le plaisir des Rouletabille de l'investigation 2.0.  Mediapart a révélé que le ministre avait un compte en Suisse. Le Parquet de Paris a validé non pas les autres révélations du site, mais ses soupçons. Il suffisait de lire le communiqué de presse du procureur.
6. Que disait le procureur ? Primo, « l'enregistrement remis aux enquêteurs par Monsieur Michel GONELLE n'a subi aucune altération ou modification ». En d'autres termes, pas de trucage.Est-ce Cahuzac ? Oui, répond le Parquet. Ce dernier se réfugie enfin derrière quelques témoins - sans préciser leur nombre - pour affirmer « qu'il lui avait été rapporté que les sommes versées sur ce supposé compte proviendraient de laboratoires pharmaceutiques.» Enfin, le même Parquet explique qu'il va enquêter jusqu'à Singapour. Il ne dit rien d'autre. Rien d'autre.
L'ancien ministre clame son innocence. Il n'est pas mis en examen. La justice à ce stade n'a rien tranché. Quelques blogueurs et Twittos impeccables jouent aux petits Robespierre.
Cela pourrait être inquiétant s'ils comptaient un peu. Il n'en est rien.
Mais la France, finalement, fait peur.


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