C'est un constat que j'ai pu faire sans avoir pu réellement le mesurer, jusqu'à maintenant : la qualité des applications mobiles des institutions financières laisse souvent à désirer. Une grande étude réalisée par Capgemini et HP, auprès de plus de 1500 dirigeants d'entreprises dans le monde confirme (hélas !) cette impression.
Le diagnostic paraît même particulièrement alarmant, puisque, globalement, 31% seulement des organisations testeraient leurs applications mobiles. Dans les détails, le secteur des services financiers se situerait dans cette moyenne mais, petite lueur d'espoir, la répartition géographique donnerait un avantage à l'Europe de l'Ouest, pour laquelle le taux atteindrait 37%. Cette "performance" est vraisemblablement due à la maturité de la région en termes d'adoption, mais elle est tout de même loin d'être idéale.
Naturellement, le test des applications mobiles n'est pas un exercice facile. Il doit, en effet, non seulement faire face aux difficultés classiques de la qualité logicielle (notamment la réduction du temps qui lui est consacré quand les développements prennent du retard) mais il vient aussi s'y ajouter un certain nombre de spécificités qui compliquent encore la tâche.
L'analyse des principaux obstacles que soulignent les personnes interrogées (dans les organisations qui réalisent effectivement des tests) le confirme sans ambiguïté. Ainsi, le premier d'entre eux, cité dans presque 2 cas sur 3 (et même 72% dans les services financiers), est l'absence d'outillage adapté. Ce ne doit pas être une surprise puisque, par rapport à des domaines plus anciens (par exemple les applications web), les solutions d'assistance aux tests sont encore rares et relativement peu éprouvées.
Le deuxième problème rencontré (pour plus de la moitié des répondants) – le manque d'appareils (qui ressort souvent de mes observations personnelles) – est, lui aussi, étroitement associé au monde du mobile mais il dénote une problématique très différente. L'évolution rapide et la diversité du marché des smartphones est certes un défi nouveau pour les équipes d'assurance qualité, mais il semble indigne pour une grande entreprise de ne pas faire l'effort nécessaire pour rester en phase avec l'équipement de ses utilisateurs.
Les autres difficultés majeures signalées (absence de méthode et rareté des experts) sont certainement dues à la nouveauté du domaine pour les spécialistes de la qualité, qui fait que les bonnes pratiques ne sont pas encore bien établies ni très répandues. Point de solution miracle à attendre dans ce cas, l'expérience se construira avec le temps.
Un autre enseignement intéressant de l'enquête de Capgemini est que les priorités assignées aux tests des applications mobiles sont également spécifiques : ce sont les exigences d'efficacité et de performance (en particulier par rapport au réseau) qui dominent les préoccupations plutôt que la couverture fonctionnelle. Les auteurs justifient cette inversion par les attentes supposées des utilisateurs, qui seraient moins sensibles aux dysfonctionnements pour autant que la rapidité d'utilisation soit au rendez-vous. A voir les commentaires publiés sur les AppStores, je ne suis pas certain que cet argument soit tout à fait pertinent...
Si les problématiques de compatibilité et de portabilité sont logiquement en bonne position des priorités, la sécurité se retrouve très mal placée, avec une moyenne de 18% des réponses. L'explication serait à chercher dans un déplacement des protections du mobile vers le Système d'Information de l'entreprise, en raison de la perte totale de contrôle sur le terminal. Là encore, je pense qu'il faut se méfier des tendances excessives. La sécurisation des informations est un enjeu majeur qui ne tolèrera aucune approximation.
En synthèse, la qualité des applications mobiles est dangereusement négligée par beaucoup trop d'organisations, qui prennent, de ce fait, d'immenses risques avec leur image, surtout lorsqu'elles ciblent leur clientèle. En dépit de l'immaturité des méthodes et de l'outillage, il devient urgent d'explorer les multiples solutions disponibles (services externalisés, batteries de terminaux "virtualisés", logiciels d'automatisation...) pour commencer à industrialiser les tests.