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Guerre du Viêtnam : L'enfer du soldat américain

Par Theatrum Belli @TheatrumBelli

C’est le cliché classique répandu par les films, de Platoon à Hamburger Hill en passant par Full Metal Jacket… Mais c’est une  image réductrice et trompeuse. En fait, l’immense majorité des soldats américains n’a rien vu de la guerre, ni tiré un coup de fusil.

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Si l’on en croit l’historienne Meredith Lair*, seuls 10 à 25% des troupes engagées ont réellement combattu, selon les périodes. Au plus fort de la guerre, debut 1968, 40.000 des 525.000 soldats présents au Sud-Viêtnam sont des fusiliers, soit 7,6%. En 1972, la proportion tombe à 2.400 combattants réels sur 49.000 (4,8%). Ce grand écart, causé par le goût américain pour la logistique et le bien-être, engendre une guerre à double vitesse.

D’un côté, les grunts ("grognards du front") : paras, fantassins de l’Air Cav ou marines dont l’action est démultipliée par l’hélicoptère et qui, employés à outrance plus de 200 jours par an, subissent de lourdes pertes. Les équipages d’hélicoptère, particulièrement exposés, représentent 10% des tués ! De l’autre côté de la barrière prolifèrent les Remfs (Rear Echelon Motherfuckers, "enculés de l’arrère") dont la vie s’écoule sur d’immenses bases closes au luxe insolent. Celle de Long Binh offre, en juillet 1971, 814 terrains de basket, 64 de volley-ball, trois de football, 12 piscines, deux minigolfs, trois bibliothèques, un grand amphi pour spectacles et même une piste de go-kart (avec son ambulance). Pour les 60.000 pensionnaires de Long Binh, l’enfer, c’est le climatiseur en panne ou la chaude-pisse contractée au bordel. Et quand ils s’aventurent sur le terrain, on les remercie de ne pas employer de M16 (ce qui n’empêche 944 cas "d’homicides involontaires"). Pafois, une incursion du Viêt-cong ou un obus de mortier lancé au hasard tue un malchanceux. Mais le risque très majoritaire encouru par les chairborne troops  ("troupes chaisoportées") est l’accident de la route (1.187 tués) et la déprime (382 suicides). 10.787 morts au Viêtnam – soit 18,5% du total – n’ont rien à voir avec le combat.

Patrick GRUMBERG 

* Armes with Abundance. Consumerism ans Soldiering in the Vietnam War, UNC Press, 2011.

Retrouver les "20 idées fausses sur la guerre du Viêtnam" dans l'excellent numéro de Guerres & Histoire de juillet-août 2012 (toujours en kiosque)


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