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Louis Cornellier critique le livre de Maurice Tubiana: « Arrêtons d’avoir peur !
 »

Publié le 18 août 2012 par Donquichotte

Je viens de lire un article de Louis Cornellier qui critique Arrêtons d’avoir peur !
 du Professeur Maurice Tubiana, 
Michel Lafon,
 Île de La Jatte, 2012, 256 pages

Il introduit ainsi son article : « Mon grand-père maternel faisait confiance à la vie et à ses contemporains. Il n’hésitait jamais à utiliser un nouveau produit mis en marché. « Si c’était dangereux, disait-il simplement, ils n’en vendraient pas. » Il mangeait de tout sans crainte de s’empoisonner ou de développer un cancer. Il est mort, il y a quelques années, à 87 ans. 

Son attitude, aujourd’hui, passerait pour de l’inconscience. La lucidité, de nos jours, s’exprime plutôt sur le ton de la crainte ».

Cette lecture m’aurait laissé, non pas indifférent (je lis avec intérêt les critiques de livres de Cornellier) mais disons un peu apathique puisque cette question de la peur, celle que j’observe chez mes concitoyens, m’obsède au sens où je la vois tous les jours, disons que je la devine le plus souvent, et surtout que je ne me l’explique toujours pas très bien...

Mais voilà, cet après-midi, j’ai vécu quelque chose. 

Mais de quoi a-t-on peur ?

Qu’est-ce que la peur ?

Avoir peur ; mais pourquoi a-t-on peur ?

ET, surtout, qui a peur de quoi ? De quelle peur s’agit-il ?

J’ai vécu une drôle d’expérience cette après-midi. Dans le parking d’un Super U, un type allait devant, et sa femme et sa gosse le suivait à, disons, 8 mètres derrière. En vue autour ? RIEN. Pas une auto, ni devant, ni derrière, ni sur les côtés ; bref rien qui allait expliquer le cri du père.

En fait, c’est tout simple, l’histoire est la suivante : la mère a relâché la main du gosse qui, de toute évidence, (nous suivions la mère et l’enfant, nous dirigeant vers notre auto ; donc bien placés pour observer la scène) voulait rejoindre son père à quelques mètres plus loin. C’est alors que le père crie au gosse de ne pas bouger, et à la mère de ne pas le lâcher ; c’est déjà trop tard, l’enfant se dirige, tout doucement, nullement à la course, vers le père. Celui-ci n’a d’autres mots que d’engueuler la mère qui a laissé ainsi partir l’enfant. Je suis sidéré.

Pourquoi ? Je ne comprends pas, je vois bien la situation, je peux imaginer qu’un danger est toujours là, celui de voir l’enfant heurté par un véhicule qui sortirait de son emplacement, et que l’on n’aurait pas vu venir... bref, je vois bien que le père a un réflexe « peur pour l’enfant ». Je ne vois rien d’autre. Mais je crois bien que la peur est dans sa tête, et nulle part ailleurs. J’ai eu des enfants, j’ai de petits enfants, je vais souvent au marché, je fréquente des parkings assez souvent, je suis un père et grand-père attentif aux dangers et déboires divers qui menacent, ou simplement peuvent toucher, l’enfant qui « marcherait-seul-vers-son-père-sans-la–main-attachée-à-la-mère ».

Mais son réflexe (le père) est si disproportionné par rapport au danger réel que courait l’enfant que je me dis : « qu’est-ce que, mon cher Robert, tu n’as pas compris dans cet épisode qui vient de se dérouler devant toi » ? Je demande à ma femme. Elle comprend bien que le père est nerveux, sans doute, peut-être stressé pour une raison que nous ignorons, en rogne contre sa femme dans les minutes qui ont précédé, mais, comme moi, elle voit que la parole du père envers sa femme, et la querelle qui a suivi entre les deux époux, est hors de proportion avec ce qui se passait. Un gosse va vers son père sur une distance de 8 mètres, sans parent qui lui tienne la main, mais avec prudence (le gosse marchait), et, il faut bien le dire, nul menace apparente envers le petit.

Alors je reprends ma question ainsi. Pourquoi tant d’émoi chez le père ?

Je reviens à cet article de Cornellier sur la PEUR.

Les gens ont si peur de tout, et devrais-je ajouter, de rien, que rien ne peut être laissé « être » sans équivoque, sans « explications », sans « mesures de prudences de base ». J’observe alors, et si souvent d’ailleurs, que, dans cette société d’aujourd’hui, tout doit être contrôlé.

Étions-nous si insouciants à notre époque (j’ai 67 ans, et j’avais des enfants de cet âge il y a déjà 40 ans), ou étions-nous plus simples, plus facilitants, plus « loin » de nos enfants (j’entends ainsi que l’enfant pouvait folâtrer plus facilement autour de nous, sans trop trop de surveillance, et que nous pouvions nous fier au comportement de l’enfant, compte tenu d’un minimum de règles que nous avions convenues avec celui-ci) ; dans ce dernier cas (« plus loin » de nos enfants : cela, je me le reproche parfois) ? Ou, tout simplement, étions-nous des parents plus insouciants ? Ou plus inconscients, comme le dit Monsieur Cornellier à propos de son père?

Ou le MONDE a-t-il changé à ce point que les parents ne peuvent baisser la garde, en aucun moment, et qu’ils doivent impérativement prévenir tout danger quel qu’il soit ? La lucidité comme le dit Cornellier, s’exprimant « plutôt sur le ton de la crainte ». Alors, qu’est-ce qu’être lucide ? Et avons-nous raison d’avoir peur si c’est cela être lucide ?

Je reprends mon propos: pour moi, avoir peur de tout n’a aucun sens. Avoir peur de tout parce que les media et les scientifiques, avec preuves à l’appui, nous indiquent clairement les dangers (des OGM, du DDT, des causes connues du cancer, de la malaria, du sida, de la vache folle, de la fonte des glaciers, de la baisse de la biodiversité, de la disparition des espèces, de l’énergie nucléaire...) a un certain sens. Mais il ne faut pas crier à la catastrophe à la moindre indication d’un danger plausible.
Voilà, il y a des dangers qui guettent notre planète (elle est presque foutue, quant à moi), et ils sont réels, et bien sûr, bien documentés. Voilà : même si sans doute je ne lirai jamais ce livre de Tubiana, je comprends que le MONDE est en danger ; je comprends mal toutefois que ce Tubiana fasse ce que Cornellier appelle des « généralisations hâtives », ou plus simplement, qu’il laisse de côté des démonstrations pourtant si convaincantes des gens de science. S’agit-il d’un peu de mauvaise foi, peut-être, comme celle de C. Allègre ? Je ne sais pas. Mais mon propos n’est pas de discuter science ; mais plutôt de discuter « PEUR ».

Voilà, je m’éloigne sans doute de cet article de Cornellier, et de ce livre de Tubiana, mais je sais (je crois savoir) que le monde a peur. J’observe cela tous les jours : tant lors de mes sorties, - je le vois dans les comportements des gens, dans les regards apeurés que je devine - que lorsque je lis des textes (lettres de lecteurs ou propos de littéraires, ou de politiciens, ou de...) dans les journaux, ou sur le Net, ou encore lorsque je discute avec des gens, des amis très souvent, qui ont à ce point en tête le « sacro-saint principe de précaution » (ou son équivalent psychologique) qu’ils n’osent plus agir.

J’ai ce profond sentiment que le MONDE marche la peur au ventre. Et ce n’est pas la peur du cancer, ni de l’énergie nucléaire, ni de la fonte des glaces... c’est, mon sentiment, la peur de la MORT, tout simplement. L’homme d’aujourd’hui a cette quasi certitude qu’il peut vivre indéfiniment, grâce à la science, et il a cette certitude enfouie si profondément en lui qu’il n’a pas d’autre option que d’avoir peur parce qu’intérieurement il sait bien d’autre part que tout cela est fantaisie, et que du cinéma.

La conclusion de l’article de Cornellier tient la route ; il faut parler d’éducation, il faut faire de l’éducation pour tous le letmotiv de base d’une société qui voudrait éloigner la peur de ses préoccupations quotidiennes. Et je n’entends pas qu’éducation scientifique, j’entends « toute éducation » qui vise à rendre l’homme plus conscient, plus humain, plus drôle surtout, c’est certain.

Oui, putain qu’on a peur dans ce MONDE d’aujourd’hui.

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