Magazine Santé

Marées vertes : les évidences scientifiques et les solutions

Publié le 22 mars 2008 par Pierre Cuzon
Par Alain Menesguen Directeur de Recherches à l’IFREMER

Le Café des sciences est gratuit et ouvert à tous.

Le café des sciences du pays de Morlaix participe à la semaine du développement durable, initiative nationale soutenue par le Conseil régional de Bretagne et l’ADEME du 1 au 7 avril prochain. Dans une démarche partenariale, le Pays de Morlaix propose un programme d’animations sur toute la semaine préparé avec plusieurs acteurs du territoire.

Pour une communication pédagogique et incitative, objectif de la semaine du développement durable, le café des sciences du pays de Morlaix propose un thème s’incrivant dans l’axe « alimentation, santé et bien être dans le Pays de Morlaix ».

Le thème des marées vertes est le plus sollicité depuis la création du café des sciences et se devait d’être traité. Il est destiné à tous les acteurs de la filière production consommation, ainsi qu’à ceux qui en supportent les désagréments, afin de connaître les enjeux et les perspectives d’engagement dans la voie du développement durable pour les générations actuelles et futures. Notre initiative vient d’être sélectionnée par Le ministère de l‘Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables.

Les organisateurs s’appliqueront à donner une information scientifique des causes et conséquences des marées vertes et souhaitent un débat constructif des participants afin que chacun puisse comprendre et participer collectivement à la recherche de solutions.

Le 15e Café des sciences, accueilli par Eric Mazire, au café « Les Embruns» à Ténérez, traite d’un problème particulièrement aigu dans le pays. Il a pour titre : « Marées vertes, les évidences scientifiques et les solutions ».

Depuis 35 ans, un nombre croissant de plages et d'anses de la côte bretonne sont envahies du printemps à l'automne par une prolifération de macroalgues vertes (ulves libres, entéromorphes fixées). Ce cas typique d’ enrichissement excessif ou eutrophisation, étudié en baies de Saint-Brieuc, de Lannion, de Douarnenez et en Rade de Brest, a pu être expliqué par la conjonction d'un confinement naturel de masses d'eau peu profondes et d'un enrichissement récent de ces dernières en nitrate. Dans les sites naturellement confinés, les mesures de biomasse estivale sur le terrain ont montré une bonne corrélation avec les apports printaniers et estivaux de nitrate par les rivières. Par exemple, alors que l'année sèche 2003 fut peu favorable aux marées vertes, 2007 a montré une recrudescence exceptionnelle des marées vertes en automne en raison des pluies fréquentes durant l'été. Les modèles mathématiques de l’Ifremer montrent que la seule manière de diminuer la biomasse d’ulves sur les plages est de réduire les apports de nitrate d'origine agricole. Dans les sites les plus sensibles, il faudrait pour cela ramener la concentration en nitrate dans les rivières de 30 mg/L à moins de 10 mg/L, ce qui constitue un véritable défi pour la société. Il y a un siècle, cette concentration ne devait pas dépasser 3 ou 4 mg/L.

Le conférencier Alain Menesguen est Directeur de recherches au « Département dynamiques de l’environnement côtier » du laboratoire d’écologie benthique de l’IFREMER , centre de Brest.


Retour à La Une de Logo Paperblog

LES COMMENTAIRES (3)

Par REGINE
posté le 12 novembre à 10:08
Signaler un abus

Dès que j'arrive en Bretagne, au péage de Vitré, je sens la puanteur du lisier : ce n'était pas comme cela il y a dix ans donc ils ont encore augmenté les effectifs dans les élevages de cochons. En plus, je vois un beau panneau du Conseil Régional : BRETAGNE EAU PURE. Là, les préfets se foutent du monde car chacun sait que l'eau en Bretagne est bourrée de nitrates et que ces nitrates vont à la mer par les ruisseaux et fabriquent des centaines de tonnes d'algues vertes. C'est prouvé depuis quinze ans mais l'Administration ne voulait pas l'admettre. Il faut absolument arrêter ce phénomène en stoppant l'augmentation des cochons et même en réduisant le cheptel. Seul le Préfet peut le décider. Les élus en général n'y peuvent rien. J'espère que la mission algues vertes arrivera arrivera à régler ce problème au besoin avec des sanctions contre les éleveurs qui ont le double de l'effectif prévu.

Régine

Par MICHEL GUEGUEN
posté le 26 octobre à 10:03
Signaler un abus

L'idee est interessante, mais je ne connais pas de pluies acides en Bretagne; ces pluies se forment a partir du SO2 des usines ou des fumées de diesel contenant 2 % de soufre; c' est l'acide sulfurique qui ronge le calcaire , mais pas le granite ; enfin l'oxydation de NH3 en NO3- demande une energie consequente. J' attends donc des preuves de ces pluies acides a partir de NH3 MIchel GUEGUEN

Par dinocras
posté le 12 août à 19:00
Signaler un abus

Nous sommes une entreprise de Bourgogne, et nous travaillons pourtant pour les élevages de porcs bretons. Notre démarche est strictement scientifique et nous constatons depuis notre venue dans cette Région (à la demande de la COOP LE GOUESSANT, qui semble (?) la seule à vouloir réellement changer quelques pratiques déplorables, plusieurs carences alarmantes.

1) L’absence de critère scientifique pris en compte dans la démarche de l'Administration et de ses agents (ce n’est d’ailleurs pas son rôle). 2) la méconnaissance volontaire ou non des décideurs, de la qualité des déjections animales et de leur devenir dans la Nature (les nitrates certes; les phosphates certes encore .... mais pourquoi sont-ils là ? ni les cochons ni les poulets ne rejettent de nitrates) 3) certaines pratiques d’influence commerciale, basées sur des habitudes prises depuis des années, qui engagent les éleveurs à s'équiper de systèmes dits de dépollution, conformes à la règle mais bien peu performants et chers, et, on le voit, parfaitement inefficaces pour les algues.

En très rapide, mais le problème est complexe, malheureusement, il se passe les choses suivantes.

La production porcine bretonne est finalement assez mal connue et on estime entre 10 et 20 millions de m3 la quantité de lisier produite sur la Région Bretagne. Chaque m3 de lisier contient en moyenne 4 kg d'azote (Source : ITP) soit une excrétion azotée porcine comprise entre 40 000 et 80 000 tonnes de N chaque année.

Or, le cochon, comme l'homme, excrète l'azote sous forme d'urée CO (NH2)2 . Pas trace de nitrates ni d'ammoniac dans les excrétions porcines donc, et c'est fondamental. Cependant l'urée est instable dans le milieu naturel, et aux contact avec le sol ou les matières fécales (ce qui survient fatalement dans tous les élevages bretons et autres), l'urée s'hydrolyse en NH4+ et CO3--. Cette réaction est impossible à éviter, totalement naturelle et enzymatique, elle persiste jusqu'à la disparition totale de l'urée.

L'ammoniaque (NH4) se forme donc dans les salles d'élevage (odeurs), dans le lisier (bassins de stockage) et non "dans" le porc. Dans ces conditions il est clair qu'au bout de quelques semaines (la réaction dépend de la température = optimum 35°C) tout l'azote excrété par le porc se retrouve sous forme ammoniacale si on laisse faire les choses (cas actuel malheureusement). D'ailleurs vous entendez souvent parler ou vous lisez que le lisier contient de l'ammoniaque sans savoir comment il se forme .... un cochon qui rejetterait de l'ammoniaque est un cochon mort !!! Il faut savoir au moins ça quand on veut se mêler de traiter les déjections.

Le problème des marées vertes commence à poindre à ce moment : Cet ammoniaque stocké a tendance à se volatiliser dans l'air, et il le fait allègrement, aidé en cela par la présence des carbonates (CO3) issus de la destruction de l'urée. Les carbonates alcalinisent le lisier et provoquent le dégagement dans l'air de gaz ammoniac NH3. L'hydrolyse de l'urée produisant 2 NH4 pour un carbonate, il est clair que la moitié (1 NH4 sur deux) de l'azote va se volatiliser dans l'air sous forme de NH3 grâce au carbonate. De nombreuses études, menées pourtant dans d'autres buts, révèlent cette disparition d'une partie de l'azote (CORPEN, IFP, et de nombreuses publications scientifiques étrangères) la moitié seulement de l'azote produit par un porc retourne au sol (épandage avec ou sans traitement) .... bien, mais on oublie de dire que l'autre moitié est dans l'air sous forme d'ammoniac !!!

L'Administration considère, de fait, cette volatilisation comme un traitement du lisier éliminant l'azote !! Certes le lisier a perdu la moitié de son azote et tout le monde est content .... et les coûteuses voire peu utiles, stations d'épuration (qui fabriquent essentiellement des nitrates) de lisier n'y sont pour rien. Cependant cet ammoniac atmosphérique est rapidement oxydé dans l'air humide breton, et retombe en nitrates sur l'ensemble de la région au gré des précipitations et des vents, en plus, cette oxydation produisant un proton, l'ammoniac acidifie les pluies .... tous les calvaires bretons sont là pour le prouver, plus attaqués depuis 40 ans que lors des quatre siècles précédents (la réaction chimique est facile à écrire et incontestable).

Cette pollution diffuse est gigantesque, vu la concentration en porcs de la Région Bretagne. Nous avons dit que l'excrétion azotée était comprise entre 40 et 80 000 tonnes de N par an en Bretagne. La moitié de l'azote étant volatilisée sous forme d'ammoniac (on peut facilement le démontrer, et les odeurs "bretonnes" ne peuvent être écartées, de même que les pluies acides) soit de 20 à 40 000 tonnes de N volatilisé chaque année.

Or une tonne de N équivalant à 4,427 tonnes de nitrates (NO3), entre 88 500 et 177 000 tonnes de nitrates retombent annuellement et par la pluie, sur la Bretagne du simple fait, naturel, de la volatilisation de l'azote ammoniacal au niveau des élevages. Bien entendu ces sels azotés sont drainés vers les cours d'eau et finalement vers la mer.

Et si vous avez les données pour comptabiliser les charges azotées des déjections des volailles (20 fois plus concentrées en azote que les déjections de porcs) vous arriverez à des quantités de nitrates atmosphériques dépassant 200 000 tonnes par an. Les volailles ne rejettent pourtant pas d'urée mais de l'acide urique .... or le compostage des fientes provoque une attaque bactériologique de l'acide urique qui volatilise cette fois l'azote sous forme ammoniacale. Le compostage aéré des fientes de volailles est donc une aberration écologique comme celle du lisier d'ailleurs. Plusieurs compostages de fientes ont d'ailleurs été stoppés par l'Administration (à cause des odeurs essentiellement).

Dans ces conditions, il est difficile de reprocher aux éleveurs, d'appliquer les recommandations d'une Administration totalement rigide et bloquée à coté de la réalité scientifique. La solution serait d'empêcher la formation d'ammoniac ou de capter l'ammoniac avant qu'il ne parte dans l'air.... Cette procédure est techniquement très possible, donne de bons résultats, s'avère peu chère et rentable : le terreau "TERRE DE BRETAGNE" vendu chez LECLERC est un exemple de valorisation des lisiers sans production ni d'ammoniac ni de nitrates ni de mauvaises odeurs.

Il faut savoir qu'il est désormais assez facile de rendre un élevage de porcs inoffensif pour l'Environnement et l'exploiter sans qu'il produise ni nitrates, ni ammoniac, ni phosphates .... mais je ne vais pas faire ici de démonstration; il existe un élevage à PLOUIGNEAU (29) qui pratique cette technique et qui gagne de l'argent avec .... et sans polluer, ni l'air, ni l'eau.

Les élevages (porcs et volailles) sont certes à la base des problèmes de marées vertes, mais l'Administration qui applique les Lois avec son interprétation discutable mais confortable, est responsable par conséquence et de fait, de ce phénomène.

Toutes les stations d'épurations nitrif-dénitrif de lisier (clones des stations d’épuration d’eaux usées urbaines alors que le règlement d’assainissement de tous les départements français interdit le déversement des lisiers dans les égouts et les stations des villes) ne serviront jamais traiter le problème de l’azote et encore moins des nitrates si la volatilisation de l'azote n'est pas prise en compte et stoppée. Voire la filière entière de traitement des déjections animales devra être entièrement revue et adaptée aux problèmes environnementaux particulièrement graves en Bretagne.

Nous nous tenons à votre disposition pour vous en dire plus et avancer dans le domaine de la résorption des causes des marées vertes. mais la solution de ce problème ne peut survenir désormais qu'à long terme.

Meilleures salutations

A propos de l’auteur


Pierre Cuzon 141 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines