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Graver avec Dennis, la technique de la linogravure en quelques mots…

Publié le 19 juin 2012 par Artsdaustralie

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Dennis Nona, "Ulalai Dogai", linogravure, 150 x 67 cm, 2007

La plupart des insulaires du Détroit de Torres apprenaient à tailler le bois dès leur plus jeune âge. Ces compétences étaient traditionnellement employées pour décorer et façonner les attributs cérémoniels, les coques de canoë, les tambours, les armes, les objets utilitaires et les éléments de parure.
Cela explique en partie pourquoi l’art des insulaires du Détroit de Torres s’appuie en général sur la taille du bois, et pourquoi la gravure et la sculpture y sont plus représentées que la peinture.
Dennis Nona ne fait pas exception à la règle : il a lui aussi acquis, développé et affiné ce talent qu’il emploie désormais sur le linoleum et sur d’autres matériaux pour produire des gravures et des oeuvres en trois dimensions d’une beauté et d’une complexité admirables.
L’artiste ne produit qu’une esquisse rudimentaire sur le lino avant de le découper. Il commence à un bout du bloc puis avance en suivant l’idée qu’il se fait du résultat final, et le résultat est toujours une composition parfaitement harmonieuse et équilibrée.
Il travaille souvent la nuit, selon lui le meilleur moment pour invoquer l’esprit de ses ancêtres qui guident ses mains, lui révèlent formes et images et la manière de les agencer au sein de ces motifs complexes qui sont sa marque distinctive.
La linogravure est un art qui ne pardonne pas. En cas de glissement du burin ou d’erreur de composition, on ne peut pas revenir en arrière. Il est donc d’autant plus étonnant que l’artiste puisse composer et exécuter des oeuvres aussi détaillées, aussi grandes et complexes.
Dennis Nona est un pionnier de la technique de linogravure très détaillée qui est spécifique aux îles du Détroit de Torres. Il évoque, sous une forme visuelle très vivante, les antiques mythes et légendes de son île et, plus largement, du Détroit de Torres, mythologie qui se transmettait jusque-là par les récits oraux et par les danses.
Dennis Nona recourt à un mode de narration plus graphique. Au lieu de s’appuyer sur une seule image comme celle de l’art traditionnel des insulaires du Détroit de Torres, il en associe plusieurs, suivant la pratique des artistes aborigènes du continent australien. Il peut ainsi relater toute une histoire dans une seule oeuvre, avec tous ses personnages et toutes leurs aventures. Pour relier visuellement les récits les plus longs et les plus complexes de cette région, l’artiste travaille sur une échelle monumentale, comme par exemple dans sa linogravure Yawarr (6 mètres par 1m20).
Selon Roger Butler, conservateur des gravures australiennes à la National Gallery of Australia, l’oeuvre de Dennis Nona illustre la tendance qu’ont les artistes à explorer les aspects les plus physiques du processus de gravure au lieu de se contenter des processus numériques instantanés. « Dennis Nona prend un rouleau de linoleum, une gouge très aiguisée et il découpe ces petites lignes d’une finesse incroyable… Cela nous ramène vraiment aux procédés d’un artiste de la Renaissance allemande comme Dürer, une technique simple qui produit des images très complexes ».

Arts d’Australie • Stéphane Jacob - expert en art aborigène - signataire de la charte d’éthique australienne Indigenous Art Code


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