Magazine Humeur

Le nouvel ordre politique en France

Publié le 18 juin 2012 par Thelynx

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Depuis quelques temps traîne comme une odeur nauséabonde dans cette campagne électorale. On entend ici et là une petite musique malsaine émise par la droite. Qu'il s'agisse des responsables politiques ou de tous les petits perroquets qui répètent inlassablement les ritournelles de leurs maîtres à penser :

« Il n’y a n'y a rien de choquant à ce que l'UMP fasse alliance avec le FN puisque le PS n’a aucun scrupule à faire alliance avec l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon », expliquait Jean-François Copé lui-même ce matin.

Ce raisonnement spécieux est devenu l'élément de langage obligé de la droite pour ces législatives. Et depuis plusieurs jours, sans doute pour faire peur, selon leur habitude, les divers responsables du parti multiplient les équivalences entre l'extrême gauche et l'extrême droite sans faire la moindre différence entre les deux. Plus fort encore, ils n'hésitent pas à mettre le FN et le PS sur le même plan...

Ces équivalences entre FN, Front de gauche et PS interpellent. Toute la droite fait une campagne sur une équivalence entre le Parti communiste, le Front de gauche et le Front national.  La confusion intellectuelle et la perte de mémoire (volontaire ?) ne peut qu'apporter bêtise et réactions violents.

Le Parti communiste en France, est un parti démocrate et républicain. Oui, on connait le grand argument de la droite qui martèle mécaniquement "oui mais ils ne sont républicains que depuis 1941, parce qu'avant..."

Ils ont raison... à ceci près que les communistes en question ont eut l'intelligence d'évoluer et de changer, ce que beaucoup de ceux qui pratiquent ce genre d'amalgame ne sont manifestement pas capables de faire.

Cette volontaire confusion manipulée par la droite est inquiétante, et l'équivalence entre le FN et le PS encore d'avantage. Surtout quand on n'hésite pas à frayer soi-même avec le diable...

 

Il semblerait que la «lépenisation des esprits» par la dédiabolisation du parti souhaitée par Marine Le Pen ait parfaitement fonctionné sur les électeurs et les responsables de la droite dite républicaine. Et ce n'est sans doute qu'un début !

 

Si les discours employés par les deux leaders du Front national et du Front de Gauche sont populistes, leurs valeurs, leur conception fondamentale de la République et la place de l'homme sont radicalement différentes. La vision du système politique faite par les deux partis n'a, là aussi, que peu de rapport.

Rejet du front républicain de l'UMP au profit d'un "ni-ni" renvoyant dos à dos le Parti Socialiste et le Front National.

Accords locaux UMP-FN de désistement réciproque (Arles, Carpentras, Pyrénnés Orientales...)

Hymnes aux valeurs communes UMP-FN, vantées de Maryse Joissains-Masini, la joyeuse maire d'Aix en Provence, à Nadine Morano qu'on ne présente plus...

Des appels UMP-FN à faire barrage à la gauche qui se multiiplient.

Il ne s'agit pas là d'une simple tactique électorale, c'est un processus structurel de fond qui mène à une alliance populiste, voire à une fusion pure et simple entre le FN et l'UMP.

Ce processus se déploie en trois étapes :

 Première étape : la convergence idéologique UMPFN.

Elle vient de loin. C'est le Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne et le Club de l'Horloge qui, dès les années 1970, théorisent les éléments idéologiques de la convergence. Ce travail est ensuite relayé dans l'espace public par des auteurs à plus large audience (Xavier Raufer, Jean Raspail, Maurice G. Dantec, Michel Houellebecq...) et désormais à grande échelle dans les médias par de nombreux éditorialistes comme Ivan Rioufol, Eric Zemmour ou Elisabeth Lévy.

Ce rapprochement intellectuel trouve sa traduction dans l'espace politique. D'un côté, sous l'impulsion de son leader, Marine Le Pen, il y a l'émergence d'un nouveau FN "normalisé". Celui de Jean-Marie Le Pen était infréquentable, à relents néonazis et nostalgie vichyste. Le FN de Marine Le Pen cherche à se banaliser. La façade s'est mise aux normes républicaines : fini les dérapages racistes, les allusions nauséabondes à la seconde guerre mondiale.

Conséquence : ceux qui n'osaient pas voter pour le FN sulfureux du père ont moins de complexes à voter pour le FN new-look de la fille.

Mais c'est l'UMP qui fait, sur le fond, l'essentiel du chemin de la convergence. Le sarkozysme a déplacé le centre de gravité de la droite, qui était au centre droit avec le gaullisme social du RPR et les chrétiens-démocrates de l'UDF, vers une droite beaucoup plus radicale.

La désignation de coupables (toujours l'autre, et si possible un peu basané) est le ciment idéologique de l'axe UMPFN. Il y a la version hard avec la xénophobie du FN. Si le fond de sauce lepéniste s'est "modernisé" en passant de l'antisémitisme au rejet de l'islam, ses ressorts n'ont pas changé : défense de l'identité nationale, rejet de l'étranger, de l'immigration... Mais aussi la "cinquième colonne", hier les juifs aujourd'hui les Français musulmans, qui diluent l'identité nationale dans un mondialisme délétère.

Et il y a la version "soft" de l'UMP radicalisée avec la recherche systématique de coupables, de boucs émissaires à désigner à la vindicte collective. Il y a toujours les bons citoyens à protéger et les mauvais à bannir hors de la communauté nationale. Il y a les jeunes "fainéants", la "racaille" de banlieue, les "monstres" délinquants, les Roms qui sont des voleurs, les "assistés" qui abusent du système au détriment de "la France qui se lève tôt", ceux qui font un "vrai travail"...

Mais la figure de l'autre est avant tout, comme pour le FN, l'immigré, et plus encore le Français d'origine musulmane qui menace notre mode de vie. Quick halal, burqa, piscines réservées aux femmes voilées, prières de rue, minarets qui agressent les paysages "français" : tout y passe, jusqu'au marqueur ultime du FN, le "racisme antifrançais" des musulmans, avancé dans les discours de l'entre-deux-tours de la présidentielle, à Strasbourg et Toulouse, par Nicolas Sarkozy.

Deuxième étape : la convergence humaine.

Elle se fait par la base, par le biais de la blogosphère. Le blog du député Christian Vanneste, les sites de la mouvance traditionaliste catholique, les sites islamophobes comme Gaullisme.biz ou Insolent.fr et surtout François Desouche et Riposte laïque servent d'agora virtuelle pour les échanges entre militants et sympathisants UMP et FN. L'agence de presse d'extrême droite Novopress valorise les prises de position des députés UMP radicaux. En sens inverse, le site 24heuresactu, animé par des militants UMP, affiche sa sympathie récurrente pour Mme Le Pen.

Ces milliers de militants radicaux essaiment ensuite sur le Net. Ils sont sur les forums de jeux vidéo à la pêche aux jeunes, pourchassent sur Doctissimo.fr les femmes au foyer et, surtout, investissent les commentaires des grands médias, Figaro.fr en tête. Ils sortent sur le terrain, avec les "apéros saucisson géants" et les Assises de l'islamisation, organisés par Riposte laïque. Les premiers meetings communs UMPFN. Ce travail militant a achevé de convaincre les électeurs. Le taux de report des voix frontistes sur Nicolas Sarkozy a atteint 70 % au second tour de la présidentielle. Et 67 % des électeurs UMP se disent favorables à une alliance électorale avec le FN.

Dernière étape : la convergence institutionnelle.

Côté FN, Marine Le Pen réfute officiellement toute idée d'alliance mais elle a créé un microparti, le SIEL (Souveraineté, indépendance et libertés), qui propose de "former avec le FN et les partis qui le voudront un pôle de rassemblement à vocation majoritaire".

Côté UMP, deux courants servent de pointe avancée : la Droite populaire, fondée en 2010 par Thierry Mariani et Lionnel Luca, forte de 35 députés, qui incarne l'aile droitière de l'UMP sur les valeurs et le pousse vers l'islamophobie ; et la mal nommée Droite sociale de Laurent Wauquiez, qui agite l'assistanat comme le "cancer de la société française".

Convergences idéologiques, humaine, institutionnelle. L'axe UMPFN paraît inéluctable. Ce n'est pas une spécificité française. Partout en Europe, face à la montée des partis populistes, chaque fois que la droite de gouvernement a été mise en demeure de choisir entre perdre le pouvoir ou faire alliance, elle s'est radicalisée et a fait alliance. C'est vrai en Italie, aux Pays-Bas, en Autriche, au Danemark...

L'axe UMPFN fait exploser le paysage politique. L'électorat de centre droit, de culture républicaine ou chrétienne-démocrate, pétri de valeurs humanistes, refuse la radicalisation de la droite et bascule avec la gauche. L'appel de François Bayrou à voter François Hollande, première historique pour un leader centriste, est l'aboutissement de ce mouvement.

Désormais, le clivage politique n'est plus gauche contre droite mais bloc progressiste contre bloc populiste.

(Source Olivier Ferrand)

PS. Pour ceux qui auraient oublié en route ce qu'est fondamentalement le Front National je leur conseille cette petite piqûre de rappel :


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