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Le cinéma de la débâcle

Publié le 19 mars 2008 par Abfaboune
Pour sabrer un film, il suffit de le sortir en France. Sorti la semaine dernière dans 5 salles à Paris, une quinzaine sur le territoire, Mon Führer n'est plus que dans une seule à Paris pour sa deuxième semaine d'exploitation. On frise la sortie technique*.
Ce film est apparu sur les écrans allemands en janvier 2007. Au centre d'une controverse médiatique (sondages pour savoir si on doit aller voir une comédie sur Hitler ou pas, critiques pas enthousiastes si on en croit Allociné), Mein Fürher a pourtant rencontré un immense succès outre-Rhin, faisant plus d'entrées que le James Bond, qui était sorti en même temps.
Depuis cette date, j'entendais parler d'une "sortie prochaine" dans l'hexagone, et j'attendais, ayant hâte de voir ce qu'un juif allemand pouvait faire sur Hitler, après Chaplin et Lubitsch notamment.
Avec quelques dizaines de copies France, de toutes petites salles, il est impossible de croire que les distributeurs français "se sont précipités" pour acheter les droits du film, comme le raconte encore Allociné, recopiant sans doute le dossier de presse.
La presse française a fait le même calcul : à Libé, on dit que "sort en France Mon Führer, de Dani Levy, où il ne devrait pas intéresser grand monde. Cette comédie de carton-pâte d’un goût douteux".
A
Télérama, on écrit que "la farce finit par tourner court"
Ces mêmes critiques qui s'étaient emballées pour ce film très moyen La Vie des autres n'ont pas compris Mon Führer. Il ne s'agit pas du tout d'une "farce" comme l'écrit Jacques Morice dans Télérama, mais d'une tragi-comédie, comme l'étaient Le Dictateur et To Be Or Not To Be (l'hommage du réalisateur à ces deux films est assez savoureuse par ailleurs), avec des moments de burlesque très réussis. Malgré ce qu'en écrivait Le Canard Enchaîné la semaine dernière, on rit (je n'étais pas le seul dans la salle à le faire, ma charmante voisine certes, mais les autres aussi).
Et surtout, le film réussi cette gageure de parvenir à rendre humain Hitler. Le personnage devient touchant, fragile. On le voit pleurer, faire des blagues, être gêné devant le juif qui lui donne des cours d'expression ("cette histoire de solution finale, 'le prenez pas pour vous").
Les décors, l'éclairage sont également passionnants à observer : on y voit une survivance de l'expressionnisme allemand, cet mouvement esthétique phare, qui a connu son apogée à l'époque justement où Hitler s'est hissé au pouvoir absolu.
Mon Führer est un très beau film. L'errance d'Hitler la nuit avec son chien, dans un Berlin dévasté, est très touchante. Le monstre est présenté comme un homme protégé du monde extérieur par son entourage, mais pas dupe de la débâcle.
La sortie de Mein Führer en France, en revanche, en est une.
* la loi française oblige tout distributeur à sortir ses films au moins dans une salle à Paris pendant une semaine.

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