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« La Loi du Silence » d’Alfred Hitchcock ou la réécriture du chemin de croix

Publié le 19 avril 2012 par Sheumas

 


La loi du silence - Trailer par enricogay

Jusqu’à quel point d’héroïsme la conscience d’un prêtre peut-elle aller lorsqu’il est tenu par le secret de la confession ? C’est tout l’intérêt dramatique de ce film de Hitchcock dont le héros, le père Logan, a entendu en confession le crime crapuleux commis par Otto Keller, son sacristain. Pour dissimuler son délit, l’assassin s’est vêtu de la soutane du prêtre et deux écolières ont vu « le prêtre » sortir du logement de la victime, un dénommé Vilette, indirectement lié à l’intrigue amoureuse sous-jacente.

   Logiquement, les soupçons se portent sur l’abbé Logan, d’autant que la déposition de la femme qu’il aime encore joue contre lui : quand il était jeune, avant la guerre, il avait une relation avec Ruth, filmée comme un ange, tout en blanc au début. La guerre les sépare et quand Logan revient, décidé d’entrer dans les ordres, elle s’est mariée. La relation reste ambiguë, arbitrée par le sieur Vilette qui interprète à sa manière un incident compromettant dont il a été témoin. Le couple « d’amants maudits » a-t-il cherché à éliminer cet adversaire gênant qui se livre au chantage ? Odieuse hypothèse qui fait basculer le vertueux prêtre au rang de canaille.

   L’un des intérêts du film consiste notamment dans la réécriture du fameux épisode de l’Evangile, celui du chemin de croix. Tout au long des rues de Québec et de cette muraille qui rappelle un peu celle de Jérusalem, Logan est un christ mis au calvaire. Les stations sont marquées par l’intensité de souffrance qu’endure la conscience du prêtre irréprochable, admirablement interprété par Montgomery Clift de l’Actors Studio. Pour composer son personnage, l’acteur s’est enfermé dans un monastère pour observer les moines, leur démarche, comprendre leur droiture et parfois leur degré d’égarement. Quand il s’arrête une première fois, c’est sous un monument reproduisant l’une des étapes du chemin de croix. Au terme de son itinéraire, il remonte à son église, ultime protection.

   Le sacristain joue le rôle de Juda. Il ment pour s’innocenter aux yeux de la police. Il trahit celui qui l’a aidé en spéculant sur la conscience de l’homme d’église. A l’issue du procès, mené par le procureur Robertson, autre Ponce Pilate qui se lave les mains de l’énormité de son erreur, le prêtre retrouve la foule farouche et haineuse, prête à lapider le traitre. Visage de la mégère qui croque une pomme, gestes menaçants, cohue autour du « larron », encadré par les policiers légionnaires. Et « deus ex macchina », le visage implorant de Marie Madeleine, la femme du sacristain rongée par le remords et qui se jette au pied du prêtre pour avouer le crime et sauver la figure du supplicié.


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