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"Tout auteur est une fiction" par Léon de Mattis

Par Eparsa

La « personnalité » ou l’identité réelle du ou des individus qui se sont attelés à la tâche d’écrire tel ou tel texte n’a que peu d’intérêt, et ce même dans le cas où le livre contient des éléments autobiographiques. L’ autobiographie en effet, et ce même si elle est « vraie » au sens où elle relate des événements qui se sont réellement déroulés, construit nécessairement une image médiatisée de celui qui s’exprime. L’écrivain pénètre dans le champ de son propre texte et par là même devient un objet comme les autres de son écriture, laquelle doit en principe se suffire à elle-même. Ce qui se fixerait pour but de dévoiler la « véritable » personnalité de l’auteur n’aurait aucune raison d’en donner une description plus juste ou plus véridique que ce que le texte lui-même en a dit : mais, au contraire, coupée des buts premiers du texte d’origine, une telle description ne pourrait qu’être inférieure, en qualité et en intérêt, à ce qui pourrait se déduire de l’autobiographie elle-même.
Mais, évidemment, les choses n’en restent jamais là. L’idéologie de « l’ artiste » et de son « oeuvre », si prégnante actuellement, pousse le marché de l’édition à promouvoir l’auteur en tant qu’auteur. De haut en bas de la hiérarchie une telle logique est à l’oeuvre : ce qui fait que même les « auteurs » inconnus se retrouvent pris au piège de ce fonctionnement stupide mais universel dans le monde du capital. Quelle que soit la volonté de celui qui écrit et de l’éditeur, le simple fait de publier transforme le signataire en « auteur », avec tous les inconvénients que cette transformation implique.
On dira, à raison, qu’il n’y a aucune obligation à publier quoi que ce soit dans le circuit commercial. La brochure anonyme et gratuite ou le livre auto-édité échappent largement à ces inconvénients, et trouvent, dans le réseau des infokiosques, une possibilité de diffusion. Mais le problème de la diffusion de la théorie ne peut se concevoir qu’à partir de l’analyse que l’on fait du rôle de celle-ci. Les « idées » (du moins celles dont il est question ici, et que nous pourrions qualifier, faute de mieux, « d’idées critiques ») ne possèdent aucune force agissantes par elles-mêmes : elles ne sont qu’adéquates à une situation et à un moment. Leur puissance est de servir à exprimer la vérité d’une position dans un moment de la lutte. Mais pour qu’elles puissent rencontrer la situation à laquelle elles peuvent être adéquates, encore faut-il que ces idées soient diffusées relativement largement, ce qui n’est possible actuellement que par le biais de la distribution commerciale.
Ce qui vient d’être dit ne traduit aucune volonté de dicter à qui que ce soit ce qu’il faut faire, penser ou dire : une lutte retrouve par elle-même toutes les déterminations qui comptent pour elle et invente au moment où elle agit les formes adéquates de son expression autonome. Ce qui peut transiter par un circuit commercial, ce ne peut donc certainement pas être une prescription quelconque. Mais s’il n’y a pas d’idée libératrice par elle-même, il existe en revanche des conceptions inhibantes associées à des dispositifs stérilisateurs. Si critiquer de telles conceptions ne revient pas à détruire les dispositifs en question, du moins cette critique, par son existence même, peut aider à secouer le joug du dispositif au moment crucial où il faut savoir s’en débarrasser pour créer les formes positives de la révolte.
Tel est le cas, par exemple, de la critique de la démocratie. Cette critique ne doit pas disparaître du champ de la pensée en général, non parce qu’elle pourrait par elle-même provoquer une remise en cause de la démocratie (cela est faux et illusoire) mais plus simplement parce qu’on a pu constater récemment combien, au moment d’agir, l’injonction démocratique de ne rien faire joue pleinement son rôle. C’est à cet instant précis qu’il peut être décisif de refuser de voir la démocratie comme un horizon indépassable, de façon à ce qu’on ne s’oblige pas à renoncer à ce qu’on projetait de faire avant même de l’avoir fait. C’est ici que se situe la motivation véritable qui a présidé à l’écriture à la publication de Mort à la démocratie.
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de Léon de Mattis, l'auteur de "Mort à la démocratie" - le blog de l'auteur : http://www.leondemattis.net



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