Dans un article du 16 février, le Courrier International revient sur l'éviction de Muhammad Yunus de la Grameen Bank en mai dernier. Le gouvernement avait prétexté l'âge de Yunus (71 ans) pour le forcer à décliner toute fonction dans la banque qu'il avait fondée en 1983. Selon Yunus, cette raison n'était qu'un prétexte pour que le gouvernement prenne le contrôle de l'institution. Aujourd'hui, l’État veut étendre son emprise sur les autres entreprises du réseau Grameen, dont les actifs sont estimés à 1,6 milliard de dollars. Parmi ces entreprises, on trouve Grameenphone (téléphonie), Grameen Danone Foods (yaourts) et Grameen-Veolia (approvisionnement en eau potable).
Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank et prix Nobel de la paix en 2006.
Institutions publiques ou entités indépendantes ?
Puisque la Grameen Bank détient tout ou partie du capital de ces sociétés, l’État estime que ces participations lui reviennent. Les collaborateurs de Yunus affirment au contraire que les entreprises du réseau Grameen sont des entités indépendantes qui n'ont aucun lien juridique. Mais les pouvoirs publics ne veulent pas en démordre, et déploient toute leur énergie pour prouver que Muhammad Yunus contrôle de fait ces entreprises. La Grameen Bank est une "institution publique" et Yunus était un "fonctionnaire" ; toutes les entreprises créées grâce au financement de la banque, son personnel ou même sa bonne volonté appartiennent donc à l'Etat, argumente un juriste de la Banque centrale du Bangladesh. L'objectif est de regrouper ces entreprises "au sein d'une structure unique."
Les milieux d'affaires bangladais sont horrifiés
Si un Prix Nobel ne peut se défendre contre l'expropriation, cela n'augure rien de bon pour le respect du droit de propriété. De leur côté, les partenaires étrangers de Grameen restent pour l'instant discrets. Telenor espère que ses relations avec Grameen Telecom "resteront fondées sur le professionnalisme, l'ouverture et la préservation des intérêts de Grameenphone", explique un porte-parole. Eric Lesueur, de Grameen-Veolia, se dit quant à lui convaincu que la nouvelle direction de la Grameen Bank "respectera les plans de croissance et les stratégies mis en place avec le Pr Yunus." Plusieurs entreprises étrangères sont actionnaires majoritaires de leur coentreprise avec Grameen. Telenor détient 56 % de Grameenphone, Veolia a porté sa participation dans Grameen-Veolia à 70 % l'année dernière et BASF possède 99,5 % de BASF Grameen. L'Etat sera-t-il assez fou pour faire main basse sur leurs actifs ?
Source : le Courrier International