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Eurosceptique = nazi

Publié le 09 décembre 2011 par Edgar @edgarpoe

Dans un article du Monde le 8 décembre, on apprend que « prédire la fin de l’euro n’est plus inconcevable ».

Mais on perçoit aussi, sous la plume de Claire Gatinois,   que eurosceptique = nazi – ou peu s’en faut.

Déjà, le Monde met en parallèle la crise des années 30 et la situation actuelle, avec un but très précis : expliquer que c’est la sortie de l’euro qui ramènerait un nouvel Hitler au pouvoir.

Pour cela, il est nécessaire que Mme Gatinois fasse œuvre de propagande. Pas un travail de journaliste, ce serait compliqué. L’iconographie et la maquette du journale est magnifiquement requise. On voit bien, sur la page ci-dessous reproduite, qu'il s'agit d'éviter 1933 et l'arrivée d'Hitler au pouvoir. On voit bien également  que symétriquement à Roosevelt, le héros positif, on trouve Sarkozy et Merkel, promus ainsi au rang d'alter ego contemporains du président américain.

Le message ainsi transmis pourrait être renforcé par les arguments de la journaliste. C'est tout le contraire. 

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Première simplification de l'article : ce qui a précipité l'arrivée de Hitler au pouvoir ce ne sont pas les erreurs de maladroits qui auraient voulu sortir du "cercle de la raison". C'est bien au contraire l'austérité imposée par Brüning qui a préparé l'arrivée du pire dictateur que la terre ait jamais porté - voir par exemple cet article de Bruno Amable ; ou cette citation de Sebastian Haffner sur Brüning : 

"Pour poursuivre jusqu'à l'absurde le paiement des réparations, il mit l'économie allemande au bord de la faillite ; les banques fermèrent, le nombre des chômeurs atteignit six millions. Pour sauver le budget malgré tout, il appliquait avec une farouche rigueur la recette du père de famille sévère : "se serrer la ceinture". [...] Plusieurs des instruments de torture les plus efficaces de Hitler furent inaugurés par Brüning : c'est à lui que l'on doit la "gestion des devises", qui empêchait les voyages à l'étranger, l'"impôt sur la désertion", qui rendait l'exil impossible ; c'est lui aussi qui commença à limiter la liberté de la presse et à museler le Parlement. Et pourtant, étrange paradoxe, il faisait tout cela pour défendre la république."

Le Monde n'aura pas un mot sur ce thème. De toute façon, la forme même de la double page, consacrée par le journal à l'hypothèse "fin de l'euro", montre bien qu'il ne s'agit pas de réfléchir : l'iconographie suggestive prend plus des trois quarts de la page, le rédactionnel n'a droit qu'à quelques miettes.

Et de toute façon, pour ce que Claire Gatinois a réalisé comme travail, les images auraient suffi.

On lit tout d'abord que pour les grands pays du sud, il faudrait dévaluer de 30% à 40% et que cela correspondrait à une réduction de facto des salaires de 30% à 40%.

Elle n'a rien compris, ou fait semblant. Cet argument est de la pure propagande. La valeur externe des salaires italiens ou espagnols serait baissée de 30% à 40%, peut-être (selon Nomura, ce serait plutôt 25% à 35%, et 9% à peine pour la France). Mais avec un salaire on n'achète pas que des biens importés. On paie d'abord un loyer, des charges, des impôts, toutes prestations dont la valeur externe serait également réduite de 30% à 40%.

La baisse de pouvoir d'achat serait donc bien moins importante que ce que Mme Gatinois laisse entendre - mais je pense que son but n'est pas d'informer, c'est de faire peur. Et oui le prix du pétrole serait plus élevé, mais on sait aussi que le prix du pétrole monte quand l'euro monte, donc ce phénomène ne jouerait pas à plein. Par ailleurs la plupart des scénarios de la fin de l'euro prévoient une baisse du cours du pétrole.

Autre loup-garou sorti des placards : la ruine des épargnants. 2000 milliards d'euros seraient détenus par des français en dehors de la zone euro - rien n'est dit sur leur sort, mais on imagine la crainte d'une volatilisation.

   Là on est carrément dans l'imbécilité : si le Franc devait être dévalué lors de sa recréation, ce serait pour le plus grand bénéfice des détenteurs de ces 2000 milliards détenus hors zone euro - plus probablement détenus en Allemagne qu'en Grèce. Certains épargnants perdraient, d'autres gagneraient, selon que tous les pays ou seulement quelques uns sortiraient de l'euro, mais en aucun cas on ne peut prédire ce qu'il adviendrait de ces 2000 milliards.

   Pas grand chose pour étayer la thèse d'une catastrophe dans l'article. La réalité est qu'on peut penser que la sortie de l'euro entraînerait un choc initial, avec une croissance ralentie pendant une à deux années, mais nous avons déjà eu -3% en 2009 avec l'euro ! Et nous préparons avec l'euro bien d'autres années difficiles.

La sortie de l'euro permettrait enfin de renouer avec des perspectives de croissance et des politiques actives de redressement de l'économie.  

 Le message à peine subliminal du Monde est donc : sauvons l'euro pour échapper à un retour d'Hitler.

C'est peut être exactement l'inverse qui se passe en réalité : continuons à vouloir construire europa über alles, et, du désastre économique dans lequel nous nous enfonçons, sortiront des innovations qui ne nous plairont pas.


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