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Brassens : moderne troubadour et ami fidele

Publié le 08 août 2011 par Parent @LEGOBALADIN
BRASSENS  :  MODERNE TROUBADOUR ET AMI FIDELE"Par bonheur par consolation

Me sont restées les quat’ chansons"

« … Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare ... Il n’y a pas d’amour heureux. »

Un poète est un bonhomme à part. Brassens, personnage étrange … par son manque d’étrangeté ! Troubadour ? artisan ?Homme de qualité.

« En ces temps-là je vivais dans la lune

Je semais des violettes et chantais pour des prunes

Et tendais la patte aux chats perdus. »

Brassens, un Verbe qui parle à l’amitié en rendant familière, tangible, la trace de l’ami que chacun recèle en lui, tendre miroir aux quatre coins de notre humanité : la voix muette des Pauvres Martin. Des voleurs de pommes. De l’Auvergnat. De Pénélope. Du cocu. Du battu. Des Deux Oncles. Des Tondues. Des chats sur les toits. Des filles à cent sous. Ou des arbres mourant dans les cours. Tout le petit monde du poète est le petit monde … de tout le monde.

« … Mon copain de chêne, mon alter ego, Auprès de mon arbre, je vivais heureux … »

Brassens, moderne ménestrel, s’accompagne de sa guitare et de sa voix grave, chaleureuse. Il part à la bagarre comme à la chasse aux papillons, avec le même ton tranquille. Voix calme d’un homme ordinaire, secret. Image du rêveur touché par sa muse, dont le chant s’élève du fond d’une impasse urbaine où il choisit d’habiter près de trente longues années durant. Georges Brassens, poète français, naît à Sète en 1921 … puis (renaît !?...) à Paris (Montmartre), en 1952/53.

« Au moindre coup de Trafalgar C’est l’amitié qui prenait l’quart …

Sur le ventre ils se tapaient fort Les copains d’abord ! »

L’ami Georges, tout le monde a envie d’être de ses copains. L’homme mène une vie simple de vieux Sage, pipe au bec, entre ses quelques familiers, son travail et ses bêtes favorites. Après la Libération, dûment anarchiste, il écrit dans le « Libertaire ». Solitaire, presque sauvage, le charme l’emporte chez lui sur la révolte, ce qui le rend d’emblée sympathique. Comment ne pas être ému par cet alter ego discret, circulant en scooter, sachant savourer un bon saucisson et engloutir des casseroles de nouilles ?

L’homme est touché par les mots qu’il aime par-dessus tout. Il a la passion du terme précis, pittoresque, pour nommer un visage, un objet, un paysage. En poète inspiré, il exhausse la langue. Et, depuis les mots, il sait faire jaillir des émotions qu’il confie à la chanson, magique passerelle par où la poésie s’ouvre au plus grand nombre.

« … Le gorille est un luron Supérieur à l’homme dans l’étreinte

Bien des femmes vous le diront. »

Aux dires de ses amis, le Brassens intime est un drôle de gorille, voire un gorille drôle ! Tout en gentillesse et en humour vrai. L’homme bricole, terrasse, cimente, jardine … transpire, quoi. Bref se livre aux joies banales du quotidien, peu enclin à céder aux trop pressantes Trompettes de la renommée :

« A toute exhibition, ma nature est rétive

Souffrant d’une modestie quasiment maladive »

Mais un jour vient (mai 1957) où le poète descend dans la rue ! L’homme tranquille se hasarde à déserter son impasse, ses chats et ses toits, son arbre favori, tout son monde hilare et fraternel, pour affronter les gens (« Quels sales types, les gens ! », disait Alphonse Allais). Avec des allures d’ours mal léché perdu dans l’arène, avec un air modeste auquel on aurait tort de se fier : l’animal, si charmant qu’il paraisse, est prêt à asséner quelque pavé, même ficelé d’un ruban.

« Parlez-moi d’amour et j’vous fous mon poing sur la gueule !... »

Heureusement, l’ours-poète nous présente bientôt une foule colorée de nouveaux amis : patrons de bistrots, fossoyeurs, pénélopes, amoureux … et libertaires de tout poil dont il se fait le messager persifleur et amusé :

« Au village sans prétention j’ai mauvaise réputation

Qu’je m’démène ou qu’je reste coi je passe pour un je ne sais quoi »

D’emblée, l’homme choisit son camp : ce ne sera pas celui des puissants …

« Il s’en allait bêcher la terre en tous les lieux par tous les temps

Pauvre Martin pauvre misère, creuse la terre creuse le temps ! »

Brassens est un tendre, amour et amitié confondus :

« Un p’tit coin d’paradis

Contre un coin d’parapluie

Elle avait quelque chose d’un ange »

Il arrive que le poète se fasse coloriste, peintre du XVIIè siècle, celui des Fêtes Galantes et des tableaux champêtres :

« Dans les sabots de la pauvre Hélène

Dans ses sabots crottés

Moi j’ai trouvé les pieds d’une reine

Et je les ai gardés »

Mais la misère urbaine et populaire, familière à Brassens, a des figures plus touchantes :

« Elle se vend aux autres, braves gens, braves gens,

Elle se donne à moi, c’est immoral et c’est comme ça »

Les animaux familiers pointent souvent leur museau ; le bon La Fontaine aurait apprécié :

« La cane de Jeanne est morte d’avoir fait

Du moins on le présume un rhume »

Verlaine, Banville, Hugo, Paul Fort, Léautaud, Richepin … sans oublier le « moyenâgeux », l’ami Villon… Solidarité sainte de l’artisanat, c’est la fine fleur de la poésie française que Georges repeint aux couleurs fines de sa musique.

« Et Jehanne la bonne Lorraine

Qu’Englois brûlèrent à Rouen

Où sont-ils Vierge souveraine

Mais où sont les neiges d’antan ?… »

Les institutions sont montrées du doigt, coupables d’exclure les hommes d’eux-mêmes :

« Mettez-vous à genoux priez et implorez

Faites semblant de croire et bientôt vous croirez »

Brassens panthéiste ? Dans un clin d’œil aux lointains précurseurs romantiques, le poète s’appuie sur les éléments naturels pour composer des paysages doux-amers, reprenant à son compte en les mettant en musique ces Pensées des Morts de Lamartine :

« Voilà l’errante hirondelle

Qui rase du bout de l’aile

L’eau dormante des marais

Voilà l’enfant des chaumières

Qui glane sur les bruyères

Le bois tombé des forêts »

Sans doute Georges fut-il un très mauvais élève, cambrioleur occasionnel dans ses jeunes années, puis détenteur d’une carte d’électeur à jamais vierge … Mais l’homme ne manquait jamais d’arriver pour dîner chez ses amis avec des brouillons de chansons qu’il offrait comme des bouquets de fleurs. La figure du poète n’éprouve nul besoin de se poser en exemple. Elle est celle d’un passeur de rêves un peu fêlé qui nous embarque à notre insu dans des chemins de traverse trop souvent invisibles à nos yeux ivres de routine.

La poésie de Brassens, en nous fredonnant la chaleur simple de nos vies, nous embarque dans un voyage ordinaire au pays de l’humaine harmonie.


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