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Spielberg, cinéaste B ?!

Par Inisfree
A l'occasion de l'une des nombreuses discussions autour de La Guerre des Mondes de Steven Spielberg, je suis tombé sur une réflexion du style : « une idée par plan, un plan par idée. C'est la série B ». Cela se voulait sans doute un compliment, mais cela illustre bien l'incapacité ou la gène, qu'il y a à parler de Spielberg comme cinéaste majeur.Petite démonstration à partir du plan de la fillette qui, s'éloignant pour satisfaire un besoin naturel, se retrouve au bord d'une rivière où elle découvre un, puis plusieurs cadavres emportés par le courant.
Ce plan me semble avoir au moins quatre niveaux de lecture :
Une idée dramatique, classique, liée à un concept d'ensemble. En voulant se soustraire au regard de son père où d'un éventuel inconnu, elle subit un traumatisme du regard bien plus intense en découvrant un scène qui lui révèle l'horreur de la situation. Cette notion de regard, autour de laquelle est construit tout le film a été abondamment explorée.
Une idée de cinéma, ensuite, avec la découverte progressive des cadavres, pour elle comme pour le spectateur. Utilisation de l'espace et du temps pour produire un effet signifiant. Beauté du plan en lui-même. Subtilité de la bande son, douceur du bruit de l'eau en opposition à la violence de l'image.
Une idée de cinéphile, par dessus. Impossible de ne pas penser à La Nuit du Chasseur de Charles Laughton, film référence des enfants, du mal et des rivières. Possible aussi de penser, comme certains l'on fait, à la séquence des Oiseaux D'Alfred Hitchcock, où la progression jusqu'à la panique est amenée de la même façon : un oiseau, des oiseaux, plein d'oiseaux, une multitude d'oiseaux. Une idée, enfin, que je qualifierai de politique, à défaut d'un autre mot, un rappel du réel avec un lien qui m'a semblé évident avec les images de massacres bien actuels, images des corps charriés par les fleuves africains du Rwanda, images des corps flottants lors du Tsunami. Une idée qui ramène à la violence de l'homme sur l'homme et qui n'est sans doute pas innocente. Rien chez Spielberg, et depuis le début, n'est innocent.
Un peu loin de la série B, non ?
Quand on pense à cette image, à sa construction et sa signification, on ne peut pas se satisfaire de l'image de Spielberg cinéaste de divertissement. Il est l'un des grands créateurs modernes. D'autant plus qu'il est aussi divertissant, c'est à dire qu'il a le pouvoir de ceux qui ont un public assez large pour leur donner la liberté de faire ce qu'ils veulent. Comme Ford, Hitchcock, Hawks, Capra, Léone... Il a la même capacité à nous donner des oeuvres lisibles à plusieurs niveaux. Et il est l'un des derniers aux États-Unis à pouvoir et savoir le faire avec Martin Scorcese. Contrairement à Coppola, Friedkin et Cimino qui ont été broyés par le système, contrairement à Dante, Carpenter et de Palma qui doivent composer avec des contraintes économiques drastiques, contrairement à Lucas qui est resté infantile (mais amusant), Spielberg continue à construire son oeuvre, tournant beaucoup et capable, sur un thème classique, de nous donner une variation de grand style.

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