Une révolution mal gérée?

A Milan, on annonce une révolution chaque année. D’abord en 2010 ensuite en 2011 et maintenant, par la force des choses, en 2012. En effet, il y a 11 joueurs en fin de contrat en juin 2012 dont nombreux qui ont un âge très avancé. Jusqu’à présent, le club a toujours préféré prolonger à tous les joueurs, probablement car cela coute moins cher que d’acheter de nouveaux joueurs. Néanmoins, cette politique de naviguer à vue et ne pas programmer le futur est assez inquiétante pour le futur proche de l’AC Milan car le noyau, l’âme et le coeur de l’équipe sont en fin de contrat…

Nesta (35 ans), Ambrosini (34 ans), Gattuso (33 ans), Seedorf (35 ans) et Inzaghi (38 ans), cinq champions qui ont écrit l’histoire de la dernière décennie du club. Ensemble, ils ont tout gagné et on emmené Milan au sommet du monde. Ce sont non seulement des champions mais aussi des professionnels exemplaires qui représentent les valeurs de Milan. Dans le football, on ne peut penser uniquement aux sentiments et la nouvelle politique du club en est la preuve : contrats annuels pour les trentenaires. Pirlo a été le premier à subir cette politique, en réclamant un contrat de 3 ans que la société ne lui a pas offert. L’été prochain, Milan pourrait vivre une véritable révolution car en plus des cinq sénateurs, il y a Roma, Zambrotta, Yepes, (Oddo), Van Bommel et Flamini qui arrivent en fin de contrat. Soit, une équipe complète, la voici dans un 4-4-1-1 avec une moyenne d’age de 34,3 ans : Roma; Oddo, Nesta, Yepes, Zambrotta; Gattuso, Van Bommel, Flamini, Ambrosini; Seedorf; Inzaghi.

Alors qu’on imaginait déjà au moins une demi révolution en 2011, on a eu droit qu’à un seul départ, qui plus est du plus jeune des sénateurs, Pirlo (32 ans). Cette même révolution devrait pratiquement être totale en 2012. Milan est l’équipe européenne avec la moyenne d’âge la plus élevée, certes, c’est une équipe expérimentée mais aussi très usée. Comment Milan va gérer la transition? Galliani va-t-il une nouvelle fois préférer la continuité ou rajeunir drastiquement l’effectif? C’est là qu’on se pose une autre question : l’AC Milan a-t-il bien géré cette révolution? La réponse est NON. Un vrai et grand NON. La première raison est très actuelle : les causes principales de la crise est la mauvaise politique de gestion des contrats et du mercato. Trop de sénateurs ont été confirmés et donc aucun renfort important n’est arrivé pour renforcer le milieu. Cette saison, on a marqué 7 buts en 7 matches et on en a subi 10. Certes, c’est plus facile de parler de crise en défense et d’attaquants infertiles mais le problème principal est au milieu. Le milieu de terrain de l’AC Milan pose problème, ce n’est pas nouveau, raison pour laquelle on s’attendait à des renforts importants cet été en considérant le manque de qualité technique mais surtout l’âge moyen des milieux milanais. Les dirigeants ont renouvelé tous les contrats (Pirlo y compris s’il avait accepté un contrat annuel…) sans programmer le futur. Les seuls achats ont été ceux d’Aquilani, présenté comme Mister X, le remplaçant de Pirlo (…) et Nocerino arrivé en dernière minute uniquement pour remplacer Flamini gravement blessé. Ces deux joueurs ne peuvent évidemment pas être considérés comme de premier plan. Théoriquement, ils ont le niveau de remplaçants pour un club comme Milan alors que l’équipe avait besoin de nouveaux titulaires en considérant que les 4 autres joueurs de la ligne médiane ont 33 ans ou plus. En ce début de saison, Milan paie déjà cher sa politique de contrats. Cette saison pourrait bien être « celle de trop » pour pas mal de Rossoneri. Les problèmes sont en défense et en attaque? Mais quel est le secteur qui raccorde la défense et l’attaque? Quel secteur a le rôle d’apporter (si possible rapidement) le ballon aux attaquants? Quel secteur doit être réactif et prêt lorsque l’équipe subi une contre-attaque? Quel secteur doit filtrer les ballons pour alléger le travail des défenseurs? On pourrait continuer mais ce n’est pas nouveau que le milieu de terrain est le secteur le plus important d’une équipe… et paradoxalement le secteur le moins soigné par les dirigeants milanais! Quels sont les solutions? Comme le mercato n’ouvre qu’en janvier, il n’y a plus qu’à espérer une amélioration considérable de la condition physique des joueurs présents. Nos « vieux » devront encore tenir la baraque deux mois en attendant de nouveaux renforts, en commençant par Montolivo. Mais revenons-en au sujet principal : la révolution mal gérée.

La deuxième raison est qu’il n’y a pas vraiment de jeune joueur (23-24 ans) dans l’effectif prêt à prendre la relève et vu la politique low-cost du club, on imagine mal comment remplacer des grands champions dignement avec peu de moyens. Durant l’été 2012, Milan aurait au moins besoin d’acheter deux milieux d’au moins 20M pour espérer avoir un niveau correct. On peut donc craindre un affaiblissement important de l’équipe à moins que Berlusconi décide d’investir. Troisièmement, le départ d’un grand nombre de joueur est très délicat et ne s’est jamais effectué sans conséquences. D’une part l’équilibre du vestiaire change (la hiérarchie et les leaders changent) mais il est surtout très difficile de rester compétitif en changeant une demi équipe en si peu de temps. Quatrièmement, malgré la présence des sénateurs depuis de longues années, ils ne semblent pas avoir transmis les valeurs de Milan comme eux les ont reçues de la part de joueurs comme Maldini, Costacurta, l’entraineur Ancelotti… La nouvelle génération milanaise est faite de joueurs comme Ibrahimovic, Cassano ou encore Boateng (et d’autres, comme Pato par exemple) qui ne respectent les valeurs de Milan : le respect, le fair play, le travail, la classe… Comment le club va-t-il affronter cette révolution sans perdre ses valeurs, quelles soient techniques ou morales? La solution pourrait être d’engager Paolo Maldini comme directeur technique pour faire le lien entre l’équipe et les dirigeants mais jusqu’à présent, malgré les rumeurs et la volonté de Maldini, aucun rôle en société ne lui a été offert…

La révolution de l’AC Milan a été mal gérée et sauf grands rebondissements (arrivées de plusieurs fuoriclasse durant l’été 2012), elle risque d’être difficile à encaisser pour tout le club. Galliani doit déjà penser au futur mais sa décision de répéter l’opération de l’année passée, c’est-à-dire d’attendre le mois de juin pour discuter des contrats est à double-tranchant. Elle permet de mettre la pression sur les joueurs, qui sont amenés à gagner leur contrat sur le terrain mais elle empêche de programmer les éventuels remplaçants car ce n’est qu’en juin qu’on saura qui part et qui reste… On peut déjà tenter de prévoir mais cela reste fort approximatif puisque trop prématuré : Roma n’est « que » le troisième gardien mais à 37 et bientôt 38 ans, il pourrait décider soit d’arrêter sa carrière ou bien aller jouer quelques années dans des petits clubs. Dans tous les cas, sa situation n’inquiète pas. Oddo est en prêt à Lecce mais Milan n’a aucune intention de prolonger son contrat. La situation de Yepes est difficile à déchiffrer : il a parfaitement joué son rôle de doublure la saison passée mais avec l’arrivée de Mexès et l’intention de rajeunir la défense, il pourrait décider d’aller terminer sa carrière comme titulaire d’un petit club ou bien se contenter d’une dernière année comme quatrième choix. Ce sera probablement à lui de décider. Même s’il a le niveau d’un ex joueur depuis quelques saisons, Zambrotta reste pratiquement un titulaire à Milan. A 35 ans, c’est tout de même difficile d’imaginer que Milan puisse lui offrir un autre contrat à moins qu’il soit considéré comme joker, troisième choix derrière deux bons latéraux gauche et deux bons latéraux droits. La situation de Nesta est très délicate. Il reste un grand défenseur malgré ses 35 printemps mais ses pépins physiques pourraient le pousser à dire stop au football. Ce sera à lui de décider car le club lui offrira bien volontiers un contrat annuel. Dans tous les cas, Mexès prendra peu à peu le relai comme titulaire aux côtés de Thiago Silva. On arrive au milieu avec le capitaine Ambrosini qui a déjà eu du mal à décrocher son contrat actuel, aura 35 ans en fin de saison et souffre de problèmes physiques récurrents. Il est trop tôt pour savoir s’il restera (qui sait s’il ne va pas réaliser une super saison?) mais sa place reste délicate. Gattuso est le plus jeune des sénateurs (33 ans) mais est aussi celui qui a un jeu basé sur la course et l’endurance, donc il ne vieillis pas très très bien. De plus, la Russie ne cesse de lui proposer des montagnes d’or et cela fait déjà plusieurs années qu’il hésite à partir. Que fera-t-il en fin de saison? Mystère. Ce qui semble clair, c’est le futur de Van Bommel car il ne cesse de déclarer vouloir terminer sa carrière au PSV et le club d’Eindhoven lui prépare un contrat. Le dossier Flamini est épineux : gravement blessé, il aura bien du mal à « gagner » son contrat sur le terrain mais compte tenu de son age et des grands changements à Milan, le club aimerait le garder à condition qu’il accepte un salaire nettement réduit. Ce sera à lui de décider. Il reste deux monuments du football. Tout d’abord, Seedorf qui semblait déjà sur le départ cet été, le scénario se répètera-t-il en juin prochain où ira-t-il terminer sa carrière au Brésil comme il le désire? Actuellement la première hypothèse est la plus probable… Enfin, il y a Pippo Inzaghi, qui malgré son ses 38 ans (Ibra ferait bien de s’en inspirer) a une folle envie de jouer au football. Néanmoins, il a n’a pas accepté la décision d’Allegri de l’exclure de la liste UEFA et cela devrait être sa dernière saison à Milan.

On comprend tout de suite qu’il est très difficile de savoir actuellement quels Rossoneri seront présents la saison prochaine mais ce qui est encore plus clair, c’est que le vrai chantier se situe au milieu de terrain, un secteur déjà très en difficulté cette saison et trop souvent délaissés par les dirigeants. Contrairement au gardien (Roma), défenseurs (Zambrotta, Yepes et Nesta (qui a déjà son remplaçant : Mexès)) ou à l’attaquant (Inzaghi), les milieux Rossoneri en fin de contrat sont des titulaires et quoi qu’il en soit, le Milan 2012 – 2013 aura un visage différent car au terme de cette « saison de trop », deux solutions se profilent pour les sénateurs : devenir une réserve ou partir. Il n’est plus possible d’imaginer un futur Milan avec les mêmes milieux titulaires… La débâcle contre la Juve a une nouvelle fois prouvé un concept très connu : le football moderne se base sur l’intensité, l’agressivité et la qualité technique : Milan en est très loin, surtout à cause de son milieu de terrain centenaire. En continuant à compter sur son « expérience », Milan investi énormément d’argent en masse salariale, bloquant ainsi l’achat de jeunes joueurs… Une politique très discutable et à des années lumières des déclarations des dirigeants qui, depuis 2009, déclarent vouloir rajeunir l’équipe tout en continuant à faire le contraire. Comment imaginer le futur de l’AC Milan? Malheureusement, c’est tout simplement impossible. La récente histoire du club démontre que la compétitivité de l’équipe dépend presque exclusivement de l’humeur du président (ou des sondages politiques). S’il en a envie (ou ressent le besoin), il investira et permettra ainsi à l’équipe de garder une certaine compétitivité sinon, il faudra se contenter de remplaçants low cost trouvés par Galliani. La seconde solution semble beaucoup plus probable quand on sait que Berlusconi considère le Milan actuel est déjà plus fort que Barcelone…

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