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Doyle : « Le rock, c’est faire ce que tu veux sans te préoccuper des autres. »

Publié le 26 août 2011 par Nowplaying

Doyle

De g. à dr. : Tak (guitare) - Alexis (basse) - Thomas (chant, claviers) - Seb (batterie) - Austin (guitare)

Loin d’être le berceau du rock, la France a pourtant en son sein des groupes qui, au-delà de ses frontières, sont de véritables phénomènes. Doyle, groupe post-hardcore parisien, est l’un d’entre eux. S’ils ne passeront probablement jamais sur les bandes FM frileuses et commerciales françaises, ils ont pourtant tourné avec des incontournables de la scène rock internationale : Deftones, The Chariot, 36 Crazyfists… A la rentrée, ils partent en tournée européenne avec Between The Buried And Me et Animals As Leaders (concert à La Maroquinerie le 2 septembre). Une tournée qui finira d’asseoir leur gloire dans des pays qui ne sont même pas le leur… Pas rancuniers, ils ont accepté de répondre à mes questions et m’ont donné rendez-vous dans leur QG…

Vous pouvez présenter le groupe ?

Alexis : Doyle existe depuis 2005. Il y a eu une première formation qui a donné naissance à un EP : « Submerge », sans bassiste et avec un autre chanteur qu’à l’heure actuelle.
Austin : Il n’y avait que Tak, Seb, Loki notre ancien chanteur et moi-même. On a fait appel à MarQ, de Enhancerpour enregistrer la basse sur l’EP.
Alexis : Je suis arrivé en octobre 2007, on a défendu l’EP sur scène ensemble. Puis on a travaillé sur l’album dès le dernier trimestre 2008. En février 2009 Loki est devenu papa, et a quitté le groupe pour se consacrer à son nouveau rôle, puis Thomas nous a rejoint. On a enregistré dans la foulée et on a travaillé ensemble un an jusqu’à la sortie de l’album le 31 mai 2010.

Loki a donc quitté le groupe 3 mois avant l’enregistrement de l’album… Comment vous avez géré ça ?

Austin : C’était une période assez sombre pour le groupe, assez difficile. A son départ, tout était prêt, il a fallu tout reprendre au début.
Thomas : Quand je suis arrivé, on m’a dit « on enregistre dans trois mois, tu as trois mois pour composer l’album ». C’était très dur… surtout que mes influences sont électro, je n’étais pas habitué à composer avec du chant. Nous nous sommes adaptés avec une façon différente de travailler. Je n’allais pas en répétition, j’enregistrais des maquettes chez moi, je leur envoyais et ils validaient. Notre premier concert n’était pas structuré, pas assez travaillé… Et pendant la période d’enregistrement en studio, il y avait des chansons qui n’étaient pas terminées, que j’ai composées sur place.
Austin : Loki est toujours très impliqué dans Doyle. Nous souhaitons une image qui colle parfaitement à notre musique… Il est graphiste,  et nous aide justement pour tous nos visuels.

Le changement de chanteur correspond à un passage de textes en français à des textes en anglais…

Thomas : Ça vient de moi. J’écoute depuis tout petit de la musique chantée en anglais, alors ce n’est pas naturel pour moi de composer et chanter en français.
Austin : De notre côté nous avons toujours voulu faire des chansons en anglais, mais notre ancien chanteur était plus à l’aise pour composer en français. L’arrivée de Thomas était l’occasion de passer à l’anglais, qui est une langue plus mélodique, c’est la langue du rock. On a tous une culture musicale anglosaxonne.
Alexis : Loki est parti il y a maintenant deux ans et demi… Doyle a beaucoup changé depuis. Musicalement, techniquement… Entre avant l’EP et maintenant, ça n’a plus rien à voir.

Vous avez fait beaucoup de premières parties… Comment gérez-vous la pression face à un public qui n’est pas là pour vous ?

Alexis : Au début on avait du mal avec ça… Mais maintenant on le prend comme un défi à relever, on envisage ces lives différemment.
Thomas : On a fait l’ouverture de Deftones pour leurs quatre dates françaises, dont deux à Paris. On avait beaucoup d’appréhension, car leur public est connu pour être très critique. Et finalement nous avons été très bien reçus, la production de Deftones nous a dit que ça s’était étonnamment bien passé !
Austin : Le groupe aussi nous a mis en confiance… Dès la première date, Chino (chanteur de Deftones, ndlr) est venu nous parler juste avant qu’on joue, nous rassurer… et nous regarder jouer.
Alexis : Ce sont vraiment des mecs biens. A cette première date justement, 20 minutes avant les balances Seb a cassé une pièce sur sa batterie, ce qui l’empêchait de jouer… Le batteur des Deftones est passé, il a jeté un œil et est reparti… Cinq minutes après il est revenu avec la pièce manquante et il nous l’a laissée pour le reste de la tournée…
Thomas : On s’attendait à ce qu’ils se prennent pour des stars, et pas du tout.

Ça s’est aussi bien passé pour vos autres premières parties ?

Thomas : On a fait une tournée européenne avec The Chariot, un groupe beaucoup plus punk/hardcore que nous. Ce n’est pas la même scène, donc le public n’avait jamais entendu parler de nous…
Austin : Surtout que nous avons su que nous ferions cette tournée seulement trois semaines avant… On n’était pas annoncés dans toutes les salles, les gens n’avaient pas pu se renseigner… On ne nous connaissait vraiment pas.
Thomas : Ça nous a poussé à nous surpasser, à tout donner tous les soirs pour conquérir un public différent.
Alexis : Plus on joue, moins on a de pression. Nos prestations n’ont plus rien à voir avec ce que nous avons pu faire, par exemple, en octobre 2008 en ouverture de 36 Crazyfists au Trabendo. On n’avait pas d’expérience, on ne savait pas trop ce qu’on faisait…
Thomas : Maintenant c’est la guerre ! (rires) A la fin de la tournée avec The Chariot, on ne réfléchissait plus… On savait ce qu’on avait à faire. On repart en tournée en septembre, il y a de la pression mais on sait que ça se terminera pareil : la guerre ! Sauf qu’on commence à Paris… Et on déteste jouer à Paris !
Austin : C’est vrai que Paris est un public difficile, surtout envers les parisiens…
Alexis : Les Français sont plus durs avec les groupes français, surtout à Paris… Contrairement aux États-Unis, où un groupe qui va commencer à percer va devenir la célébrité locale, et être supporté par tout l’État… Ici, quand un groupe fait son trou, il y a juste cinq mecs pour l’enterrer.

Finalement, vous êtes plus connus et reconnus dans des pays qui ne sont pas le vôtre…

Austin : Totalement. On a halluciné lors de nos premières dates à l’étranger, où le public est incroyablement réceptif.
Alexis : En Allemagne c’était assez frappant. Les gens ne viennent pas voir un groupe, ils viennent voir un concert, et ça fait toute la différence. Ils prennent le temps de t’écouter, même s’ils n’aiment pas ce que tu fais.

Vous faites beaucoup de lives. Ça a changé quelque chose dans votre façon de composer ?

Austin : Complètement. Maintenant nous savons ce que le public aime recevoir comme énergie, on a appris à faire vivre des chansons sur scène.
Thomas : L’album a été composé en studio, sans trop d’expérience de scène. Maintenant on est beaucoup plus spontanés. Nos chansons ont pris vie sur scène.

L’album s’appelle « And Gods Will… » (« Et les dieux vont… » en français). Pourquoi ?

Thomas : C’est le titre d’une des chansons. Ce n’est pas du tout un album chrétien… Ce n’est ni un combat, ni quelque chose qu’on veut mettre en avant.
Alexis : Doyle n’est pas un groupe revendicatif, on n’essaye pas de faire passer un message.
Thomas : Ce titre c’est un rapport au divin, à la nature… Ce n’est pas un rapport à Dieu, mais aux choses plus grandes que nous qu’on ne comprend pas forcément et qu’on ne maîtrise pas, comme la fatalité… Il n’y a aucun symbole religieux.

Donc de quoi s’inspirent les paroles de vos chansons ?

Thomas : Pour cet album, on a développé des thèmes ensemble mais j’ai tout écrit seul. Chaque chanson parle de choses différentes, souvent très personnelles comme les sentiments, le rapport au divin, la nature… Il n’y a pas de thème de prédilection. On ne parle pas de sexe, d’alcool ou de drogue, on n’est pas dans ce cliché. Doyle est un groupe relativement calme.
Austin : On est sur la même longueur d’onde, on aime les mêmes choses, on sait qu’il n’abordera pas de thèmes qui ne nous correspondent pas… Nous avons une totale confiance en Thomas pour les paroles. Pour la composition on ne travaille jamais pareil. Quand l’un de nous a une idée on part de cette idée… Que ce soit d’un riff, d’une mélodie, d’une batterie…
Thomas : Comme pour « John Airence » qui existait avant mon arrivée, jouée en interlude en concert. Tak a commencé à la composer il y a quatre ans, chacun y a mis peu à peu sa touche… En arrivant j’y ai apporté des paroles et la chanson a fini sur l’album. Elle a mis quatre ans à se composer, mais elle s’est faite naturellement.

Vous ne vous retrouvez pas dans le cliché du rockeur qui boit et se drogue… Mais pour vous, la culture rock, ça représente quoi ?

Alexis : Le rock c’est un état d’esprit. C’est faire ce que tu veux sans te préoccuper des autres.
Thomas : C’est exactement ce que je fais ! (rires) On ne travaille qu’à l’envie. Par exemple, notre premier single « John Airence » se détache totalement de l’étiquette de genre qu’on nous met (metal/post-hardcore, ndlr), ou de ce coté « formaté » qu’on attend d’un single. C’était beaucoup plus naturel pour nous de sortir un single qui dure 4 minutes avec seulement 30 secondes de chant ! (rires)
Alexis : On ne s’est même pas posé la question. On voulait sortir ce titre, donc on l’a sorti.

Vous fonctionnez au feeling pour tout ? Si demain on vous propose de partir en tournée avec un groupe que vous n’aimez pas du tout…

Thomas : On le fait ! C’est ce qui va se passer en septembre de toute façon ! (rires) Plus sérieusement, musicalement on ne connaît pas vraiment les groupes avec qui on part car ce n’est pas vraiment ce qu’on écoute. Mais une tournée ça ne se refuse pas, ça nous permet de voir des choses différentes et de partir avec des groupes confirmés, c’est une super opportunité.
Austin : On va découvrir beaucoup de choses, ça va énormément nous apporter.
Alexis : C’est ce qui s’est passé en tournée avec The Chariot. A la base on n’est vraiment pas fans de ce qu’ils font, ce n’est pas une de nos influences premières… Mais partir avec eux, les côtoyer, entendre leur musique tous les soirs, les voir sur scène… ça t’apporte de l’expérience. Tu vois comment ils travaillent et tu apprends.
Thomas : Ce sont, quoi qu’il arrive, des génies de la musique. C’est sûr qu’on va apprendre des choses. Mais on est à l’inverse des groupes avec lesquels on joue. On n’écoute pas ce qu’ils écoutent, on ne travaille pas comme eux…

Qui vous influence musicalement alors ?

Thomas : Moi je n’écoute pas du tout de métal, je n’aime pas ça. Je suis majoritairement branché électro. Dans le groupe, tout le monde écoute beaucoup de choses, toutes très différentes.
Alexis : La question ce serait plutot de savoir ce qui ne nous influence pas… (rires)
Austin : Le death metal ! Ça non ! Mais chacun a des « phases ». En ce moment Tak et moi écoutons beaucoup de hip-hop : Kid Cudi, Odd Future

En dehors du groupe, vous avez chacun un métier ?

Thomas : Il faudrait ! Nous avons tous une vie complètement différente… J’ai ma marque de bijoux, et je suis serveur ici.
Austin : Je cherche du travail… J’ai fait une école de communication, mais je préfèrerais travailler dans le spectacle ou l’événementiel… Seb est journaliste. Tak est en école d’architecture.
Alexis : Je monte ma société d’importation et vente d’instruments de musique. C’est ce que je fais depuis dix ans, et je me mets à mon compte.
Thomas : On a construit notre vie autour de Doyle. Quand il y a une tournée, on ne se pose pas de question, on lache tout et on part.

Vous avez plusieurs clips, des teasers de vos tournées, des vidéos de lives… Qui les réalise ?

Austin : Pour le clip de « Submerge » on a fait appel à Fatbros Production, qui cherchait un groupe pour se lancer. Emile Sornin a réalisé le clip, sur lequel il y avait A.D.A.A.M. (Pierre-Marie Croquet, ndlr). Il a fait le teaser du clip. On avait beaucoup accroché avec lui, c’est devenu un très bon ami.
Alexis : Quand on a cherché à faire un clip pour « John Airence », on a naturellement pensé à lui car la chanson fait partie de la bande-son de son court métrage. C’est d’ailleurs lui qui tourne le clip du second single de l’album…
Austin : Dont on ne dira pas le nom ! (rires) Ce clip c’est un gros projet : il se tourne en plusieurs parties, en France, au Mexique… sur plusieurs continents… Du coup il sortira début décembre.

En dehors de ce clip et de la tournée en septembre, d’autres choses sont prévues pour la rentrée ?

Thomas : Nous travaillons sur le deuxième album, on devrait l’enregistrer en début 2012.
Austin : On verra pour la date. On aime prendre notre temps… On ne force pas la composition, c’est mauvais. Les chansons se font à notre rythme, selon notre envie.
Alexis : Ce que nous voulons, c’est sortir quelque chose de réfléchi. Jusqu’à présent, nous avons toujours été fiers et en parfait accord avec tout ce que nous avons livré. Faire un deuxième album pour faire un deuxième album, ça n’a pas d’intérêt.
Austin : C’est une vraie chance d’avoir un producteur qui comprend notre façon de travailler : on n’a aucune pression.
Thomas : Prendre six mois pour faire un clip, ça en aurait saoulé plus d’un… On voit les choses d’une certaine façon. Si elles ne peuvent pas se réaliser comme on les a imaginées, on ne les fait pas.

Pour terminer,  vous avez une devise ?

Austin : Euh…
Thomas : La guerre !!
(Austin, concentré, réfléchi…)
Alexis : Non… Non, on n’a pas de devise.

Ndlr : En off, alors que nous discutions de vidéos qui buzzent… Alexis a dit : « On aime rire. On aime bien faire les choses sérieusement, mais on n’aime pas se prendre au sérieux ». Voilà les garçons, vous l’avez cette devise finalement !

Dans l’objectif de mon Pola : mon avis subjectif

Interview Rock Doyle

Tous droits réservés : Azulita / Emilie Fleutot

Moi et les premières parties, ce n’est jamais le coup de foudre. Doyle, découverts en ouverture des Deftones, est l’exception à ma règle. Leur parcours serrerait le coeur de Patrick Roy : ils nous poussent à prendre la relève de son combat. La France a un problème avec le rock. Ici, le rock c’est BB Brunes et Indochine. Nos voisins européens, eux, ont tout compris… et pogotent de joie à l’annonce d’une nouvelle tournée de Doyle. Un talent fou, à l’état pur. Leurs musiques sont puissantes, maîtrisées. Leurs paroles sont profondes, entraînantes. Le groupe est sujet de frustration. Ecoutez leur album. Regardez leurs clips. Ressentez leurs concerts. Ne me dites pas qu’ils ne méritent pas que leur pays se jette à leurs pieds. La France, pays chauvin ? Que nenni. A l’heure où on exporte plus de fromages que de musique, une taupe bat les records de vente de singles… Doyle, c’est MA fierté nationale. Je voudrais pouvoir les suivre en tournée. Me vanter auprès de tous leurs fans étrangers : « je suis Française, tout comme eux ! ». Impossible. Tant pis. Mais une fierté ça se revendique. A partir de maintenant, j’emporterai partout avec moi une banderole clamant « DOYLE, LA FRANCE T’AIME ! ». La propagande ne fait que commencer.

Des billets pour leur date à la Maroquinerie. J’y serai… et vous ?

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