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Francois Hollande, l'autonomie du dialogue social et la constitution

Publié le 06 juillet 2011 par Bernard Girard
Les propos récents de Francois Hollande sur le dialogue social ont fait polémique. Sont-ils néo-libéraux, comme l'ont pensé plusieurs à l'extrême-gauche mais aussi des observateurs comme Arthur Goldhammer, ou plus simplement socio-démocrates comme je le crois?
Pour en décider, il faut revenir à la proposition de Francois Hollande : "La Constitution devrait, dit-il, garantir à l'avenir une véritable autonomie aux partenaires sociaux." Il voudrait que le parlement et le gouvernement soient juridiquement liés par les conventions signées entre partenaires sur, précise-t-il, "des sujets bien précis et avec la vérification des mécanismes de représentativité."
Il ne propose donc pas la complète liberté de négociation (on ne pourrait pas négocier sur tout et n'importe quoi n'importe comment) mais une transformation du rôle de l'Etat qui devrait beaucoup plus se soucier du respect de la procédure que de la substance des accords.
En affirmant la prééminence de l'autonomie des acteurs, Francois Hollande est en ligne avec toutes les réformes engagées depuis les lois Auroux de 1982 qui donnaient déjà aux partenaires sociaux la possibilité de déroger à la loi notamment en matiere d'aménagement du temps de travail. Le processus a été poursuivi avec notamment la loi Fillon de 2004 qui permettait, sous certaines conditions, des dérogations moins favorables aux salariés. Ce qui avait, à l'époque, suscité les protestations extrêmement vives des syndicats mais aussi des juristes spécialisés.
Cette quête d'autonomie s'inscrit dans le cadre plus large d'évolution du droit social vers plus de décentralisation, plus de négociations avec des obligations plus nombreuses de négocier, la création d'instances susceptibles de le faire dans les entreprises (77% des entreprises de plus de 20 salariés ont des représentants du personnel) et l'ouverture de la négociation à de nouveaux domaines dont les conditions de travail. Cette autonomie est le pendant du développement du dialogue social : on ne peut à la fois vouloir plus de dialogue et brider complètement celui-ci.
La crainte de ses critiques est que la contractualisation accrue des relations de travail conduise à une dégradation des positions des travailleurs. Mais est-ce le cas? Si dégradation il y a, est-elle liée a ces possibilités de dérogation? La loi de 2004 ouvrait la porte à des accords dérogatoires. Il y en a eu très peu pour deux motifs :
- les branches qui ont rédigé des accords depuis ont pris en compte ce risque de dérogation et l'ont très vigoureusement encadré : soit elles interdisent les dérogations, soit elles les limitent. Les négociations d'entreprise ne peuvent que difficilement défaire les conventions signées au niveau de la branche professionnelle,
- les entreprises et leurs DRH hésitent à utiliser ces possibilités qui supposent une grande maîtrise technique de textes juridiques complexes quand on peut obtenir le même résultat en jouant sur le contrat de travail (recours à l'intérim, aux CDD...) ou sur l'organisation sans dégrader le climat social.
La non utilisation de cette possibilité ouverte par la loi amène à une autre remarque : la non effectivité de beaucoup des textes publiés dans le domaine social jugés trop complexes par la plupart des acteurs. Si le dialogue social parait si médiocre en France alors que tant a été fait pour le développer depuis les lois Auroux, c'est qu'il est miné par une réelle insécurité juridique. Les acteurs ne comprennent pas des textes que la jurisprudence fait souvent évoluer dans un sens inattendu. Dit autrement : la plupart des acteurs, dirigeants ou syndicalistes ne savent à quel saint se vouer. Ce qui explique que malgré tous les textes généreux sur, par exemple, la parité home-femme, les écarts de salaires entre sexes restent aussi importants. Plutôt que de se lancer dans des opérations périlleuses, les directions cherchent d'autres solutions et vident, ce faisant, le dialogue social de l'essentiel de son contenu.
Et c'est là que la proposition de Francois Hollande parait intéressante : en proposant de garantir par la Constitution une véritable autonomie aux acteurs sociaux, il apporte un élément qui pourrait réduire cette insécurité qui rend le dialogue si difficile alors même que tous les outils pour le mener sont disponibles. C'est en ce sens que sa proposition me parait moins néo-libérale que soucieuse de rendre le dialogue social plus efficace, ce qui est un souci plutôt socio-démocrate.  Il serait bon qu'il poursuive sa réflexion et amène des propositions qui simplifient le code du travail et incitent les partenaires sociaux à revenir à la table de négociation.

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