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Elena et le roi detrone

Par Lorraine De Chezlo
ELENA ET LE ROI DETRONE de Claudia Piñeiro
Roman - 190 pages
Editions Actes Sud - janvier 2010
Le "roi détrôné", c'est cette fichue maladie de Parkinson qui rend le cerveau d'Elena autrefois souverain à présent non maître de ses gestes et de ses mouvements. A la soixantaine, Elena est condamnée à vivre au rythme de ses cachets, 3 par jour, et à attendre les effets limités de chacun. Elle ne peut plus compter sur l'aide de sa fille Rita, retrouvée morte quelques temps auparavant, pendue par une corde dans la sacristie de l'église du village, à une heure de Buenos Aires. Mais Elena refuse de croire à la thèse du suicide et veut enquêter. Son état physique lui laisse cependant peu de capacité. Ce jour-là, elle prend le train du matin en direction de Buenos Aires à la rencontre d'une personne clé, une femme qui aurait une dette envers elle...
C'est un petit livre d'aspect modeste, moins de 200 pages, une action qui se déroule sur une seule journée. Mais le parcours qu'il fait faire au lecteur est bien plus important que le trajet d'Elena sur Buenos Aires. Abordant d'emblée les difficultés liées à la maladie de Parkinson en nous faisant suivre cette Elena diminuée, marchant lentement, courbée, hantée par la crainte que ses jambes ne se soulèvent plus pour marcher ou enjamber un obstacle, suspendue à ses cachets, sans espoir de rétablissement, on vit chacun de ses mouvements et de ses déplacements dans la ville et les transports comme des exploits personnels vécus de l'intérieur.

Extrait :
"Personne ne peut connaître sa fille aussi bien, pensa-t-elle, car elle est ou a été la mère. La maternité, Elena le pense, garantit certains attributs, une mère connaît son enfant, une mère sait, une mère aime. C'est ce qu'on dit, qu'il en soit ainsi. Elle a aimé et elle aime, même si elle ne l'a pas dit, même si elle se querelle à distance, même si elle se dispute et balance des vacheries, même si elle ne fait ni caresses ni baisers, une mère aime."

Mais il n'y a pas que ça, loin de là. Ce n'est pas un roman sur la maladie. Avant tout, et ceci se dévoile au fil des pages et des souvenirs qu'Elena garde de ses relations avec sa défunte fille, on découvre un récit qui veut parler des relations mère-fille, de la maternité assumée, regrettée, voulue ou non voulue. Sans angélisme aucun, avec âpreté plûtot. On sent bien que les relations entre Elena et Rita étaient difficiles, jalonnées de chamailleries perpétuelles, de mots blessants qui cependant n'effaçaient pas leur attachement profond. Avec la maladie d'Elena, la charge était fatalement devenue lourde à assumer pour Rita qui se retrouvait involontairement mère de sa mère. Et puis, en fin de roman, on découvre Isabel, cette troisième femme qui va nous révéler un secret vieux de nombreuses années et faire jaillir à la figure une culpabilité niée d'Elena. A des actes maternels qu'on pense légitimes, il y a parfois des conséquences dramatiques.
Un roman qui surprend par sa force, non attendue de prime abord. L'auteure sait faire progresser son roman en dévoilant ce qu'il faut quand il faut, d'une belle habileté.
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