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La banlieue, objet apocalyptique de nos fantasmes #2 – Vers la militarisation.

Publié le 16 juin 2011 par Vogelsong @Vogelsong

“Les conséquences de la colère sont beaucoup plus graves que ses causes.” Marc Aurèle

Consensus militaire autour du déploiement de forces dans les cités de la République. À chaque acmé en banlieue, on invoque l’inflation de moyens pour mettre fin aux violences. Cette fois une histoire de gangs. En somme, la force publique en l’état ne peut plus assurer la sécurité des habitants de certaines enclaves. S. Gatignon maire de Sevran, classé à gauche, se joint à la noria de véhéments pour faire respecter l’ordre public. À coups de canon s’il le faut…

Un feu médiatique

La banlieue, objet apocalyptique de nos fantasmes #2 – Vers la militarisation.La pauseuse E. Levy évoquait déjà l’idée en pleine fournaise estivale de l’année 2010, “On est en guerre, on est zone de guerre, on a des gens qui tirent sur les flics à l’arme lourde”. Nonobstant le fait qu’une arme lourde s’entend comme une arme de gros calibre destinée à détruire des infrastructures ou des véhicules, que E. Levy confond surement avec “armes automatiques”, ou “armes de guerres (comme le fusil d’assaut)”, la dialectique belliqueuse ciblant les territoires de la République envahit inexorablement le débat. Et de façon dramatique. Et dramatisée.

On se souvient des appels de la droite politique lors des émeutes de 2005 pour réclamer ce type de mesures draconiennes. Plus récemment, I. Rioufol, jamais en reste quand il faut sévir sur la piétaille des périphéries, concernant l’appel à l’aide du maire de Sevran illustra la situation par le terme “libanisation de certains quartiers”. Dans la bétonnière qui lui sert de système de pensée, il n’oubliera pas de lier cette “libanisation” à la question ethnique, déclarant de go la “faillite du vivre ensemble”. Quelques jours plus tard, le quotidien France Soir du 10 juin 2011 publie en une le définitif “L’armée dans les cités, les français disent oui”. Dans la foulée un dossier de quatre pages du quotidien Le Parisien du 14 juin 2011 au titre filmesque “La cité où les enfants ont peur”. Derrière ce feu médiatique nourri, les va-t-en-guerre en papiers tentent d’oblitérer l’essentiel. Un recours à la force brute en écran de fumée qui masque les problématiques essentielles des zones de non-droits.

Conséquence de la pacification

La question n’est pas de légitimer les trafics ou l’économie parallèle, mais de s’interroger sur son remplacement. Qu’est-ce qui permettra aux centaines de milliers de personnes qui vivent (plus ou moins bien) de ces activités délictueuses de trouver des sources licites de subsistances ? Dans son ouvrage “La loi du ghetto”, L. Bronner décrit minutieusement la stratification des revenus du trafic de drogue qui s’élèvent à 2 milliards d’euros par an*. Selon l’auteur : “60 000 à 120 000 personnes seraient impliquées” au bout de la chaîne du trafic, qui tireraient entre 4 500 et 10 000 euros par an. Une réelle économie de substitution et de survie.

Au-delà de l’efficacité du déploiement militaire (et en imaginant que cela fonctionne), comment ces zones asséchées de l’économie souterraine s’acclimateront au nouvel ordre militaire ? Par quels moyens, autres que l’assistanat, tant vilipendé par les autorités, les habitants de ces quartiers vont trouver les ressources nécessaires au minimum des standards du pays ? Que proposent comme alternatives les va-t-en-guerre, que la survie améliorée pour ces territoires, qu’E. Zambeaux appelle “ces plaques détachées de la banquise” ?

Étant entendu que la pacification comme condition initiale à la revitalisation est une vaste plaisanterie, car même dans les zones où les trafics ne posent pas de problèmes d’hyperdélinquance, rien n’est fait pour sortir les quartiers du marasmes.

La question de la violence

On assiste à une inflation de la réponse sécuritaire. Sans que – on l’aura remarqué – la situation s’améliore. Le pouvoir n’a plus que ce rudimentaire expédiant pour communiquer sur le sujet avec les Français. Dans son shoot quotidien aux faits divers. De façon mécanique on répond à “violences” par “plus de violences”. D’ailleurs la militarisation des forces en banlieue est déjà une réalité. Toujours selon L. Bronner, “Aux violences parfois inouïes (…), répondent des dispositifs policiers toujours plus denses, plus complexes. Une “militarisation” du maintien de l’ordre : Utilisation d’hélicoptères dotés de caméras infrarouges… ; expérimentation de drones ; mise en place d’équipes spécialisées dans les départements urbains, (…)”. Cette stratégie ne mène à rien sur le long terme. Sauf à dévoiler un tropisme de dominants, un réflexe revanchard de la bonne société sur ses parias.

De ce paroxysme de la violence symbolique, exhalent relents xénophobes et prolophobes. En l’occurrence, les pauvres se vautrent dans oisiveté et assistanat, surtout quand ils sont d’origine étrangère. Toute la prose, qui vise à rallier la violence militaire, d’I. Rioufol, d’E. Levy et autres dealers de haines accrédite la thèse racialo-culturelle, bien répandue maintenant, de l’inadaptation de certaines catégories de population bien spécifiques à la vie dans la société française. Dans ce rapport essentiel et mythologique de la nation aux citoyens : de race blanche, de culture chrétienne, d’extraction prospère ; ou d’ailleurs et (dans ce cas) totalement soumis à la domination des suscités.

La question de la force publique dans les zones actuellement dévastées de la République se posera réellement quand les standards d’activités économiques et sociaux auront le niveau médian du reste du pays. En d’autres termes quand tout aura été (réellement) mis en œuvre pour traiter pacifiquement et habilement la question.

Et que seule l’hyper violence, alors, s’imposera comme ultime recours.

*La totalité du plan banlieue de F. Amarra représente en tout 500 millions.

Vogelsong – 15 juin 2011 – Paris


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