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Portrait n°30 : Romero, l’exhib-prop

Publié le 10 mai 2011 par Toreador

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Par Toréador | mai 10, 2011

Et s'il faut un centième, ce sera celui-là !

Un Romero peu discret

Lorsque je me suis aperçu que mon centième du classement Wikio de ce mois-ci était Jean-Luc Romero, je me suis dit que la partie allait être difficile. Allez donc faire de l'humour sur un  homme politique ouvertement homosexuel et malade du Sida et vous risquez d'être accusé d'homophobie, d'indécence ou de mauvais goût (voire des trois à la fois). D'autant, que, contrairement à la quasi-totalité des blogs d'hommes politiques, qui ne sont généralement que des vitrines sans âme rédigées par leur conseiller en com', le blog de Jean-Luc Romero m'a l'air d'être un vrai blog intime/personnel. Des petits billets qui ne sont pas des diatribes enflammées sur le monde, la mondialisation, le bouclier fiscal… mais bien des fulgurances écrites avec les tripes. Pas un mot sur Sarkozy dans un blog : ça existe !

Et pour cause, parce que Romero préfère parler de lui-même. En réalité, l'affaire va plus loin. Je ne sais si c'est lié au fait que Jean-Luc Romero a fait de sa vie privée (un peu malgré lui) son marqueur politique, mais son blog mêle allègrement les deux. Romero c'est un partenariat public-privé à lui tout-seul (J'ai dit PPP, pas PACS)  

J'enchaîne au passage sur un obiter dictum méchant : le conseiller UMP a autrefois regretté qu'on "lui ait volé sa vérité", un magazine gay l'ayant outé, mais je note que depuis il s'est rattrapé avec toute une série d'ouvrages sur son compagnon, l'homosexualité en politique (pas moins de 7 vidéos pour accompagner le lancement de son opuscule "Homopoliticus"), la lutte contre le sida … avant d'embrasser à peu près toutes les causes sociales hétérodoxes possibles. C'est un peu comme si toute inhibition s'était envolée.

Vous l'aurez compris, ce sera un portrait "comme les autres", sans complaisance, avec quelques gouttes de vitriol.

Le combat est la poursuite de Jean-Luc Romero par d'autres moyens

Une telle focalisation sur des combats sociétaux me laisse évidemment un peu songeur. Romeo est par exemple favorable à l'euthanasie. Je ne lui jette pas la pierre : j'y suis moi-même favorable ( Ce billet et celui-ci ont, il y a longtemps, présenté ma vision très dépassionnée de ces grands sujets de société).  

Néanmoins sur la forme un doute m'habite : j'ai l'impression que l'auteur ne fait pas profession d'idées mais commerce de lui-même.

La preuve est qu'il a choisi des combats dont il est lui-même personnellement acteur/témoin. Pourquoi diantre s'emparer de l'euthanasie, autre chiffon rouge de la droite conservatrice ?  Ne serait-ce pas parce que, se savant malade, Romero y voit un prolongement direct de son engagement sur le sujet du Sida ?  Comment interpréter ceci : le fait que psychologiquement, les évènements qu'il a affrontés l'ont marqué au fer rouge ? Ou bien que Romero serait un homme politique à part, qui ne conceptualise rien sinon une expérience de vie : son combat est lui-même.

Romero serait alors l'anti-Christine Boutin, qui défend une culture de Vie essentiellement théorique voire théologique. Boutin tient son message de Dieu. Romero, de lui-même. 

Du coup,  je trouve que sa grille analytique est un peu biaisée. Ainsi, il magnifie Patrick Roy, ce député emporté par le cancer, "parce qu'il n'a pas eu honte de sa maladie". C'est un peu court, il me semble. J'y vois surtout le message d'un survivant, qui au soir de son existence, a atteint la sagesse en réalisant toute la vanité du combat politique. Roy était communiste, sectaire et agressif : la maladie lui a fait  réaliser qu'il était humain. Ce billet est assez caractéristique du coté "exhib" de Romero qui semble n'envisager de parler d'une maladie que sous l'angle d'un combat politique et d'un étalage médiatique. Romero nous parle autant de lui que de Roy. 

Triste Droopy

Mais l'élément le plus caractéristique in fine est que le blog de Romero est  fondamentalement morbide, pour ne pas dire anxiogène. On vous y parle de mort de cancer, de mort de sida, d'euthanasie, de disparus, de souvenirs envolés, de contraception. Même lorsque Romero choisit des combats qui ne sont pas directement liés à ses propres souffrances, il retombe sur des thématiques liées à la mort. Bon, je suis un peu méchant. Romero parle aussi de prisons ou de déportation homosexuelle. Le seul élément joyeux (je n'ai pas écrit "gay"), ce sont ses vidéos d'autopromotion. 

Cette sourde mélancolie qui semble imprégner les pages du monde de Romero, mais qui alterne aussi avec la pugnacité de l'auteur, vient à son comble sur la page "Hubert, l'amour d'une vie", consacrée à son compagnon emporté par la maladie en 1994. C'est à la fois massivement impudique, vaguement troublant, mais aussi émotionnellement très fort.

Je me suis interrogé par moments : Romero ne serait-il pas tout simplement "un candidat de niche", quelqu'un qui se sert de son orientation sexuelle pour s'automédiatiser ?

Cette page m'a suffi à infirmer cette thèse. On ressort de sa lecture avec le sentiment qu'une partie de Jean-Luc Romero a cessé de vivre il y a 17 ans, et que c'est son fantôme-à-vif qui continue le combat, verrouillé par la seule force d'être un survivant, hanté par la mort et le drame de la Vie. A coeur malade, rien d'impossible. 

Et ça nous rend vaguement sympathique cet homme aux yeux de cocker triste et infiniment plus respectueux de ses combats. Triste Droopy. 

N°95

Tags: combat, culture de mort, droopy, euthanasie, homosexualité, Liberté, morbide, PACS, Romero, sida, vie privée / vie publique

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