Les évènements en cours au Japon ont été le coup d’envoi d’un vaste débat sur l’énergie nucléaire. Loin d’être franco-français, ce débat s’est engagé dans de nombreux pays du monde, dont certains gouvernements ont déjà annoncé des prises de décisions en la matière.
Dans les années 1970 en pleine crise pétrolière, les politiques français ont décidé de passer d’une production électrique « tout pétrole » à une production « tout nucléaire », en à peine 15 ans. Aujourd’hui, les dirigeants, politiques et industriels français, s’acharnent pour expliquer aux Français que nous avons « besoin » du nucléaire et que nous n’avons pas le choix, que nous ne pouvons nous en passer… Ils choisissent ainsi la voie sans issue, alors qu’un autre itinéraire est possible.
© Greenpeace / Markel Redondo
Quelques chiffres et faits sur le nucléaire
Le nucléaire ne répond qu’au seul besoin en électricité. Ainsi, la part du nucléaire dans le mix énergétique français est dérisoire : l’atome représente 17 % en énergie finale (mais 80 % de la production d’électricité). Et encore plus faible en Europe (5 %) ou dans le monde (2,7 % de l’énergie finale et 13,8% de la production d’électricité).
Le nucléaire n’assure PAS la supposée indépendance énergétique de la France tant vantée par nos dirigeants. Nous consommons autant de pétrole que nos voisins européens qui, eux, n’ont pas fait le choix du tout-nucléaire (en 2009, la France a importé l’équivalent de 45 milliards d’euros de pétrole). Par ailleurs, l’uranium (matière première du nucléaire) est importé à 100 % (dont 30 % en provenance du Niger, un pays dont l’instabilité politique, économique et sociale représente un risque élevé).
Sortir du nucléaire ne signifie pas émettre plus de CO2. On tente de nous faire croire que nous n’avons le choix qu’entre la peste et le choléra. Aujourd’hui sortir du nucléaire ne signifie pas utiliser des énergies du passé telles que les énergies fossiles. La France doit être ambitieuse et se doter d’un modèle énergétique moderne et propre. L’énergie nucléaire est une énergie du passé, le principe même à plus de 50 ans.
Sortir du nucléaire n’est pas non plus synonyme de chômage ou de difficultés économiques ! Au contraire : la mise en place d’un nouveau système énergétique est un vrai levier de croissance. Des milliers d’emplois peuvent être créés. En Allemagne, le développement des énergies renouvelables est déjà à l’origine d’au moins 250 000 emplois, au Portugal, c’est un facteur de dynamisme économique important.
Un scénario énergétique crédible
Contrairement à ce que tentent de faire croire les partisans du nucléaire, personne ne dit qu’il faut fermer toutes les centrales du jour au lendemain ! Ce changement prendra du temps, mais il est nécessaire, dès aujourd’hui, de prendre une décision politique immédiate pour un plan de sortie progressive du nucléaire.
L’association négaWatt, qui rassemble des ingénieurs et des architectes, a bâti un scénario solide et précis, qui prévoit la fermeture progressive des centrales françaises sur 30 ans tout en réduisant les émissions de CO2. Et sans couvrir la France d’éoliennes, comme le prétendent les pro-nucléaires ! Cette démarche repose sur trois piliers : sobriété, efficacité, renouvelables.
La sobriété n’est pas un gros mot : en 2050, la France aura un besoin électrique de 848 TWH. Il est possible de réduire cette consommation de 50 % en étant économe. Ce n’est pas de la décroissance ou le retour à la bougie. Cela passe par l’élimination « des consommations extravagantes » telles que les panneaux publicitaires lumineux consommant chacun autant d’électricité que six Français réunis.
Il faudrait aussi généraliser les équipements moins gourmands (réfrigérateurs, lave-linge, TV, ordinateurs, etc.) et lancer la chasse au gaspillage en éclairage public ou domestique en remplaçant par exemple le chauffage électrique par la biomasse, la géothermie et en isolant les bâtiments.
En développant l’éolien en mer et en améliorant le rendement des turbines, l’énergie du vent pourrait voir sa production multipliée par 14 d’ici à 2050. Les centrales au gaz permettraient de faire la transition avec le nucléaire. Cela sans augmenter les émissions de CO2 grâce à « un très grand programme de rénovation de l’habitat » pour réduire par trois ou quatre la consommation d’énergie des logements anciens. Les efforts de recherche porteront sur le stockage de l’électricité afin de redistribuer, en période de forte consommation, l’énergie des éoliennes ou des panneaux solaires.
En faisant le choix du nucléaire, la France a réussi à mettre en place en quelques années seulement une technologie extrêmement chère, complexe et dangereuse. Pourquoi ne pourrait-elle aujourd’hui changer de direction et développer avec la même réussite d’autres énergies ? Changer de modèle énergétique est techniquement possible, pertinent pour l’environnement et pour l’économie. Ce n’est qu’une question de volonté politique !