"Dins ch’nord y a pont qu’des corons, dins ch’nord y a pont qu’du carbon, in a un aussi du houblon, in a aussi du pichon", comme dit la chanson. Mais y'a pas que ça! Y'a aussi d'bios chicons et d'bons canons. Du vin bien nature, au Salon de Séclin, mais pas exclusivement. Partenaire du salon cette année, le Blog d'Olif a fait bien volontiers le déplacement pour profiter de la douceur du printemps ch'ti et faire trempette dans la mer du ch'Nord. Un partenariat bien cool, puisqu'il a consisté en une simple présence et un tour des stands vignerons, même pas besoin de signer des autographes. Profitant de ce que leur gouvernement avait le dos tourné, les Belges en ont profité pour envahir le domaine Napoléon, sans refaire le coup de Waterloo.
Avant de s'immerger dans la ferme carrée du domaine Napoléon, blindée de cartons de vins et de vignerons pour l'occasion, une visite du vieux Lille s'imposait. Pas celui qui pue à force d'être macéré dans la saumure, ce qui ne l'empêche pas d'être excellent, même si ce n'est en théorie plus la saison. Non, celui qui resplendit sous le soleil printanier, avec ses façades lumineuses, son architecture ancienne, ses rues pavées et ses estaminets restés dans un jus soigneusement entretenu. Pour se sustenter, point d'chicons, mais un welsch au Maroilles (aussi sensuel, gonflé et savoureux que le 95C de Raquel habillée d'une peau de bête), au Vieux de la vieille et aux petits oignons, Place aux Oignons, derrière la Basilique de Notre-Dame de la Treille. Ne pas avoir goûté à la bière de l'estaminet m'aurait miné. Elle remplace avantageusement le jus de Notre-Dame et le service y fut d'une grande affabilité, je ne dis même pas ça parce que la serveuse était jolie.
L'estomac aussi bien calé, les vignerons nature en Nord n'avaient qu'à bien se tenir. Rien de tel pour se faire le palais, le matin, qu'une Uva 2009 du domaine de la Tournelle. Avec ça, tu vas! Et c'est parti pour de joyeuses rencontres, découvertes, révélations, confirmations, dont il ne sera possible de retenir que quelques bribes:
- la rencontre avec Madame Vouette et Monsieur Sorbée, sans chapeau mais avec une casquette. Les vins, je les connaissais déjà, des Champagnes de l'Aube qu'on peut boire jusqu'au crépuscule. Blanc d'argile 2007 est une pure expression de chardonnay qui tend vers le kimmeridgien et qui le mérite bien. Minéral, fruité, acidulé, à la bulle vive, ce sera un vrai coup de cœur. Le deuxième coup de cœur en Champagne, ce sera pour les Murgiers, de l'ami Francis Boulard, dans sa version non dosée, à la bulle lumineuse et éclatante. Rien à jeter parmi les autres cuvées, au potentiel très certainement supérieur (les Rachais 2005, Petræa, Mailly Grand cru, Millésimé 2005), mais le blanc de noirs des Murgiers m'a tout particulièrement séduit, avec un rapport Q/P exceptionnel, de surcroît.
- la découverte des vins de Dominique Andiran du domaine Haut-Campagnau. Des Côtes de Gascogne qui cognent fort, avec l'accent du Sud-Ouest. Et puis un vin de Pissenlits, c'est déjà la saison, même si celui-là a passé quelques années en vidange sous voile. Cachez ce manseng que je ne saurais boire? Tout le contraire, en fait, un vin étonnant dans un registre oxydatif surprenant, peut-être plus accessible dans la cuvée Ruminant des vignes, également élevée sous voile, mais moins longtemps.
- la révélation des vins auvergnats de Jean Maupertuis, dont une cuvée La Presse 2009 totalement bluffante, qui fait éruption en bouche. Quand le Gamay d'Auvergne réveille les volcans papillaires ...
- la confirmation de la maestria et de la force tranquille de Christian Chaussard et Nathalie Gaubicher, vignerons aux Nérons, dont la gamme You are so est de plus en plus Bubbly, Fine, Nice, etc. Le Bubbly pétille naturellement d'Ardèche et ça chwingue sévère. Patapon 2009 (80% gamay, 20% Aunis) est une vraie bombe, Les Mortiers 2009 (100% Aunis) est à attendre profondément mais possède une matière à ne pas avoir envie d'attendre autant.
Et puis, Rouge Garance, le Mas de mon Père (Cause toujours, Frédéric, et cause toujours, Laurent, cet assemblage de cinsault et grenache est juste épatant), Charlotte et Jean-Baptiste Sénat, l'Arena de René Mosse (Savennières) et le must d'Arena (Antoine), ses deux sublimes rouges 2009 de Corse (Carco et une cuvée 0 soufre), la pétillante Mireille Meyer, et Patrick aussi, évidemment, la toujours jeune Yvonne Hégoburu, béarnaise de Souch, dont la vendange tardive 2005 est à se mettre à genoux, Christine et Gilles Berlioz, qui font briller la Savoie au firmament, la Côte-Rotie 2008 du domaine Clusel-Roch, L'Ebrescade 2007 de Marcel Richaud, Métisse 2010 de Maxime Magnon, la Combe d'Ève d'Emmanuel Giboulot (et toutes ses autres cuvées 2009 de Côtes de Beaune, également, en blanc, marquant parfaitement leur terroir), les Savennières de Damien Laureau, le Morgon 2010 du domaine Lapierre, Les Ardilles 2009 d'Isabelle Villemade...
Une pareille organisation nous a laissé comme deux ronds de Flandres. À s'en perdre dans les dunes et sur le sable, du côté de Zuydcoote, la destination pour parfaire un week-end dans le Nord. Sans embarquer sauvagement pour l'Angleterre. Parce qu'il ne fallait surtout pas manquer la dernière soirée À l'Huitrière. Une formule buffet de fruits de mer-traiteur particulièrement savoureuse et marquante, accompagnée d'une partie des restes de vin du week-end. De quoi rendre heureux et épanouis le tandem Giboulaurot à la sortie de cette institution de la gastronomie lilloise.
Quand les vignerons font salon dans ch'Nord, c'est à Séclin que ça se passe, et ils sont généralement enclins à y revenir. Le Blog d'Olif aussi, d'ailleurs, tant l'accueil ch'ti fut à la hauteur. Le sens du partage et de l'échange des frères Carpentier, gentils et brillants organisateurs, y fut très certainement pour quelque chose.
Olif
P.S.: pour se loger, n'ayons pas peur de s'embourber dans le Marais des Loups, un loft d'hôtes extra, situé à Phalempin.
P.S.2: pour le prochain salon, les Belges joueront à domicile, du côté d'Olne, sweet Olne. Chacun son tour... Le sirop de Liège va couler à flots et les boulets-frites seront tirés dans tous les coins.