Magazine France

De retour de Turquie, Sarkozy devient premier ministre

Publié le 28 février 2011 par Juan
De retour de Turquie, Sarkozy devient premier ministreQuelle accélération ! Vendredi, Nicolas Sarkozy rencontrait ses homologues turcs pour « travailler ». On n'a pas bien compris ce qu'il en était ressorti de concret. Il y avait urgence à Paris. Sarkozy s'agaçait des interventions diverses en faveur de Michèle Alliot-Marie. Quatre mois à peine après un remaniement gouvernemental pourtant annoncé et préparé pendant 6 mois, Sarkozy changeait à nouveau son équipe de ministres. La Sarkofrance adopte l'instabilité de la IVème République. Dimanche soir, le Monarque s'exhibait quelques 7 minutes à la télévision pour tenter de convaincre de sa sérénité.
Speedy-Sarko en Turquie...
Vendredi dernier, Nicolas Sarkozy était donc en Turquie. Trois cent quinze minutes sur place pour une visite à peine officielle. On a beaucoup commenté ce service minimum sarkozyen à l'égard d'un tel partenaire majeur. Depuis 2007, le Monarque n'a pas souhaité développer les relations franco-turques comme il l'a fait avec d'autres Etats, souvent de réelles dictatures (Syrie, Libye, Egypte). Cette attitude n'était qu'électoraliste. Sarkozy s'oppose à l'entrée de la Turquie en Europe, quels que soient les progrès démocratiques du pays. Une position contraire, pense-t-il, lui ferait perdre des voix.
En arrivant  à Ankara, le Monarque mâchait encore un gros chewing-gum. Le maire d'Ankara, qui faisait partie de la délégation turque, n'a pas apprécié. Un quotidien local moqua tristement la venue du Monarque français, et « la nonchalance de ses jambes croisées mi-écartées.» Globalement, l'accueil fut très froid. En France, Henri Guaino, le conseiller non-élu de Nicolas Sarkozy se permettait quelques leçons de politique étrangères à l'encontre des diplomates anonymes qui critiquèrent l'amateurisme de Nicolas Sarkozy dans une tribune publique mardi dernier.
Nicolas Sarkozy a donné une interview au quotidien local POSTA. L'introduction dérape, comme souvent, dans le ridicule : « En venant en Turquie, je me rends dans un grand pays ami et allié ; un pays qui joue un rôle de plus en plus actif dans les affaires du monde ; un pays avec lequel la France partage des relations anciennes puisque cela fait maintenant près de cinq siècles que François Ier et Soliman le Magnifique ont noué des relations diplomatiques. » Replacer sa visite expresse sous l'ombre tutélaire de ... François Ier est osé.
Lors de son « point de presse » de 32 minutes avec le président turc, ce dernier a remercié le Monarque pour « sa franchise » et l'invita pour une « vraie » visite dès qu'il le souhaite. Sarkozy avait le sourire coincé. « Merci monsieur le Président Gül. Je voudrai dire combien je suis heureux... d'être en Turquie... à l'invitation du Président Gül.... Et je suis très heureux d'être celui qui mette un terme à cette parenthèse de 19 années sans visite. » L'argument est lâché. C'est l'élément de défense de Sarkofrance aux critiques contre la durée courte de sa visite. « Je crois, et depuis longtemps, au rôle essentiel de la Turquie sur la scène internationale, rôle qui est du à l'importance et à l'ancienneté de son histoire, de sa civilisation , les valeurs qu'elle porte. » Et il  complète, péremptoire et creux, « le monde a besoin d'une Turquie qui prend des initiatives.» Sans blague... Sarkozy s'exprime au nom du monde...
Il prend sa présidence du G20 très au sérieux. Il n'hésita pas à se présenter maître du monde : « j'ajoute qu'en tant que président du G20, il est très important pour la France de pouvoir avoir le soutien de la Turquie sur des sujets aussi difficiles, aussi urgents et aussi complexes que la réforme du système monétaire international, qui concerne la Turquie... notamment sur l'afflux des capitaux et leur rôle potentiellement déstabilisant...» Et il ajoute : « nous partageons tous les deux la conviction que c'est une enceinte incontournable. »
A Ankara, les deux présidents ont parlé de nucléaire, Sarkozy proposant un « partenariat sans limite avec la Turquie sur le nucléaire, ce qui est façon d'ailleurs de témoigner de notre confiance dans la démocratie turque, dans la stabilité de la société turque et dans le potentiel de l'économie turque... » L'homme est gonflé. Depuis son élection, Nicolas Sarkozy a vendu la technologie nucléaire française, à des niveaux divers, à la Libye, l'Algérie, la Tunisie, l'Afrique du Sud, l'Inde, l'Arabie Saoudite, Abou Dhabi, l'Egypte. Il avait même précisé, en novembre dernier, que l'Iran avait droit au nucléaire civil... La Turquie appréciera l'engagement...
... pris en défaut
En Turquie, Nicolas Sarkozy était visiblement mal à l'aise. Son opposition à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne est fondée sur des convictions personnelles, un mélange d'arguments quasi-religieuses, géographiques et institutionnels. Mais ces critères n'étaient pas ceux avancés par les responsables européens, y compris français, contre l'adhésion turque. L'UE s'est contentée de mettre en exergue le respect des libertés politiques et les progrès démocratiques. Or, en Turquie, le président français n'a cessé de louer la démocratie turque, privant par là même l'UE de tout argument pour refuser que ce pays la rejoigne... En d'autres termes, Sarkozy l'a joué perso, comme souvent. Deux journalistes lui reprochèrent son attitude. L'un l'interrogea sur la crédibilité de la France, qui s'oppose avec des arguments différents de ceux prévus par l'UE pour évaluer cette adhésion. L'autre, une journaliste turque, profita de l'occasion pour s'étonner que la France bloque l'adhésion turque alors que cette dernière est un « modèle » pour les mouvements démocratiques au Moyen Orient et au Maghreb et que l'Europe a eu peu de prises sur le printemps arabe. Sarkozy répondit le visage grimaçant : « je vous remercie pour cette question extrêmement modérée. Je félicite le président Gül d'avoir des journalistes tellement emprunts de confiance dans l'avenir de la société turque. J'aimerai tellement que ce soit parfois le cas en France aussi. (...) Je dis aux journalistes français qu'on peut être journaliste et en même temps inconditionnel de son pays... » Sarkozy continua : « quand vous dites que la France est le seul pays d'Europe à avoir cette position, je crois que vous pris dans votre enthousiasme, et que vous savez parfaitement que ce n'est pas exact.»
Pour le reste, Sarkozy plaida le « compromis.» « Je pense que le tout-adhésion et l'association dont le gouvernement turc a eu l'occasion à plusieurs reprises de dire qu'il ne voulait pas ... il y a un chemin d'équilibre qu'on peut trouver si on regarde cette question avec le souci de l'apaisement et... de la vision. » Il s'engagea ensuite dans une explication maladroite, expliquant qu'aucun Turc n'accepterait une ingérence étrangère. Et que donc il faut laisser les révolutions arabes du moment se dérouler sans soutien : « ce qui se passe au Moyen Orient appartient d'abord aux peuples du Moyen Orient. » Et d'ajouter : « que voulez-vous que les vieilles démocraties européennes, au sens de l'histoire, ou la démocratie turque, fassent si le peuple égyptien, si le peuple tunisien ne sont pas décidés à prendre leur destin en main ? » Ce n'était pas la question...
« La très grande nouvelle, c'est que ces peuples aspirent à la démocratie, au progrès social, au progrès économique. » Sarkozy ose tout. Même d'affirmer ainsi que les peuples tunisien et égyptien n'étaient pas mûrs pour la démocratie, qu'ils ne la souhaitaient pas vraiment avant les récentes révolutions. On a honte. Sarkozy enchaîna sur l'Union pour la Méditerranée, qui mérite, selon lui, d'être refondée. Car, dit-il, elle a été créée avec « des régimes autoritaires, avec lesquels nous avions des relations parce qu'ils étaient laïcs et qu'il n'y a pas d'alternatives crédibles.» La réal-politik a bon dos. En une phrase, Sarkozy excuse tout. Les voyages privés, les accolades, les courbettes, le silence assourdissant pendant les émeutes, le prêt ou la vente de matériel répressif. « C'est sans doute un tournant historique... que personne dans le monde n'avait prévu.» Le printemps arabe est un tournant historique. Il n'y a pas de « sans doute » qui vaille. Sarkozy est-il toujours mal à l'aise avec la disparition de ses alliés autocrates ?
Interrogé sur un éventuel désaccord sur l'opportunité de sanctions contre le colonel Kadhafi, les deux chefs d'Etat réfutent. M. Gül pense aux ressortissants turcs qu'il a fait rapatriés (10.000 à ce jour). Sarkozy répond que la position de la France est « claire » : « Monsieur Kadhafi doit partir.»  Première nouvelle. Il faut donc oublier les courbettes de 2007...
Un peu plus tard, dans sa déclaration conjointe avec le premier ministre Erdogan, Sarkozy conclua par une promesse : « Je vais dire à mes amis Turcs que j'ai une réunion de travail aujourd'hui. Le Premier ministre a beaucoup de travail en Turquie, j'en ai beaucoup en France. Voilà, j'ai trouvé une occasion de venir à Istanbul, c'est l'insistance de nos amis Turcs. Vraiment, merci, c'est d'accord. »
Pour faire bonne figure, Sarkozy et Erdogan publièrent un relevé de « conclusions.» Il fallait prouver aux journalistes français que le Monarque avait bossé. On y lu un ensemble de platitudes et d'évidences : la Turquie soutient la France, il faut « assurer une croissance forte, durable et équilibrée » et « augmenter l'emploi » ; la régulation financière, c'est important, et « la France et la Turquie déclarent qu'elles renforceront le partage d'informations relatives au financement du développement et de la lutte contre le changement climatique. » On est bien servi ! Que d'innovations et de décisions !
Sarkozy devient premier ministre
Dimanche, le Monarque s'est agité pour régler sa crise de politique intérieure. Le fiasco diplomatique de la France depuis décembre dernier face au printemps arabe s'était transformé en catastrophe intérieure. Il a planté toute la stratégie électorale de reconquête de l'opinion sur le terrain étranger. Il fallait bouger. Ce sera le douzième remaniement depuis mai 2007. A force d'incompétence, Sarkozy a réinventé l'instabilité ministérielle version IVème République.
Il a passé l'essentiel du weekend à la Lanterne, cette belle résidence présidentielle près du Chateau de Versailles. A 15H, il était à l'Elysée.  A 17h48, Michèle Alliot-Marie confirmait sa démission. A 20h, sur les chaînes nationales et d'information, le candidat s'exprimait, filmé sérieux, en gros plan. Il s'abrita derrière le printemps arabe pour justifier la nécessité de « réorganiser les ministères régaliens ». Il dramatisa à souhait, pour mieux excuser ses errements. Pas un mot sur les bourdes, les conflits d'intérêts, la complaisance Il commença par excuser la position de la France, il fallait créer des remparts contre l'islamisme et le terrorisme. « ces révolutions arabes ouvrent une ère nouvelles à nos relations avec ces pays. » Ou encore : « ce changement est historique. Nous ne devons pas en avoir peur. Nous ne devons avoir qu'un seul but : aider, accompagner ces peuples qui demandent à être libres.» Il loue cette « espérance qui vient de naître » mais s'inquiète des « conséquences sur les flux migratoires et le terrorisme.» L'argument est lourd. A la faveur des révolutions arabes, Sarkozy peut appuyer sur l'immigration comme thème de campagne.
Le Monarque voulait nous faire croire qu'il agit :  « la France a demandé que le Conseil européen se réunisse pour que l'Europe adopte une tratégie commune », afin de « promouvoir l'éducation et la formation de la jeunesse de ces pays. » Sarkozy enchaîna en répétant ce qu'il annonçait déjà vendredi dernier, la relance de « l'Union pour la Méditerranée fondée à l'initiative de la France le 13 juillet 2008 » ... avec le Syrien El Assad, l'Egyptien Moubarak, le Tunisie Ben Ali et le Libyen Kadhafi...
Il conclut par son remaniement : « c'est mon devoir de prendre les décisions qui s'imposent quand les circonstances l'exigent » et « pour obtenir les résultats que vous attendez et que nous obtiendrons, je me dois de ne faire prévaloir aucune autre considération que l'efficacité et l'intérêt général dans  le choix de ceux auxquels sont confiées les responsabilités de l'Etat. » Ainsi Alain Juppé, « homme d'expérience » sera ministre des affaires étrangères ; Gérard Longuet, qui rêvait du poste depuis 20 ans, le remplace à la Défense ; et Claude Guéant, le Grand Vizir non élu, qui l'a « accompagné depuis 9 ans dans toutes les responsabilités au ministère de l'intérieur », reprend un nouveau ministère intérieur/immigration.
Sarkozy espère que « les fonctions régaliennes de l'Etat » seront ainsi préparées aux nouvelles échéances. Avec ces changements, il éclipse François Fillon et se comporte en premier ministre. Fillon fut absent, dépassé, cornaqué. La tradition de la Vème République voulait que le premier ministre présente et négocie son équipe. Le changement fut précipité, et l'exécutif élyséen se trouve affaibli par le départ de Guéant, signe d'une reprise en main directe du gouvernement par Sarkozy en personne. L'obscur Xavier Musca reprend le secrétariat général de l'Elysée, et Hortefeux est placardisé en conseiller politique. L'ami de 30 ans, inefficace, multirécidiviste de la sanction judiciaire, est également évacué sans davantage de considération ni d'hommage.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Juan 53884 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte