En ce début d'année 2011, les séries américaines ont (un peu) réinvesti mon petit écran. Oh, j'ai bien conscience que ce phénomène n'est qu'une illusion. Car c'est un chapitre de ma vie téléphagique US qui s'achève. La belle aventure humaine qu'a constitué Friday Night Light s'est terminée tout récemment. Je savoure avec une lenteur calculée chaque visionnage d'un nouvel épisode de Big Love, sachant qu'il s'agit de la toute dernière ligne droite. Heureusement, je trouve quand même quelques séries américaines encore jeunes. Et ce mercredi 9 février 2011, c'était mon marshall favori du petit écran qui signait un retour remarqué : débutait en effet sur FX la deuxième saison de Justified.
Perfectible certes, mais avec un charme et une identité propres qui séduisaient, telle était l'impression que m'avait laissée la première saison. Comme une bouffée téléphagique d'air frais, ce season premiere m'a rappelé tout l'attachement que j'éprouve pour l'ambiance confusément anachronique qui règne dans cette fiction. Je pourrais dire que je suis la première surprise de constater que les recettes investies par Justified marchent si bien sur moi, mais il y a quand même une certaine logique. Je ne suis pas loin de penser qu'on pourrait décalquer géographiquement les séries américaines susceptibles de me plaire : surtout installer l'action loin de ces côtes surannées (Est comme Ouest), loin des grandes villes (Treme étant à la fois une confirmation et une exception)...
Ce season premiere s'inscrit dans la droite ligne de l'esprit de la série. Il s'ouvre directement sur la suite de la fusillade fatale qui avait conclu la saison 1, conséquence explosive des inimitiés que Raylan est toujours si prompt à se créer. Décidé à solder une fois pour toute ses comptes avec la Floride et ce passé qui le poursuit en mettant en danger ses proches, notre héros en interrompra même la quête de vengeance de Boyd pour débarquer chez le commanditaire de tous ses récents maux avec ce fameux aplomb teinté d'une diffuse arrogance nonchalante dont il est coutumier. A Miami, tout se règlera d'une manière aussi expéditive qu'efficace, le temps d'un pré-générique qui constitue la chute finale du fil rouge qui aura marqué la première saison. Choisissant de ne pas s'appesantir outre mesure sur une histoire qui a déjà été très exploitée et a connu son lot de rebondissements, Justified préfère donc refermer sans tarder ce chapitre pour mieux se lancer dans une nouvelle saison qui s'annonce sous des auspices très similaires à la précédente, et tout aussi intrigants.
Si Raylan retourne dans son cher Kentucky natal avec lequel il entretient des rapports si ambivalents, il le fait cette fois volontairement, refusant la proposition d'être réintégré dans son job de Floride. La signalisation des agissements suspects d'un délinquant sexuel va être l'occasion d'échapper au supplice d'une paperasse qui n'en finit plus, tout en offrant l'opportunité de replonger dans ce Sud profond qui fait l'identité de la série, ces bourgs reculés dans lesquels il faut avoir grandi pour vraiment comprendre les ressorts qui les animent et les font vivre. Rondement menée, avec son lot de jeu de pistes, ponctué par un soubresaut de suspense, l'enquête sert surtout de prétexte pour introduire un autre clan familial prospérant en marge de la loi, les Bennett, régis par une matriarche qui va d'emblée s'imposer, avec un style propre, comme un adversaire plein de potentiel. Certes, comme les Crowder la saison passée, ce sont de vieilles connaissances de Raylan, dans cet arrière-pays où tout le monde se connaît. Mais c'est de façon bien moins ostentatoire et plus subtile, une sorte de poigne de fer dans un faux gant de velours, que Martindale régente son petit monde. Pour autant, la fin de l'épisode nous informe qu'elle n'en est pas moins impitoyable. Un twist parfait pour retenir l'attention et la curiosité du téléspectateur.
Avec ce retour, la série capitalise donc sur ses atouts, s'inscrivant dans une certaine routine narrative où le téléspectateur retrouve immédiatement ses marques. Pour moi, le charme de Justified réside avant tout dans l'atmosphère atypique qui s'en dégage. C'est une série se construisant et se nourrissant des ambivalences qu'elle sait parfaitement mettre en scène. Quoi de plus fascinant que le plongeon qu'elle permet dans ce Kentucky profond qui donne parfois l'impression d'évoluer déconnecté du reste du pays, presque hors du temps, apparaissant comme un coin reculé chérissant plus que tout une indépendance anarchique face une société moderne qui ne semble pouvoir l'atteindre. Quoi de plus attrayant et d'étonnamment savoureux que ce mélange de codes scénaristiques qui n'innovent pas mais forment un cocktail détonnant, entre western et fiction contemporaine, saupoudré d'une pincée de cop show universel. La force de Justified est de parvenir à se réapproprier des traditions télévisuelles du petit écran américain que d'aucuns jugeraient d'un autre âge, tout en les dépoussiérant et les remettant au goût du genre par le jeu d'un anachronisme qui en devient finalement rafraîchissant. Tout en sachant conserver une certaine distance d'où n'est pas absente une pointe d'autodérision, Justified donne parfois l'impression d'avoir le goût d'un classique sans en avoir l'âge.
De plus, si le concept s'épanouit de manière aussi convaincante, il le doit aussi à la dimension humaine que la série cultive avec soin. Elle n'a pas son pareil pour prendre le temps de construire, en quelques scènes clés, la personnalité des criminels, même si ces derniers ne sont de passage que pour un bref épisode. On a rarement, voire jamais, l'impression d'être face à des protagonistes déshumanisés et interchangeables dans Justified. C'est pourquoi elle renvoie l'impression si agréable et satisfaisante d'une oeuvre réellement finalisée, loin du pré-formatage mécanisé d'autres fictions du genre. Et puis, en pivôt central, il y a bien sûr le personnage de Raylan. Alors même qu'il aurait pu si aisément glisser dans la caricature facile d'une figure rigoriste à la gâchette facile, il s'insère au contraire parfaitement dans la tonalité générale de la série, symbolisant justement l'ambiguïté de ce Kentucky, jouant sur une assurance théâtrale, jamais prise en défaut, que permet de contrebalancer une décontractation qui confine parfois à la fausse nonchalence. Ne commettant jamais l'erreur de se prendre trop au sérieux, Timothy Olyphant excelle dans ce genre de rôle.
Bilan : Justified est une de ces séries d'ambiance que l'on retrouve toujours avec plaisir. Savoureusement anachronique, c'est une fiction moderne qui s'inscrit dans les grandes traditions du petit écran américain, tout en sachant conserver une tonalité quelque peu décalée qui lui permet de trouver le juste équilibre et de se bâtir une identité propre. Elle n'innove pas, mais le mélange qu'elle propose aboutit à un résultat aussi dépaysant que fascinant. Certes, on pourra sans doute lui reprocher un certain manque d'homogénéité dans ces saisons qui prennent leur temps pour réellement démarrer, construites pour aller crescendo. Mais en ce qui me concerne, je reste définitivement sous le charme.
NOTE : 7,5/10
Un teaser de cette saison 2 (sans spoiler) :
Le générique de la série :