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Chasseur de primes

Publié le 28 janvier 2011 par Malesherbes

Le ministre de l’Éducation vient de conclure avec trois syndicats de chefs d'établissement (SNPDEN-UNSA, majoritaire, ID et SGEN-CFDT) un accord aux termes duquel les principaux de collège, les proviseurs de lycée et leurs adjoints se verront accorder une prime pouvant aller jusqu'à 6 000 euros tous les trois ans en plus de leur traitement.

Pour apprécier l’intérêt d’une telle mesure, il me semble opportun de rappeler ce qu’est une prime, dispositif largement utilisé dans le privé afin, paraît-il, de récompenser le mérite. Tous ces novices en matière de politique salariale se sont laissé abuser par la locution « en plus ». Actuellement, l’État s’acharne à réduire la masse salariale de l’Éducation nationale en supprimant les postes par dizaines de milliers, alors que, depuis l’an 2000, la natalité en France progresse sensiblement et que, dès la rentrée prochaine, on verra arriver dans les collèges les premiers membres de ce baby-boom. Ces chefs d’établissement sont-ils assez candides pour s’imaginer un instant que ces primes correspondront à une augmentation de leur rémunération ?

Comment procèdent donc, dans le privé, les responsables d’une unité pour satisfaire les attentes de leurs subordonnés en matière de salaire ? Ils ne peuvent bien entendu agir que dans le cadre d’une enveloppe globale dont le montant leur est imposé. L’augmentation de salaire est la première aspiration des employés qui constatent la perpétuelle augmentation des prix. Mais cette augmentation est frappée, aux yeux des responsables, d’un grave défaut : le salarié va pouvoir bénéficier de celle-ci tant qu’il restera dans l’entreprise. Tandis que la prime est beaucoup plus économique : l’employé la perçoit au cours d’une année donnée et il lui faudra faire la preuve de son excellence dès l’année suivante pour recevoir à nouveau une prime. Et s’il a alors la sensation d’une nouvelle récompense, il ne réalise pas nécessairement que celle-ci ne fait, dans le meilleur des cas, que maintenir ou légèrement améliorer la rémunération qui aurait été la sienne si, l’année précédente, il avait vu son salaire augmenter comme il le souhaitait.

Le deuxième désavantage d’un tel système est que l’attribution d’une prime dépend du niveau de réalisation des objectifs fixés, je pense, par le rectorat. Dans un domaine non commercial et non concurrentiel, les dits objectifs risquent fort d’être plutôt subjectifs et les réalisations difficilement quantifiables. Je rapporterai dans un autre billet les leçons que j’ai pu tirer des expériences faites en matière de rémunération au cours de ma vie professionnelle passée. Mais je tiens à dénoncer dès maintenant ce nouveau sacrifice à l’unique indicateur de valeur du monde dans lequel nous vivons, l’argent.

Le travail est ce qui, pour la plupart d’entre nous, permet d’assurer notre subsistance. Mais il donne également, à chacun, la possibilité de se réaliser, de se faire reconnaître comme acteur de ce monde. Il a ainsi l’occasion, dans la mesure où il exerce le métier de son choix, de satisfaire son amour du travail bien fait et d’en retirer de la fierté. Des marques matérielles de cette reconnaissance sont naturellement les bienvenues mais il est criminel de faire du gain l’unique moteur de l’homme. On fait croire aux bénéficiaires que l’on va rémunérer leur mérite alors que ce système ne vise que deux objectifs : contenir, voire abaisser la masse salariale, et contraindre le salarié à privilégier la rentabilité plutôt que la qualité.


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