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La belle au bois dormant

Publié le 19 décembre 2010 par Joseleroy

Certains psychologues ont traité des malades dont les symptomes présentaient des ressemblances avec certaines manifestations mystiques ou religieuses.
Un cas singulier, celui de Laetitia,  a été présenté par Pierre Janet dans son livre De l'angoisse à l'extase.

Ici laetitia a le sentiment de ne plus exister en tant qu'individu et pense le monde aussi irréel qu'un rêve...

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"Le cas de Lœtitia, jeune fille de 28 ans qui m'intéresse depuis plusieurs années, est plus complexe : il se rattache à la fois aux asthénies constitutionnelles et aux troubles des sentiments en rapport avec des lésions organiques. J'ai déjà eu l'occasion de décrire brièvement cette malade dans une communication que j'ai faite en Améri­que au congrès de neurologie, réuni à Atlantic City en 1921, et où je l'ai présentée sous le nom de Lœtitia. Je l'appelle aussi la dormeuse ou la belle au bois dormant : elle justifie bien ces noms, car depuis l'été 1913 jusqu'à l'été 1918, elle a simplement dormi pendant cinq ans ; c'était un moyen commode pour traverser la période de la guerre. Comme je l'ai raconté dans mon étude précédente, Lœtitia qui présentait des troubles nerveux depuis la puberté, qui avait de temps en temps des crises très étran­ges, caractérisées par un sentiment envahissant d'irréalité, de disparition du monde et d'elle-même, a trouvé bon de s'endormir complètement vers l'âge de 18 ans. Elle avalait ce qu'on lui mettait dans la bouche en lui pinçant le nez et quant aux opéra­tions inverses, elle les exécutait dans son lit avec la plus complète indifférence. Je suis arrivé par des simulacres de passes et par des suggestions à la réveiller un peu une fois par semaine et à obtenir un quart d'heure ou une demi-heure de conversation. Ces conversations avec la dormeuse ont été extrêmement intéressantes à tous les points de vue : elle était même capable de faire des vers quelquefois jolis. Elle présen­tait les troubles de la volonté et de la perception les plus étranges et, sans songer qu'elle faisait frémir l'ombre de Descartes, elle se permettait de les résumer en disant : « Sans doute je pense, mais je n'existe pas ». Elle terminait ses conversations par une formule bizarre et peu polie : « Pourquoi voulez-vous que je vous parle, vous n'existez pas, moi non plus ; bonsoir ».
(...)

Il faudrait, si ce n'était trop long, citer à titre de documents des pages entières écrites par Lœtitia « Quand je réfléchis à ma situation je n'y comprends absolument rien de deux choses l'une ou je suis vivante ou je ne le suis pas. Je ne dois pourtant pas être morte puisque j'ai un cœur qui bat, mais je ne suis pas vivante, puisque ma personne a disparu... Je cherche à savoir qui est là à ma place, je ne me sens être personne et cependant je parle, est-ce que je suis idiote ? Je suis un corps sans âme, une peinture, une loque... Je suis comme un chien qui ne sait pas d'où il vient ni où il va... Je n'ai été nulle part, je n'ai vécu nulle part, je sors peut-être d'une autre planète et je suis neuve dans cette vie... Quand je vous raconte des choses, il ne me semble pas qu'elles me soient arrivées à moi et cependant je sais un tas de choses à propos de ce personnage que vous appelez moi et des choses que les autres ne savent pas... Comment est-ce que je les sais ? Cet être a-t-il vraiment existé ? Alors qu'est-il devenu puisque je ne peux plus le retrouver, comment a-t-il fini ? S'est-il évaporé comme un peu de fumée ? Ce qu'il y a de plus fort, c'est que j'agis comme si cet être avait existé et comme s'il avait été moi. Et pourtant je ne lui reconnais aucune parenté avec moi. C'est plus compliqué que le mystère de la Sainte Trinité...  »


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