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Dominique Ngoïe-Ngalla : Lettre d'un pygmée à un bantou

Par Gangoueus @lareus
Je garde le souvenir lointain de mes vacances passées au village de mon grand père quelque part sur le plateau koukouya en République du Congo. C'était dans mon adolescence. J'étais parti avec un oncle maternel. Lors du voyage, je remarquais régulièrement des cabanes aux abords des villages bantous traversés et leurs habitants pygmées. En terre bantoue, les quelques pygmées que l'on peut rencontrer vivent souvent hors des villages. Je ne parlerai pas de bantoustan ou de ghettos des grands centres urbains français où semblent être parqués les postcoloniaux ou indigènes de la république. Mais finalement tout cela relève du même principe d'exclusion. Le bantou méprisant ne fricote pas avec le pygmée qu'il regarde comme un sous-homme.
Dominique Ngoïe-Ngalla : Lettre d'un pygmée à un bantouC'est pourquoi, cet ouvrage de l'historien congolais Dominique Ngoïe-Ngalla a tout de suite attiré mon attention. L'auteur est bantou. C'est l'un des grands intellectuels congolais qui a longtemps enseigné à l'université Marien Ngouabi de Brazzaville.
Sous la forme d'un long monologue, il m'imagine le discours d'un pygmée du fin fond de sa forêt équatoriale rongée lentement mais surement par les tronçonneuses des multinationales du bois. Notre bonhomme jette un regard caustique sur les bantous en général, sur leur posture hautaine à l'endroit des pygmées. L'essentiel de son discours se concentre sur les rapports déséquilibrés entre bantous et blancs. Car notre pygmée, observateur des grands chamboulements qui ont affecté ses voisins bantous avec la traite négrière puis la colonisation, persifle, joue de l'ironie et renvoie le Bantou à sa relation servile vis à vis de l'occident pour mieux déconstruire l'assurance qu'il affecte à son égard. Il n'est pas dupe.
Comme c'est souvent le cas des nègres à l'égard des personnages blancs dans les textes raciaux de Faulkner, le pygmée  est observateur des défaillances du bantou qu'il veut relever pour mieux l'aider à s'accomplir. Sa condition personnelle est annexe. Seul compte le propos qu'il tient à l'endroit du bantou.
De ce regard exterieur, Dominique Ngoïe-Ngalla dresse une critique forte sur les sociétés bantoues qui peinent à se relever des agressions occidentales des siècles derniers, il fustige le mimétisme, dénonce les survivances des complexes d'infériorité qui se traduisent par des rapports biaisés avec le Blanc.
Et nous le savons depuis qu'un penseur d'occident de génie nous en a prévenus : il n'existe pas de génie copieur. Le génie est liberté. Et je ne pense pas me tromper, si j'affirme que le défaut d'articulation du fond bantou à l'apport de la civilisation du Blanc copiée sans discernement est la cause principale des crises endémiques que traversent vos sociétés. Pour en sortir, ce ne sont pas les moyens qui vous manquent, et qui pourraient vous aider à reprendre l'initiative de vos actes afin de vous remettre dans le cours de l'HISTOIRE avec dignité.
Il faut croire notre ami pygmée a suivi le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar ou plutôt qu'il était en avance sur ce dernier. J'apprécie le ton critique de cette lettre ouverte. Certes, il y a des points récurrents dans son propos. Certes, tout résumer des rapports du bantou au Blanc, parait réducteur aujourd'hui quand les forces qui assaillent l'Afrique sont chinoises, indiennes ou malaises. Malais qui dévastent avec détermination l'espace forestier naturel des pygmées. Mais tout discours qui tend à renvoyer l'africain à ses propres responsabilités et lui éviter toute fuite en avant me parait indispensable. Cette lettre de l'ami pygmée en est un.
Dominique Ngoïe-Ngalla, Lettre d'un pygmée à un bantouEdition Bajag - Meri, 77 pages, paru en 2003
Voir les réflexions actuelles de Dominique Ngoïe-Ngalla sur son blog animé par  Cuntactor.

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